Tunisie: Nouvelle constitution | Réformes économiques - "Le chemin est long"

10 Juin 2022

Mettre en place des réformes structurelles décisives et améliorer le climat des affaires sont indispensables pour remettre l'économie tunisienne sur les rails.

La Tunisie doit emprunter la voie d'une croissance plus durable, afin de créer des emplois pour les jeunes qui constituent une part croissante de la population et parvenir à une meilleure gestion de la dette publique. Toutefois, entre le programme national de réformes, les mesures urgentes mises en place par le gouvernement en vue d'assurer la relance économique et les exigences de la nouvelle Constitution, "on n'exécute pas tout ce qui se propose et le chemin est long du projet à la chose", comme l'a dit Molière.

Tayeb Bayahi, président de l'Institut arabe des chefs d'entreprises (Iace), vient d'annoncer, lors d'un passage sur les ondes d'une radio privée, que "l'économie tunisienne va de mal en pis et que le gouvernement peine à trouver les solutions adéquates". D'après ses dires : "L'année 2022 sera noire pour l'économie, dans la mesure où plusieurs entreprises moyennes sont menacées de faillite". Selon lui, le rôle du ministère des Finances est d'encourager l'investissement à travers l'activation de mesures susceptibles d'encourager l'investisseur à prendre l'initiative.

Il a, par ailleurs, fait état de son mécontentement envers la non-activation des mesures annoncées par le gouvernement, dans leur intégralité. "J'estime que la quarantaine de mesures annoncées par le gouvernement est juste un poisson d'avril". Pour rappel, le ministre de l'Economie et de la Planification, Samir Saïed, a annoncé une série de mesures urgentes pour relancer l'économie nationale, regagner progressivement la confiance des acteurs économiques et protéger le tissu institutionnel.

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Ces mesures reposent sur quatre axes principaux. Il s'agit du renforcement de la liquidité, de la facilité de l'accès des entreprises au financement, de la redynamisation des investissements et de l'amélioration du cadre légal et réglementaire du climat d'affaires, sans oublier la simplification des procédures de promotion des exportations.

Le régime politique inapproprié est à l'origine de la crise actuelle !

Pour sa part, Ahmed El Karam, l'expert financier et membre de la Commission consultative des affaires économiques et sociales, a déclaré récemment que "la nouvelle Constitution doit rompre avec le passé et doit être constructive et non pas destructive comme c'était le cas de la Constitution de 2014. L'ancienne constitution avait instauré un régime politique inapproprié, à l'origine de la crise actuelle". El Karam a précisé que cette rupture créative et constructive doit se baser sur les nouvelles mutations et évolutions technologiques qui ont révolutionné les méthodes de travail classiques.

Selon lui, tout cela requiert "la mise au point d'une nouvelle approche des services et l'administration en Tunisie". Il a aussi mis l'accent sur l'importance du volet économique, qui doit être l'un des pivots de la nouvelle Constitution et la base de la construction démocratique, "car la démocratie ne peut pas s'épanouir dans un contexte économique instable et fragilisé. La nouvelle Constitution détermine le rôle économique de l'Etat. Ce rôle consiste à garantir la coopération et l'entraide entre les secteurs privé et public".

D'après El Karam, toutes les réformes à venir devront "consacrer l'économie sociale et solidaire et réduire l'hégémonie économique de l'Etat qui se traduit par sa disposition d'une grande part du PIB, sans que ce dernier n'offre des services de qualité ou réalise un taux de croissance raisonnable. Il convient donc de prévoir des mécanismes qui empêchent l'adoption d'un modèle économique favorisant l'endettement et le gaspillage. Bien au contraire, il faut repenser les priorités de l'Etat, dont notamment la défense, la sécurité, la justice, l'éducation, la santé, etc. Le rôle de l'Etat sera de ce fait bien déterminé, afin de permettre au secteur privé de jouer pleinement son rôle dans d'autres domaines".

"Une mission impossible"

Sadok Belaïd, président de la Commission nationale consultative pour une nouvelle République, a, quant à lui, insisté sur le fait que la nouvelle Constitution sera "économique" et non pas "politique". "Le Président de la République ne m'a dicté aucune consigne. Il m'a tout simplement chargé de préparer un projet de Constitution dans un délai qui ne dépasse pas le 15 juin. Rédiger une Constitution en 10 jours, qui répond aux défis des 50 prochaines années, est une mission impossible. Je l'ai accepté puisqu'il s'agit d'une question vitale pour le pays, car la Constitution est le pivot de tout l'édifice juridique et institutionnel dans le pays", a assuré Belaïd.

D'après ses propos, "la Constitution sera assurée par la commission juridique et la commission sociale et économique.

Plusieurs problèmes seront abordés par la deuxième commission qui sera composée de deux sous-commissions : une commission pour appréhender les problèmes des jeunes, en vue de mettre en place une sorte de contrat social permettant de garantir les conditions favorables à l'emploi, et une autre baptisée "l'avenir de demain", qui se penchera sur la question de la numérisation. La prochaine Constitution sera économique, et ce, contrairement à la Constitution de 2014 qui était plutôt politisée. La mission de la commission prendra fin lorsqu'elle délivrera le projet de la Constitution au Président de la République".

Sihem Boughdiri Nemsia, ministre des Finances, a, pour sa part, estimé, en parlant du programme de réformes économiques, que "le régime d'impôts sur les sociétés sera bientôt unifié et que le régime de la TVA sera simplifié, et ce, pour instaurer un régime fiscal unifié et homogène pour un système économique durable. Egalement, les dettes classées seront traitées et le cadre juridique régissant le marché des valeurs financières sera révisé. Un conseil national de paiement et un conseil national pour l'intégration financière seront aussi créés, selon la ministre des Finances".

Les grands chantiers

La ministre du Commerce, Fadhila Rebhi, a précisé dans ce même contexte, "que la numérisation des circuits de distribution et la révision du cadre juridique relatif au contrôle économique sont parmi les mesures de réforme qui seront bientôt engagées. Elle a fait savoir, dans le même registre, qu'un décret loi régissant la concurrence et les prix sera émis, soulignant que 45 mille infractions économiques ont été relevées par les services de contrôle du ministère du Commerce".

Elle a aussi précisé que "le coût de subvention pourra atteindre 4.200 millions de dinars, soit 3.3% du PIB". Un pourcentage qui dépasse, selon ses dires, "la moitié du taux d'investissement public en Tunisie".

Ainsi, "la révision du système de compensation vise à protéger ledit système. Il n'y aura pas de levée de subventions qui seront orientées à ceux qui les méritent. Ce programme s'étale sur quatre ans et sera lancé en 2023", a-t-elle fait savoir.

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