L'avenir des éditions "Ambozontany-Analamahitsy" et "Foi et Justice", après les disparitions quasi-simultanées, en 2021, de Giustino Bethaz et Sylvain Urfer, rejoignent ce même faisceau d'interrogations un peu inquiètes. Après les douze dictionnaires du XIXème siècle, la réédition au XXème siècle de nombreux ouvrages épuisés, les Jésuites du XXIème siècle seront immanquablement jugés à l'aune des "institutions" d'avant.
Les nombreuses références à son personnage et son oeuvre m'ont donné envie de relire Rahajarizafy, trop rapidement survolé pendant mes dix ans de scolarité chez les Jésuites. Ses productions mériteraient une plus large diffusion, et d'abord auprès des élèves des collèges jésuites. D'autres Jésuites, illustres ou plus méconnus, ne doivent pas être distraitement passés en revue : Adolphe Razafintsalama, Andriamihaja René-Claude, Rémy Ralibera, etc. Et Dama-Ntsoa (1885-1963), alias JeanBaptiste Razafintsalama, est-il toujours à l'Index chez ses anciens confrères jésuites ?
Après le Bulletin trimestriel de l'Académie Malgache, le Bulletin de Madagascar avait également commencé à éditer le "Grand dictionnaire de Madagascar", celui de François Callet (lettres A à M, dans vingt-trois numéros, de janvier 1963 à décembre 1965). Il faudrait une compilation unique aux bons soins des maisons d'édition jésuites. Ce serait un délice de lire dans leur version non-expurgée des "mots grossiers et tabous" ("La contribution des Jésuites à la lexicographie malgache", Linah Ravonjiarisoa, p.296) les premiers dictionnaires du XIXème siècle, gravure de la langue encore authentique des Ntaolo.
En questions subsidiaires : que reste-t-il effectivement de l'Indianocéanie jésuite après les dérives et ruptures : "Maurice de plus en plus indien, Madagascar de plus en plus malgache, La Réunion en dehors de l'orbite malgache" ("Discerner dans le courant tumultueux de l'histoire : de "mission" à "province" de Madagascar, François Niçaise, p.157) ? Et, en cette veille de 26 juin, anniversaire du retour de l'indépendance, quel sort les Jésuites eux-mêmes, réservent-ils au SRI (système de riziculture intensive), découvert par le Jésuite Henri de Laulanié : si, depuis 1984-1992, tous les riziculteurs malgaches avaient produit les 20 tonnes à l'hectare, que permet le SRI, on célébrerait aujourd'hui l'indépendance par une réelle souveraineté alimentaire.