Ile Maurice: Souveraineté territoriale - 89 Sri Lankais détenus aux Chagos - Les nouveaux exilés

Un bateau de pêche endommagé et arraisonné par la marine britannique. Des passagers détenus sans contact avec le monde extérieur, à l'écart de la base militaire américaine de Diego Garcia. Des espoirs d'un avenir meilleur au Canada anéantis par un vide juridique. Voilà le sort peu enviable que subissent 89 Sri Lankais - dont 20 enfants - depuis huit longs mois.

En octobre 2021, ce groupe de Sri Lankais prennent place à bord d'un bateau, direction le Canada. Mais en route, le bateau qui a connu des avaries, est stoppé par la marine britannique. Puis escorté jusqu'à la base militaire de Diego Garcia. Ces Sri Lankais y sont toujours détenus. Que peut faire l'île Maurice face à une telle situation ? Milan Meetarbhan, ancien ambassadeur de Maurice aux Nations unies, rappelle que la République "a juridiction sur les Chagos mais n'a pas les moyens de l'appliquer. Cependant au regard de la loi mauricienne, ces personnes se trouvent sur un territoire mauricien". Faute d'occupation effective des Chagos, l'archipel est un territoire mauricien "sous occupation étrangère. Donc c'est la puissance occupante qui a les moyens d'agir".

Mais cette puissance occupante - la Grande-Bretagne - "peut toujours dire qu'elle n'a pas une obligation juridique envers ces citoyens du Sri Lanka parce que les traités internationaux concernant les réfugiés signés par la Grande-Bretagne n'ont pas été appliqués à tous les territoires sous son contrôle". Milan Meetarbhan précise qu'en ratifiant un traité, un État peut dire si ses dispositions légales s'appliquent aussi aux territoires ou colonies sous son contrôle. "Quand la Grande-Bretagne a signé ces conventions, elle ne les a pas étendues au British Indian Ocean Territory."

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"Pas des pirates, des rescapés"

Pour l'ancien ambassadeur, dans une telle situation, ce n'est pas l'obligation juridique qui doit primer, mais bien le "devoir humanitaire". Il souligne que ces Sri Lankais "ne sont pas des pirates mais des rescapés". Revenant à la question initiale : que peut faire Maurice en pareille circonstance, Milan Meetarbhan estime que la République peut "ajouter sa voix à celle de la communauté internationale qui réclame des actions". Il la place dans la perspective de la campagne diplomatique internationale menée par Maurice pour attirer l'attention sur ce qui se passe aux Chagos. "On peut continuer sur cette voie. Appeler les Britanniques et les Américains à assumer leurs responsabilités humanitaires, même s'ils disent qu'ils n'ont pas d'obligation juridique."

Dans le courant de la semaine, le réseau d'informations qatari Al Jazeera, a mis en ligne un article d'opinion intitulé "The BIOT: A judicial vacuum now consuming Tamil refugees". Cet article, signé par Samuel Bashfield, chercheur au National Security College de l'Australian National University, cite une série de traités internationaux qui ne s'appliqueraient pas à ce territoire "pour permettre aux forces américaines qui y sont installées d'opérer plus librement". Rappelons que Samuel Bashfield a aussi exposé, l'année dernière, les premières images satellites de la piste d'atterrissage et des jetées en construction par l'Inde à Agalega. "Despite supposedly landing on a British Overseas Territory, these asylum seekers have no clarity about their future, because, in legal terms, the BIOT is a "grey hole", likened by one academic to Britain's own Guantánamo", écrit Samuel Bashfield.

Le 20 mai, le quotidien britannique The Guardian rapportait pour sa part que 42 de ces 89 Sri Lankais ont entamé une grève de la faim, en signe de "désespoir face à leur situation critique". Cela, après sept mois de détention dans la base militaire américaine de Diego Garcia. Le cabinet d'avocats britannique, Leigh Day, qui représente ces Sri Lankais, affirme que depuis leur arrivée à Diego Garcia, ces personnes n'ont pu avoir que des contacts limités avec le monde extérieur. Mais surtout, ils y ont été détenus sans possibilité de communiquer avec qui que ce soit, pendant les six premières semaines de leur séjour forcé à Diego Garcia.

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