Afrique de l'Ouest: Récusation de Mahamadou Issoufou - Le Burkina osera-t-il se mettre à dos la CEDEAO ?

Mahamadou Issoufou, président du Niger et de la Cédéao depuis le 29 juin 2019.
analyse

Pour servir d'interface avec la transition au Burkina Faso, la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) a désigné Mahamadou Issoufou, à l'issue de son 6ème sommet extraordinaire, comme médiateur.

En rappel, l'organisation communautaire et la junte militaire au pouvoir s'opposent sur la durée de la transition mais sont toutes deux engagées à " poursuivre le dialogue en vue d'un retour à l'ordre constitutionnel dans les meilleurs délais ".

Le médiateur nommé aura donc pour mission, aux termes mêmes du communiqué de la CEDEAO, de " faciliter le dialogue entre toutes les parties prenantes ".

Quelles sont les chances de succès de l'ancien chef de l'Etat du Niger ? Telle est l'interrogation que beaucoup se posent. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le prédécesseur de Mohamed Bazoum a le profil de l'emploi.

L'homme, connu pour ne pas avoir sa langue dans la poche, a surtout une réputation qui est loin d'être surfaite ; celle d'être très attaché aux principes démocratiques.

Il l'a démontré à l'interne au Niger en résistant et en faisant taire les sirènes qui l'invitaient à tripatouiller la loi fondamentale pour briguer un troisième mandat et à l'externe en s'opposant de vive voix aux modifications constitutionnelles pour se maintenir au pouvoir dans l'espace de la CEDEAO.

Le second atout de Mahamadou Issoufou est qu'il connait bien l'histoire politique du Burkina Faso ainsi que certains des principaux acteurs avec lesquels il a des atomes crochus.

Il n'aura donc pas besoin d'une longue immersion dans le pays pour comprendre les principaux enjeux de la crise sociopolitique en cours dans le pays et pourra toujours recourir à son carnet d'adresses personnel pour lever d'éventuels blocages.

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Dans cette foire d'intérêts qu'est devenu le Burkina Faso, l'on devrait savoir raison garder

Cela dit, ce que d'aucuns perçoivent comme des atouts pour le médiateur désigné de la CEDEAO au Burkina, constitue, pour certains acteurs nationaux, le talon d'Achille de l'homme.

En effet, puisqu'il est soupçonné d'être proche du régime déchu du Mouvement du peuple pour le progrès (MPP) de Roch Marc Christian Kaboré, certaines organisations de la société civile et certains partis poliques estiment qu'il manque d'impartialité et appellent tout simplement à sa récusation.

Par ailleurs, il n'est pas évident que l'attachement aux valeurs démocratiques de Mahamadou Issoufou, plaise à certains acteurs nationaux qui se délectent actuellement des raccourcis politiques imposés par la transition.

Certains " transitaires " sont, en effet, sortis des méandres de l'histoire à la faveur du coup d'Etat du Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) du lieutenant-colonel Paul Henri Sandaogo Damiba et souhaitent en profiter au maximum.

Mais dans cette foire d'intérêts qu'est devenu le Burkina Faso pressuré par ses fils, l'on devrait savoir raison garder. Il faut attendre de voir le maçon au pied du mur pour le juger surtout que dans le cas d'espèce, Mahamadou Issoufou n'a aucun intérêt à se mettre à dos le Burkina avec lequel son pays partage un important héritage historique et des intérêts économiques et sécuritaires vitaux.

Ensuite, est-il possible au Burkina de récuser le médiateur de la CEDEAO sans se mettre à dos l'organisation sous- régionale ? La probabilité du clash est, en tout cas, forte et c'est de cela que le Burkina Faso a le moins besoin dans sa situation actuelle caractérisée par la recrudescence des attaques terroristes.

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