Rwanda: Expulsion de migrants illégaux du Royaume Uni vers le pays - Le risque calculé de Kagamé

analyse

C'est, en principe, hier, 14 juin 2022, qu'a atterri à Kigali, le premier vol de migrants illégaux refoulés par le Royaume-Uni en vertu d'un accord controversé avec le pays de Paul Kagamé.

Donc, ni les condamnations de l'Organisation des Nations Unies (ONU) ni les cris d'orfraie des associations de défense des droits humains et encore moins les actions en justice, ne sont parvenus à émousser la volonté des dirigeants des deux pays de tenir leurs engagements.

En attendant de voir la suite de ce feuilleton qui promet des rebondissements en raison de la forte clameur qui l'a accueilli, l'on peut épiloguer sur les motivations des parties prenantes dans ce deal.

Pour le Royaume-Uni, cette expulsion de migrants illégaux est en conformité avec les pratiques de l'immigration dans les nations européennes qui, malgré les discours officiels sur les droits d'asile, cherchent à se protéger des hordes de migrants qui affrontent le déchainement de tous les périls pour accéder à l'eldorado que représente le vieux continent.

Paul Kagamé soigne son image politique

Et l'on peut d'ailleurs comprendre cette attitude des pays du vieux continent dont les capacités d'accueil ne sont pas illimitées et qui redoutent aujourd'hui l'arrivée par les courants migratoires, d'individus radicalisés qui menaceraient de compromettre leur sécurité interne. Quant au Rwanda, il explique son hospitalité par des raisons humanitaires.

Mais il ne faudrait certainement pas s'y méprendre car derrière les raisons d'humanisme mises en avant par les autorités politiques, se cachent certainement des arguments plus pesants et notamment financiers. L'on sait par exemple que le pays de la Reine s'est dit prêt à casser la tirelire pour accompagner le pays d'accueil de ces citoyens du monde déclarés indignes de vie dans le Royaume.

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Et peut-être aussi que l'occasion faisant le larron, le Rwanda peut aussi disposer d'une main-d'œuvre qualifiée dont la participation peut être essentielle pour le développement de ce pays qui suscite déjà l'admiration par ses progrès économiques et sociaux. Au passage, Paul Kagamé, connu pour être un homme de poigne, soigne son image politique.

Mais si l'on peut dire que cette expulsion de migrants illégaux est un partenariat gagnant-gagnant pour les deux pays, peut-on en dire autant pour les premiers concernés, c'est-à-dire les damnés et bannis de l'Angleterre ? Il ne fait, en tout cas, aucun doute qu'un rêve de vie en Europe, qui se termine sur les collines du Rwanda, ressemble pour beaucoup à un naufrage, si ce n'est un cauchemar.

Et ce cauchemar pourrait bien se solder par un réveil en sursaut dans la mesure où le pays de Paul Kagamé est bien aux antipodes des espaces de liberté européens où fleurissent les droits humains même les moins universellement acceptés comme l'homosexualité.

Et c'est précisément en cela que l'on comprend les réprobations des associations et ONG de défense des droits de l'Homme dont certains des membres se disaient prêts à se rendre sur le tarmac de l'aéroport pour empêcher le décollage du charter qui transporte les expulsés.

Il ne fait pas élégant pour la Grande Bretagne de rejeter ses déchets humains en Afrique

Cela dit, il n'est pas dit que le désenchantement dans cette affaire, soit seulement pour les expulsés. Il n'est pas, en effet, exclu que les nouveaux arrivants traînent avec eux des tares sociales qui peuvent gangrener le tissu social.

Les risques de propagation de l'extrémisme violent et de la toxicomanie, le développement de la prostitution et de certaines maladies contagieuses sont réels. Mais l'on peut se dire que le président Kagamé a pris le soin de calculer tous ces risques et d'évaluer l'impact pour son pays.

C'est donc un risque calculé que l'homme a pris. Mais en attendant de voir de quoi sera fait demain pour le Rwanda et ses nouveaux citoyens, l'on doit tout de même se garder d'applaudir à tout rompre, ce deal gagnant-gagnant entre les Etats dont la responsabilité est entièrement engagée dans la tragédie que vivent les expulsés.

Les Etats européens si prompts à éconduire les migrants hors de leurs frontières, sont en partie responsables des tragédies que vivent leurs pays de départ.

Quand ils ne sont pas ceux qui allument les foyers de tensions, ils sont ceux qui les attisent en y vendant des armes. Dans le meilleur des cas, ils pillent leurs ressources et appuient les dictatures qui maintiennent les populations dans une misère crasse.

Et soit dit en passant, il faut le dire, il ne fait pas élégant pour la Grande Bretagne de rejeter ses déchets humains en Afrique qui, une fois de plus, apparait comme la poubelle du monde.

A l'instar des déchets industriels toxiques dont les conséquences sont désastreuses pour la qualité de vie des populations, le continent devient aussi une destination pour l'infecte plèbe européenne. L'on peut, de ce fait, comprendre le ras-le-bol de nombreux Africains face à cette arrivée de migrants expulsés d'Europe.

Dans la même veine, les pays sous-développés d'où partent les migrants, sont à blâmer dans la mesure où toute cette histoire traduit l'échec de leurs politiques de développement.

En tout état de cause, la solution n'est pas le rapatriement de migrants vers les pays tiers mais que le monde travaille à un développement équitable et inclusif. Car, tant que persisteront les disparités, le monde trop bien nourri attirera toujours le monde trop affamé.

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