Burkina Faso: Gestion durable des terres et des semences forestières - Des experts africains saluent l'expérience burkinabè

Des experts d'une dizaine de pays d'Afrique francophone ont touché du doigt l'expérience burkinabè en matière de gestion durable des terres et des semences forestières, à l'occasion d' une sortie-terrain sur les sites du bocage sahélien de Guiè et du Centre national de semences forestières (CNSF), le 9 juin 2022.

Des experts d'une dizaine de pays d'Afrique francophone ont touché du doigt l'expérience burkinabè en matière de gestion durable des terres et des semences forestières. © Photo : Mahamadi SEBOGO pour Sidwaya.info. Editions Sidwaya.

Dans le cadre de l'atelier régional de partage d'informations et d'expériences sur la gestion durable des forêts dans le contexte de changement climatique en Afrique, organisé par le Forum Forestier Africain (African Forest Forum-AFF), du 6 au 10 juin 2022, à Ouagadougou, des experts d'une dizaine de pays d'Afrique francophone ont touché du doigt l'expérience burkinabè en matière de gestion durable des terres et des semences forestières, à l'occasion d' une sortie-terrain sur les sites du bocage sahélien de Guiè et du Centre national de semences forestières (CNSF), le 9 juin dernier. Tous édifiés, certains livrent ici leurs témoignages.

Joseph Moumbouilou, colonel des eaux et forêts, Directeur Général de l'Economie Forestière, République du Congo : " La presse doit accompagner cette association pour que le Burkina Faso soit un modèle en matière de gestion durable des terres ". © Photo : Mahamadi SEBOGO pour Sidwaya.info. Editions Sidwaya

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" La presse doit accompagner cette association pour que le Burkina Faso soit un modèle en matière de gestion durable des terres ", Joseph Moumbouilou, colonel des eaux et forêts, Directeur Général de l'Economie Forestière, République du Congo

" Après les partages d'expériences des pays d'Afrique centrale et de l'Ouest en matière de gestion des terres et des forêts, il a été question de venir voir une approche de gestion durable des terres mise en place par une association à Guiè, composée de 11 villages. L'association est bien organisée avec un conseil d'administration, un coordonnateur de projet, un directeur. Elle dispose d'une pépinière qui permet d'avoir des plants pour reboiser dans les zones à risque de dégradation, d'érosion. Les 11 villages mutualisent leurs efforts pour lutter contre la pauvreté, à travers la combinaison de l'agriculture et de l'élevage. Nous avons vu comment les terres sont mises en valeur sur les sites d'expérimentation.

C'est une expérience à capitaliser, surtout qu'il s'agit d'une approche adaptée au climat sahélien, qui permet aux populations de trouver leur compte et de lutter contre la pauvreté. Je repars dans mon pays, la République du Congo, avec une très bonne impression. Cette expérience peut être dupliquée dans d'autres pays sahéliens comme le Niger, le Mali. J'encourage cette association à persévérer dans cette initiative. Je l'invite à développer le côté communication, médiatisation de leurs activités afin de pouvoir bénéficier du soutien, du financement pour que cette expérience soit multipliée. Elle ne doit pas rester en vase clos. La presse doit accompagner cette association pour que le Burkina Faso soit un modèle en matière de gestion durable des terres. "

Pr Marie Louise Avana-Tientcheu, chargée de programme " Forêts africaines, populations et changement climatique " à l'AFF, Kenya : " Le bocage sahélien est un exemple de bonne pratique qui mérite d'être documenté et partagé ". © Photo : Mahamadi SEBOGO pour Sidwaya.info. Editions Sidwaya.

" Le bocage sahélien est un exemple de bonne pratique qui mérite d'être documenté et partagé ", Pr Marie Louise Avana-Tientcheu, chargée de programme " Forêts africaines, populations et changement climatique " à l'AFF, Kenya

" Je sors de cette visite du bocage sahélien très enrichie à plusieurs niveaux. D'abord, sur le plan de la conception de ce projet, de l'approche utilisée ; ensuite au niveau des résultats qui sont pertinents pour le contexte sahélien. Au niveau de la conception, j'ai été frappée par la capacité de la population à mener cette activité de restauration de leurs terres, de s'en approprier de sorte à tirer elle-même les leçons de ses échecs et de ses réussites. Cette façon de faire est généralement très rare au niveau des communautés de base où l'on aime les choses déjà bien faites, prêtes à être utilisées ! Qu'une population s'engage à essayer, à apprendre de ses faux pas et de ses succès est quelque d'intéressant en matière de conception de projet.

En termes de techniques, nous avons vu l'organisation des parcelles qui permet de résoudre des problèmes sociaux, notamment les conflits, en permettant aux agriculteurs et aux éleveurs de travailler ensemble, à travers une technologie limitant le mouvement des animaux à l'intérieur des champs. Cela m'a aussi édifié !

Pour ce qui est des résultats, ils sont là, tangibles, parlent d'eux-mêmes. Des terres, jadis dégradées, sont récupérées avec différents niveaux de succès en fonction des techniques culturales utilisées. Nous avons vu des techniques comme le zaï, la mise en défens de parcelles. Je pense que nous avons là un exemple de bonne pratique qui mérite d'être documenté et partagé. "

Dr Moussa Massaoudou, chercheur en écologie forestière à l'Institut national de la recherche agronomique, Niger : " C'est le pilier du développement des pays comme les nôtres ". © Photo : Mahamadi SEBOGO pour Sidwaya.info. Editions Sidwaya.

" C'est le pilier du développement des pays comme les nôtres ", Dr Moussa Massaoudou, chercheur en écologie forestière à l'Institut national de la recherche agronomique, Niger

" De prime abord, nous sommes impressionnés par la structuration de la ferme. Nous sommes frappés par son organisation, son histoire ; c'est une ferme qui date mais qui maintient ses activités, avec une diversification sur le plan social et un accent particulier sur l'agroforesterie et la gestion durable des terres. Nous avons commencé la visite par la pépinière de la ferme. Nous avons été impressionnés par l'inclusion des femmes dans la conduite des activités. Cela est extrêmement important. La diversité des espèces végétales dont regorge la pépinière est un plus dans la préservation de la biodiversité de la région. Enfin, il y a la dimension humanitaire de cette activité, à travers la prise en compte des couches les plus vulnérables de la communauté.

Pour ce qui est du bocage sahélien, nous avons visité un site impressionnant qui est parti de zéro où la dégradation était très avancée mais qui a été totalement restaurée, avec une poussée assez significative de la biodiversité sur le plan de la structuration et de la composition. Les mécanismes de gestion de la ferme, les technologies agroforestières introduites et appropriées par les communautés sont aussi impressionnants. Il s'agit d'une initiative extrêmement pertinente qui mérite d'être dupliquée dans d'autres pays mais en l'adaptant aux contextes. J'apprécie bien cette approche qui intègre à la fois la dimension sociale, environnementale, éducationnelle. C'est le pilier du développement des pays comme les nôtres. "

Pr Brice Sinsin, enseignant-chercheur en conservation des ressources naturelles, Université d'Abomey-Calavi, Bénin : " Ce qui est également original, c'est l'accent mis sur les espèces locales ". © Photo : Mahamadi SEBOGO pour Sidwaya.info. Editions Sidwaya.

" Ce qui est également original, c'est l'accent mis sur les espèces locales ", Pr Brice Sinsin, enseignant-chercheur en conservation des ressources naturelles, Université d'Abomey-Calavi, Bénin

" Nous avons vu une initiative assez originale ! Mieux valoriser une terre qui aurait été qualifiée d'improductive, jusqu'à lui donner toute la capacité de produire de bons rendements de sorgo, de niébé, de mil, à partir de techniques simples, maitrisables par les populations elles-mêmes, est quelque chose d'impressionnant. Nous avons été impressionnés par cette technique de bocage sahélien, où l'on aménage des haies vives, à l'intérieur, l'on fait de la production agricole, en améliorant le support de production, à travers la scarification sur le sol, les micro-diguettes, le compost fabriqué localement.

C'est une approche que l'on peut dupliquer un peu partout. Comme vous le savez, le Sahel est une donnée commune. Nous avons par exemple ce programme de reboisement de Djibouti à Dakar, au Sénégal, à travers la Grande muraille verte. C'est ce que nous appelons la zone soudanienne, avec sa zone de transition sahélienne. Il s'agit d'une zone partagée par plusieurs pays comme le Burkina Faso, le Niger, le Mali, la République centrafricaine, le Nigéria, le Cameroun, le Tchad, etc. Du point de vue conceptuel, le bocage laisse comme leçon que partout où vous avez un sol qui, à priori n'est pas agricole, vous pouvez l'améliorer, pour en sortir des rendements. C'est un peu à l'image des dunes côtières au niveau des pays côtiers, qui sont valorisées dans les mêmes conditions comme au Sahel ; il suffit de créer le support pour que la plante puisse donner de bons rendements.

Ce qui est également original au niveau de la pépinière, c'est l'accent mis sur les espèces locales. 80% de plants qui y sont produits sont typiquement autochtones. Cela est extrêmement important. Il faut que nous valorisions notre potentiel de biodiversité. J'étais tellement émerveillé que j'ai pris certaines espèces pour amener au Bénin. Je m'insurge toujours contre une foresterie urbaine basée sur des espèces exotiques, c'est malheureux ! Quand on visite nos capitales, on devrait découvrir la biodiversité locale. Mais sur ce plan, nos forestiers sont paresseux. Car, c'est à eux de faire la vulgarisation de pépinières d'espèces locales que l'on va utiliser par la suite pour reverdir nos villes. On ne peut pas être au Burkina et voir ce qu'on devrait voir à Madagascar ou être à Madagascar et voir ce qui devrait être vu au Kényan, etc. "

Fatoumata Clarisse Diomandé, lieutenant-colonel des eaux et forêts, sous-directrice de la production forestière et des produits secondaires, République de Côte-d'Ivoire : " Nous avons été impressionnés par l'implication des femmes dans le travail de pépiniéristes ". © Photo : Mahamadi SEBOGO pour Sidwaya.info. Editions Sidwaya

" Nous avons été impressionnés par l'implication des femmes dans le travail de pépiniéristes ", Fatoumata Clarisse Diomandé, lieutenant-colonel des eaux et forêts, sous-directrice de la production forestière et des produits secondaires, République de Côte-d'Ivoire

" Ces différentes visites nous ont suffisamment édifiés. La Côte-d'Ivoire est un pays forestier, cela fait que nous ne prenons pas la pleine mesure de l'importance d'avoir des essais au niveau de la recherche et de les implémenter. Ces sorties-terrain nous ont permis de comprendre qu'il y a beaucoup de travail à faire. En Côte-d'Ivoire, nous sommes en train d'implémenter une nouvelle politique, et ces différentes visites-terrain vont nous permettre de nous en inspirer. On constate qu'au niveau du Burkina Faso, il y a une véritable volonté politique en matière de semences forestières. Cela manque un peu en Côte-d'Ivoire. Quand nous allons rentrer au pays, nous allons informer la hiérarchie afin que l'on puisse essayer d'implémenter quelque chose, même si ce n'est pas à la même échelle. Car, nous savons que ce que nous avons vu ne s'est pas fait pas en une année, c'est plutôt un travail de longue haleine. Nous allons commencer au niveau de l'administration, ne serait-ce que pour avoir notre propre centre de semences ou les pépinières de l'administration, même si nous en avons déjà au niveau de nos directions régionales.

Au niveau de la pépinière de la ferme bocagère de Guiè, nous avons été impressionnés par l'implication des femmes dans le travail de pépiniéristes. Nous avons vu que la responsable maitrise bien son travail, elle connait même le nom scientifique de certaines espèces que nous, experts, ne connaissons pas. Cela montre que l'on n'a pas besoin de faire de longues études pour mettre en œuvre des bonnes pratiques ; cela est possible avec des formations de courte durée. "

Dr Grace Jopaul Loubota Panzou, spécialiste en écologie et gestion des forêts, Université Marien-N'Gouabi, Congo Brazzaville : " Il y a un travail incroyable qui se fait au niveau du CNSF ". © Photo : Mahamadi SEBOGO pour Sidwaya.info. Editions Sidwaya.

" Il y a un travail incroyable qui se fait au niveau du CNSF ", Dr Grace Jopaul Loubota Panzou, spécialiste en écologie et gestion des forêts, Université Marien-N'Gouabi, Congo Brazzaville

" Ces deux visites ont été très enrichissantes. D'abord, au niveau de l'aménagement bocager pour la gestion durables des terres, nous avons vu des choses intéressantes. Il en est de même au Centre national de semences forestières (CNSF) où nous avons vu un nombre incroyable d'espèces végétales mises en germination ou en développant leurs aptitudes à la multiplication végétative. Le centre met l'accent sur la vente de graines fiables aux partenaires au niveau national et international. Je trouve également cela intéressant ! Depuis le Congo, nous faisons des commandes de graines de certaines espèces au niveau de ce centre afin de faire de la multiplication, de la germination pour des objectifs de reboisement, de reforestation.

En résumé, cette journée de visite a été très bénéfique pour nous autres qui venons des pays à forêt très dense et qui découvrons un autre contexte à forêt claire. Il est toujours intéressant d'avoir ce genre d'initiatives de partage d'informations et d'expériences. Ce Centre m'a particulièrement marqué, tant au niveau de la logistique que sur le plan organisationnel, suivant des procédures, depuis la récolte jusqu'à la validation de la viabilité des graines. Il y a un travail incroyable qui se fait ici. Surtout qu'on y associe la recherche. Cela est très important. "

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