Madagascar: Nécrologie - Vahömbey le " chantre " désormais immortel

Cette image incarne le Vahömbey de toujours : serein, souriant, toujours " rôkarôka ". (crédits photos : Sitraka Mamitiana)

C'est dans la consternation que le monde de la musique malgache et les inconditionnel(le)s ont appris le décès de Roland Dieudonné Rabearison, samedi dans la matinée. Le père du " Rôkarôka ".

Il y avait l'avant et l'après " Mpiantsa " (Salanitra-1999), un hymne habité de romantisme chanté, entre poésie et chanson, par son auteur/compositeur : Vahömbey. Roland Dieudonné Rabearison, dans le civil, a définitivement posé son " katana ", samedi dans la matinée, à 68 ans. Des suites d'une maladie, qu'il " aurait toujours tenté de cacher ", selon certains proches.

Puisque le monsieur n'aurait pas voulu assombrir le visage des uns ou ternir le sourire des autres, en apprenant qu'il était sur sa dernière ligne droite. Vahömbey apportait cette rage de vivre. Dans sa jeunesse, c'était l'incarnation de l'anti-pensée dominante. " Rôkarôka " était son slogan. Bagarres, joints, alcool, galipettes, voyages... Un gourmand de la vie, jugé à contre-courant.

Roland Dieu Donné Rabearison dans sa jeunesse, le rock à l'état brut.

À côté de cela survivait sa musique. Le rock, " Besorongola ", " Ny ampelako (Mantakisoka) ", morceaux empruntés à un autre monument de l'art malgache, Xhy et Maà. Les premiers riffs aux soubresauts " métaleux ". Puis vint la période Tsilavina Ralaindimby, autre immortel de la culture nationale et ses premiers contacts avec l'audiovisuel. Devant ses élèves à l'Université d'Ambohitsaina, il aimait à dire. En malgache saurait mieux le rappeler. " Tsy mba nanana baoritra aho, fa be dia be ny baoritra kiraroko, satria izaho nianatra teny an-kianja dia nanimba kiraro maro ". Littéralement. " Je n'ai pas de carton (diplômes). Par contre, j'ai beaucoup de cartons pour les souliers (boîtes à chaussures), j'ai appris sur le terrain alors j'en ai beaucoup usé ... de chaussures ".

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De son parcours sont nées des chansons cultes. D'un album culte, " Rôkarôka " (1993). En étendard d'une époque et d'une jeunesse tananarivienne, de ce qui pourrait être identifiée comme une période de " la première contre-culture malgache ". Le temps passe vite. En grandissant, il s'assagit. Il s'éclipse quelque peu du paysage musical. Puis sort le cultissime " Salanitra ".

Où figure le titre " Mpiantsa ". L'homme y chante, apaisé, authentique, limpide, lyrique... Humainement, l'album se rapproche de la perfection. " Un psaume ", où les démons du passé n'y trouveront plus leur place. Il embrasse le monde, tel un cénobite ayant réussi sa quête. Puisque son horizon a toujours été repoussé, parfois bouleversé, par ses voyages et ses rencontres.

Facile de voguer les mers, les cieux et la latérite, quand on connaît ses racines. Il revendique parfois ses origines " Vazimba ". " Mpiantsa " évoque alors ces " chantres ", ceux dont le " cœur est largement plus gros que son intestin, souhaitant inonder d'amour toute la création ". Au fil de la chanson, il se lâche dans un genre de slam presque rageur.

" Parmi eux ces mendiants, qui vivent l'amertume de toutes les amertumes, pourtant sont florissantes en bénédiction en recevant vingt (ariary) de notre part, tandis que nous espérons des centaines de milliers (ariary) en récompense ", énumère-t-il. De ces chantres du quotidien, Vahömbey y cite les devins traditionnels, les prédicateurs de rue, les éclairés, les artistes, les gardiens des valeurs...

Vahömbey ne fait pas partie de ces artistes anodins, dont les belles chansons sont les seuls restes. Roland Dieudonné Rabearison était une époque, une musique, une trajectoire d'une jeunesse désabusée... Mais aussi l'intellectuel, le chercheur, le politicien, le mordu de livres, l'enseignant, le grand frère, le conseiller, l'ami, le père, le " sensei "... Il y a de tout cela dans " Rôkarôka ".

Sa dépouille sera incinérée ce jour à 13h au crématorium d'Anosizato.

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