Cote d'Ivoire: Mathieu Badaud Darret (ministre-gouverneur du District autonome duSassandra-Marahoué) - "Les détracteurs d'Alassane Ouattara donnent dans la propagande"

interview

Haut cadre du Rassemblement des houphouëtistes pour la démocratie et la paix, Mathieu Badaud Darret dirige aujourd'hui le district autonome du Sassandra-Marahoué en tant que ministre-gouverneur. Dans cet entretien, il explique sa mission et dévoile ses ambitions pour développer cette partie du pays.

Il jette par ailleurs un regard analytique, avec son franc-parler habituel, sur l'actualité politique nationale : la restructuration en cours du RHDP, la délivrance du passeport de Blé Goudé, les récentes attaques de l'ancien président Laurent Gbagbo contre le pouvoir en place.

Le Patriote: Monsieur le ministre-gouverneur du district autonome du Sassandra-Marahoué, quelles sont, de façon précise, les priorités de votre zone de compétence ?

Mathieu Babaud Darret : Depuis ma désignation en tant que ministre-gouverneur, c'est la première fois que je m'adresse à un média. Je voudrais saisir cette occasion pour renouveler ma gratitude et mes remerciements au président de la République qui vient, une fois de plus, de me renouveler sa confiance.

Pour revenir à votre question, les priorités de notre zone se trouvent dans les missions que nous a confiées le président de la République. Ces priorités sont nombreuses. Aussi, pour répondre efficacement à votre préoccupation, vais-je vous donner la définition du district.

Aux termes de la loi n°2014-451 du 5 août 2014 portant orientation de l'organisation générale de l'administration territoriale dans ses articles 47 à 50, le district est une "entité territoriale particulière régie par les règles de la déconcentration et de la décentralisation.

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" A partir de là, les missions confiées au district autonome du Sassandra-Marahoué, à l'instar de tous les autres districts autonomes, sont de deux ordres. D'une part, il y a les missions à réaliser en tant que structure déconcentrée que nous pouvons résumer ainsi : " Notre district sera chargé avec toutes les autres structures déconcentrées déjà sur le terrain (corps préfectoral, communes et conseils régionaux, de coordonner et de veiller sur la réalisation des projets et les actions de développement menés par le Gouvernement dans les régions de son ressort ".

D'autre part, il y a les missions en tant que structure décentralisée qui sont globalement " d'assurer le développement des régions sous sa responsabilité par des initiatives locales en utilisant au mieux, les potentialités économiques et culturelles propres aux régions de son ressort et par l'application des investissements de l'Etat et des programmes à l'échelle du district afin de réduire les disparités entre régions".

En un mot, nous devons contribuer à ce que la politique de développement du gouvernement incarné par le président de la République, puisse toucher les populations de nos régions et contribuer à leur épanouissement. Il s'agit aussi pour nous, de faire la promotion des valeurs et potentialités économiques et culturelles de nos régions et de les utiliser au mieux, dans leur développement.

Maintenant, en tant que cadre et fils de ce district, je suis particulièrement préoccupé par la situation de notre jeunesse et de nos femmes. Il faut que nos sœurs soient suffisamment autonomes et économiquement fortes pour pouvoir contribuer à l'épanouissement de leur famille.

Je suis aussi préoccupé par le phénomène d'expatriation clandestine de notre jeunesse vers l'Europe. Il faudra batailler pour que cette jeunesse se sédentarise et participe efficacement au développement de notre district. Il faudra donc guider les jeunes vers l'auto-emploi par la réalisation de projets.

Nous devons aussi penser à des projets structurants qui pourraient créer beaucoup d'emplois et faire en sorte que nos populations aient pratiquement toutes les commodités qui sont à Abidjan, Yamoussoukro ou dans les grands pôles de développement du pays. C'est un conseil fort que le président de la République a bien voulu nous donner. Comme vous pouvez le constater, nos préoccupations sont innombrables et, on pourrait mener la réflexion dessus pendant longtemps.

LP: Qu'est-ce qu'il urge de faire à court et moyen termes pour le bonheur de vos populations ?

MBD: Beaucoup de choses. Car, vous devez convenir avec moi que la politique de développement du pays amorcé par notre père fondateur, Félix Houphouët-Boigny, n'a pas été suivie par certains de ses successeurs à la tête du pays. Si bien qu'en accédant au pouvoir en 2010, tout était prioritaire pour le Président Alassane Ouattara.

Il a heureusement fait beaucoup pour le pays. Nous devons poursuivre dans ce sens. Dans notre district, nous avons beaucoup de produits agricoles à savoir le café, le cacao, l'anacarde, le riz, etc. Notre préoccupation, c'est de faire en sorte que les marchés de nos villes soient approvisionnés et que les besoins de nos populations soient satisfaits dans un premier temps. Ensuite, nous pourrions exporter ces produits vers d'autres régions du pays et même hors de la Côte d'Ivoire.

Il urge donc de résoudre la question des pistes et des routes. A cela s'ajoute l'électrification, l'eau potable qui aujourd'hui est d'une grande urgence dans notre district et la santé. Si par exemple, nous réglons la question des routes, nos populations qui sont dans nos campements et contrées reculés pourront facilement faire le déplacement vers les chefs-lieux pour se soigner, inscrire leurs enfants à l'école, livrer leurs productions sur les marchés. Cela évitera qu'ils soient victimes d'acheteurs véreux qui achètent souvent le café et le cacao à des prix inimaginables, très loin de ceux pourtant fixés par l'Etat.

LP: Aujourd'hui, le visage de la ville de Daloa, chef-lieu du Haut Sassandra, a changé. Comment appréhendez-vous cela ?

MBD: L'entrée de la ville de Daloa est magnifique et le taux d'électrification du département avoisine les 100%. Pour cela, je voudrais, avec votre permission, dire un grand merci au gouvernement et au Chef de l'Etat. Beaucoup d'infrastructures ont été construites et Daloa s'embellit. Tous ceux qui y séjournent apprécient cet effort particulier du chef de l'Etat.

Jugez en vous-même : dans le département, nous avons une université ; des centres de santé pratiquement dans chaque village ; un grand CHR qui va progressivement, et c'est notre souhait, se transformer en CHU ; des châteaux d'eau et de l'électricité dans la quasi-totalité des villages, etc.

Nous lançons un appel au gouvernement afin qu'il achève le programme hydraulique des grandes villes de notre district. L'urbanisation galopante de nos villes fait que les châteaux d'eau existants ne couvrent plus les besoins de ces populations. D'où la mauvaise qualité de l'eau impropre à la consommation.

LP: Dans votre plan d'actions, quels sont les chantiers auxquels vous allez vous attaquer dès que vous serez investi ?

MBD : Tout est une question de moyens. Actuellement, l'enveloppe budgétaire dont nous disposons ne nous permet pas d'attaquer des chantiers importants. Aussi, depuis notre nomination et cela avant toute investiture, nous employons-nous à lancer des études.

D'abord, nous avons lancé l'actualisation du Plan de développement stratégique et du plan de développement monographique de notre district. Nous avons aussi lancé l'élaboration du plan directeur de notre district. Sur ces trois sujets, nous sommes déjà en collaboration avec le BNETD.

Par ailleurs, en dehors du profilage des pistes, nous allons lancer le montage de quelques projets structurants dans les domaines de l'agriculture, de la construction, de la santé et du tourisme. Nous espérons monter des dossiers attrayants pour les investisseurs nationaux et/ou étrangers.

LP: Vous avez parlé d'emplois. Combien comptez-vous en créer avec tous ces chantiers que vous annoncez ?

MBD : Il est trop tôt pour avancer un chiffre. Les études sont encore en cours. Je ne peux pas annoncer de chiffres maintenant. Ce qu'il faut retenir de façon concrète, c'est que chaque projet sera chiffré en termes d'emplois créés. Chaque projet aura une fiche technique, qui nous indiquera les objectifs et les résultats.

Bref, elle donnera les données nécessaires qui peuvent faire en sorte que les populations s'y intéressent. Ce que je peux confirmer, c'est que nous allons créer beaucoup d'emplois et nous allons inviter les jeunes à s'y intéresser.

LP: Vous faites partie des 12 ministres-gouverneurs nommés l'année dernière. Beaucoup d'entre eux ont été déjà investis. Mais, ce n'est pas encore le cas pour vous et vos populations s'impatientent. Elles se demandent à quand votre investiture...

MBD : Les districts autonomes ont été mis en place par décret. Cela signifie que dès la signature du décret, on devrait commencer à travailler. Quant à nous, nous nous sommes mis automatiquement, au travail. D'abord, nous nous sommes employés à mettre la structure en place : l'obtention d'un siège, l'ameublement et l'équipement dudit siège, le recrutement du personnel.

Ensuite, nous avons commencé à entreprendre des tournées de prise de contact avec le corps préfectoral, les élus, les responsables des forces de défense et de sécurité et les hauts responsables régionaux de l'Administration centrale. S'en suivront deux tournées dans les neufs départements que comportent les deux régions du district, au contact des populations.

" L'investiture " qui n'est pas une étape prescrite par les textes qui régissent les districts, sera le couronnement de ce processus. Elle aura l'allure d'une communion avec les populations. Cette fête verra la participation de toutes les filles et de tous les fils du district.

Son organisation incombera à tous les cadres avec à leur tête, nos deux ministres Touré Mamadou et Epiphane Zoro Bi qui sont les PCO naturels de ce grand rassemblement. Donc j'aimerais une fois de plus rassurer nos populations qu'elles auront leur fête d'investiture.

LP : Il y a une certaine opinion qui estime qu'il y a un conflit de compétence avec les préfets, les conseils régionaux, les maires. Que répondez-vous à cela ?

MBD : Cette question me donne l'occasion de faire un peu l'historique de l'avènement du district autonome en Côte d'Ivoire. On a pu constater un embryon dans les années 1980 - 1990 lorsque le Président Félix Houphouët-Boigny a divisé le grand Abidjan en dix communes et les a fait coiffer par une supra commune qui est la mairie de la Ville d'Abidjan.

En 1996, le District autonome de Yamoussoukro est créé et un ministre résident est nommé à sa tête. Dans la même année, des commissariats pour le développement de certaines régions du pays sont créés. Au début des années 2000, deux gouverneurs de district sont nommés à Abidjan et à Yamoussoukro. En 2011, le District autonome d'Abidjan est créé par décret n° 2011-263 du 28 septembre 2011. En 2014, des lois sont venues préciser les statuts du district en général et des districts d'Abidjan et de Yamoussoukro.

Ce n'est qu'en 2021 que des décrets ont déterminé les modalités d'application de ces lois et créer les douze districts actuels complétant ainsi à quatorze, les deux districts d'Abidjan et de Yamoussoukro existants. Des ministres-gouverneurs ont été nommés à la tête de ces.

Par ailleurs, ce ne n'est pas en Côte d'Ivoire seulement qu'il y a des districts. Il y en a partout dans le monde notamment, au Ghana, plus près de nous. Nous n'avons pas souvenance de conflits de compétences avec les autres autorités de développement local. Les textes qui régissent ces structures règlent la question.

S'il n'y a pas eu de conflit de compétences entre les maires et les préfets qui, au sortir de l'indépendance, assuraient les fonctions de maire, s'il n'y pas de conflits entre les mairies et entre le conseil général ou le conseil régional, pourquoi il y en aurait avec l'avènement du district ? Je suis d'accord avec vous qu'il y ait des craintes et des inquiétudes sur le terrain.

C'est d'ailleurs l'une des raisons de nos tournées de contact dans les régions. Nous essayons de rassurer les uns et les autres que le district vient pour renforcer les actions de développement des régions aux côtés du corps préfectoral, des mairies et des conseils régionaux.

LP: Votre casquette de cadre proche du RHDP ne va-t-elle pas influencer votre travail sur le terrain ?

MBD: Je suis un homme politique. Pour être plus précis cadre du RHDP. Avec ma qualité de ministre-gouverneur, il y a la notion d'acteur du développement qu'il faut prendre en compte. Je ne vais pas mener des actions uniquement pour les militants du RHDP, mais pour toutes les personnes qui vivent dans notre district.

Les routes, les emplois que nous allons créer, le seront pour tous nos jeunes. C'est pourquoi, j'ai besoin de l'appui de tous pour réussir ma mission. En même temps, cela ne va pas m'empêcher de continuer à mener parallèlement les actions et les missions politiques que mon parti voudra me confier. Le distinguo sera fait, soyez rassurés. C'est le chef de l'Etat qui nous a nommés. Il a une vision pour la population. Nous devons traduire cette vision en actes sur le terrain.

LP : Justement à propos de politique, le RHDP est en mode restructuration. Des missions ont été menées sur le terrain pour évaluer les structures de base. Quel regard portez-vous sur cette initiative ?

MBD : Vous savez, un parti politique est une machine. Et comme toute productrice, elle a besoin de maintenance. C'est ce que le RHDP est en train de faire. On n'implante pas un parti pour le laisser à l'abandon. Surtout qu'il s'agit d'une belle et redoutable machine qui nous permet de nous maintenir au pouvoir depuis un certain temps.

De temps en temps, il faut des missions pour voir si tout va bien. Les partis gèrent des hommes, les hommes ont des sentiments divers, ont des façons d'appréhender les problèmes. Il faut constamment des missions de haut niveau pour voir si les choses se déroulent bien sur le terrain.

Je salue cette belle initiative qui n'est pas la première et qui j'espère ne sera pas la dernière. La particularité, c'est que cette mission intervient à la veille des joutes électorales de 2023 et 2025. Il faut voir si notre machine tiendra la route.

LP : En attendant les rapports finaux, selon vous la machine tient-elle bon ?

MBD : Nous sommes à l'époque des réseaux sociaux, donc de la libération excessive de la parole. Avant, il y avait des mécontentements, mais on ne le savait pas. Aujourd'hui, chacun sort et s'exprime. Cela donne l'impression que ça ne va pas ; que le parti est en déliquescence. Mais, son ossature est là.

Les militants sont là. Ils ont la même conviction et la même flamme militante. Notre patron est là, il peut y avoir des frictions entre cadres. Cela existe mais c'est un autre problème. Partout où il y a des hommes, il y a des mésententes. Le parti tient la route. Il faut juste des réglages nécessaires de temps à autre pour le remettre en bon état de fonctionnement avant les élections.

LP : Il n'empêche que dans certaines localités, comme Jacqueville, les responsables locaux du RHDP ne s'entendent pas, pour ne pas dire qu'ils sont divisés. Pourquoi les cadres, de façon générale, n'arrivent-ils pas à se mettre au-dessus de leurs intérêts personnels pour privilégier celui du parti ?

MBD : Vous savez, les problèmes de personnes ont toujours existé même dans l'administration. Il y a l'intérêt général et il y a toujours une déviation de l'intérêt général vers l'intérêt personnel. Nous sommes des hommes. Pour éviter les ambitions démesurées, on met parfois des balises. Dans les régions, il y a un problème hégémonique, un problème de leadership. Avoir deux ou trois ministres est normalement une chance.

Mais, souvent, ces derniers ont du mal à s'accorder. Tout simplement parce qu'il y a un problème hégémonique. C'est un problème qui n'est pas spontané. Ce sont souvent les militants qui sont à la base de ces mésententes. Certains veulent bénéficier des largesses d'un cadre.

Ils cassent donc du sucre sur le dos d'un autre cadre au profit d'un autre leader. Cela finit malheureusement par des oppositions. A Daloa, j'ai toujours dit que les militants sont nos patrons. Ils n'ont pas à se mettre à notre service. C'est nous qui sommes à leur service. Si nous avons été nommés à des postes de responsabilité, c'est pour que nous puissions travailler pour les militants. Nous avons l'obligation de les aider.

Ils n'ont pas le droit d'opposer les cadres entre eux pour espérer avoir des dividendes. A Daloa, nous avons, depuis quelques années, mis sur pied un comité de sages. Ils confrontent les cadres qui ont des problèmes entre eux pour trouver une issue heureuse. Heureusement, leur médiation a toujours fourni un résultat positif.

Ça marche quand le conflit est ouvert. La situation devient plus difficile quand le conflit est pernicieux. Mais, quand c'est ouvert, comme c'est le cas de Jacqueville que vous évoquez, je pense que le parti devrait intervenir en tapant du poing sur la table. Ailleurs où c'est pernicieux, il faudrait que les cadres comprennent qu'ils doivent trouver une tribune où ils peuvent se retrouver et se parler pour avancer dans le bon sens.

Sinon, il y a du travail pour tout le monde pour le parti dans les régions. Si nous mettons nos synergies ensemble, logiquement nos militants devraient être satisfaits. Au niveau du parti, il faut aussi bien classifier les choses. Il faut donner les attributions des uns et des autres, en y ajoutant une feuille de route.

LP : Le parti travaille sur cette question. Il a été décidé de nommer des délégués politiques. Comment expliquez-vous cette autre trouvaille ?

MBD : Ce n'est pas une trouvaille nouvelle. Au RDR, il existait des délégués politiques. Feu mon frère Guédé Guina était le délégué politique du département de Daloa. Je salue le retour à cette formule qui permettra au délégué, en cas de conflit entre les cadres, de les interpeller et leur indiquer le sens du combat tout en leur demandant de ne pas disperser leurs forces. Ces querelles nous font souvent perdre des postes électifs. On a perdu des sièges parce que des cadres se battaient.

LP : La question de la proximité des cadres avec les militants continue de faire jaser. Le président du parti l'a rappelé le 28 février dernier à l'occasion d'un conseil politique. Selon vous, quelle est la solution pour que les militants sentent que les cadres sont avec eux ?

MBD : Vous faites bien de le rappeler. Dans un parti politique quand un militant paie sa carte, il contribue à la vie du parti, il ne doit rien à personne dans ce parti. Il est un élément du parti à part entière. Le parti doit mettre des moyens à la disposition des cadres pour leur permettre d'assister les militants de base en cas de besoin.

Mais, la proximité n'est pas seulement une affaire de moyens. Un simple coup de téléphone, une simple visite suffit à rassurer le militant. De même que le soutien des cadres en cas d'événements heureux ou malheureux est nécessaire à réconforter le militant.

Bien sûr, les sollicitations farfelues et intempestives ne sont pas à écarter. Mais, il faut faire avec. En conclusion, si nous ne soutenons pas nos militants, ils se sentiront délaissés. Quand on aura besoin d'eux pour une élection, ils nous tourneront le dos. Les cadres doivent être proches des militants.

Mais, ces derniers doivent être mesurés dans leurs sollicitations. Néanmoins pour nous cadres, il y a des rendez-vous qu'il ne faut pas rater : les grands décès, les fêtes chrétiennes ou musulmanes. A ces occasions, il faut intervenir. A ces occasions on touche beaucoup plus de militants.

LP: Vous l'avez rappelé. 2023 est une année électorale. Le RHDP aura face à lui le PDCI-RDA et le PPA-CI. Redoute-t-il cette adversité ?

MBD : (rire) Non. Nous ne redoutons personne. Nous sommes un parti organisé. En mars 2021 quand on était au paroxysme du mécontentement de nos militants, nous avons remporté les élections législatives. L'opposition a pourtant participé à ce scrutin. Nos militants sont fâchés, ils le font savoir, mais quand il y a un enjeu sérieux, ils rentrent dans les rangs et rallument leur flamme militante. Attention, cela ne veut pas dire qu'on ne doit pas les aider.

LP: Les militants se plaignent aussi du choix des candidats qui, selon eux, leur sont imposés. Ne faut-il pas tirer les leçons des échecs liés à des choix souvent contestés ?

MBD : Effectivement, il faut en tirer les leçons. Mais la question qui se pose, c'est comment résoudre cette question très délicate ?

LP : Pourquoi l'estimez-vous délicate ?

MBD : J'avoue honnêtement que c'est une situation compliquée. A supposer que le parti laisse le choix des candidats aux militants. Ce qui est une bonne chose, mais cela a aussi des conséquences négatives très graves. Nous connaissons aujourd'hui, le pouvoir de l'argent. C'est celui qui va donner plus d'argent qui sera retenu. Il peut, malgré ce choix, être le mauvais cheval. Il y a un risque réel.

C'est pourquoi, le parti doit avoir un regard sur le choix des candidats. Même s'il propose actuellement aux militants de choisir les candidats, il doit néanmoins avoir le dernier mot. Car, la base peut désigner 10 candidats pour un ou deux postes. Et si au finish, le parti choisit un parmi ces dix, il est injuste de dire que quelqu'un a été imposé. A Daloa pour 11 postes, il y avait plus de 100 candidats. On était la risée de tout le monde.

On a réduit le nombre à 22. Et le parti a tranché. Il faut éviter la pluralité de candidats. C'est pour cela que le travail, qui se fait actuellement, est bon. Il faut identifier les sections. Cela évite les sections fictives qui empêchent la bonne marche du parti. Les militants doivent se départir de l'argent dans le choix des candidats.

La députation, c'est la voie du peuple certes, mais quand vous y envoyez un représentant, il faut qu'il sache lire les textes et qu'il puisse défendre les intérêts de son parti et des populations.

LP : Monsieur le ministre, le PPA-CI et le PDCI-RDA envisagent de sceller une alliance. L'adversité ne sera-t-elle pas plus rude pour le RHDP ?

MBD : Le PPA-CI, le FPI, le PDCI-RDA et d'autres formations politiques peuvent se mettre ensemble, nous allons les battre. Aujourd'hui à Daloa, le RHDP c'est 80% de l'électorat contre 20% pour les autres. Dans plusieurs régions du pays, c'est presque la même chose.

LP : Le RHDP peut-il malgré cette hégémonie avoir des alliances avec d'autres formations politiques ?

MBD : Bien entendu. L'exemple de la France que nous connaissons en est la parfaite illustration. Dans ce pays, il y a toujours des recompositions du paysage politique. Vous savez, le jeu des alliances fait partie des stratégies politiques. Le RHDP s'est déjà ouvert à d'autres formations politiques. Il y en a qui sont venus, ils sont répartis parce qu'ils n'avaient pas de lisibilité sur leur ambition future.

Certains vont partir, d'autres vont revenir. Donc, c'est normal que le RHDP s'ouvre à d'autres partis. Je pense que dans la vision du Président Alassane Ouattara, le RHDP est prêt à s'ouvrir à d'autres partis. Vous savez, la liberté d'opinion évolue.

Aujourd'hui, je peux être d'accord avec vous et demain on peut ne pas être d'accord. On se rapproche, on se sépare. C'est la vie. Nous avons commencé avec des gens qui sont partis. Demain, certains vont revenir. Parce qu'à un moment donné, la politique que mène le RHDP leur conviendra. Ils vont donc se rapprocher.

On ne peut pas dire qu'on cloisonne notre parti, qu'on ne veut plus de quelqu'un d'autre. Toutefois, il faut faire attention à quelques individus qui font ce que je pourrai appeler la politique alimentaire. Ils voguent de parti en parti au gré de leurs intérêts. Ils ne sont pas mus par une réelle conviction politique.

En général, ce sont eux qui louvoient et vocifèrent sur les réseaux sociaux. Certains parmi eux ont le courage d'être honnêtes. Ils disent : "Je suis venu, je cherche l'argent. On ne m'en donne pas, je m'en vais".

LP: Laurent Gbagbo est rentré au pays il y a maintenant un an. Il a fait plusieurs déclarations contre le pouvoir qu'il accuse d'endetter le pays, de concentrer tout le développement à Abidjan. Que pensez-vous de ces allégations ?

MBD : Les gens disent une chose et son contraire. La plupart des critiques contre les ministres-gouverneurs viennent de leur camp. On ne peut pas dire que le développement est concentré sur Abidjan et, au moment où on nomme des ministres-gouverneurs pour développer l'intérieur du pays, on dit que les ministres-gouverneurs ne servent à rien. C'est dire une chose et son contraire. Pour moi, la question du surendettement de la Côte d'Ivoire est un faux débat.

D'ailleurs, les experts des questions économiques sont unanimes sur le fait que le pays ne l'est pas. Donc, je ne veux pas épiloguer sur une vaine polémique. D'ailleurs, je répondrai à tous ceux qui ont fait du sujet du supposé endettement de la Côte d'Ivoire leur projet de société que Houphouët-Boigny nous a enseigné qu'on ne met pas un pays en prison.

Cela dit, il faut savoir que pour se développer, un pays a besoin de contracter des prêts. C'est la règle partout dans le monde. Si Houphouët-Boigny a admirablement construit la Côte d'Ivoire, c'est parce qu'il a contracté des dettes. A l'époque déjà, les gens parlaient de surendettement en feignant de ne pas voir ce qui avait été fait. Aujourd'hui encore, ils refusent de voir le travail qu'abat le Président Alassane Ouattara.

Permettez que je leur rafraîchisse un peu la mémoire. Aujourd'hui, il y a des routes partout en Côte d'Ivoire. Aucune contrée n'est enclavée. Ce qui n'est pas le cas dans d'autres pays où des régions ne sont accessibles que par voie aérienne ou ferroviaire. Chez nous, toutes les régions sont reliées. Beaucoup de voies sont bitumées. Nous savons tous que la route précède le développement.

Le président contacte des prêts pour travailler au profit des populations. Ceux qui parlent aujourd'hui étaient, hier, au pouvoir, et l'endettement du pays s'est poursuivi mais on n'a rien vu sur le terrain. Alassane Ouattara travaille pour le bonheur des Ivoiriens. Ses détracteurs donnent dans la propagande. Les Ivoiriens n'en ont pas besoin et ils ne sont plus dupes.

LP : Blé Goudé vient de recevoir son passeport. Comment avez-vous perçu l'acte posé par les autorités ivoiriennes ?

MBD : L'Etat a fait son devoir. Un citoyen a demandé un passeport. Il l'a reçu. Il faut éviter d'en faire un débat. Blé Goudé peut rentrer dans son pays. Il faut remercier le président de la République qui n'a pas bénéficié d'une telle largesse du pouvoir lorsqu'il était opposant et en exil. La question est de savoir comment Blé Goudé va se comporter à son retour au pays. Nous sommes tous des témoins oculaires de l'histoire récente de notre pays.

Nous sommes sortis d'un conflit très dur. Il faut, en plus des populations, que les acteurs politiques se réconcilient pour continuer dans une dynamique où le vainqueur d'une élection est saluée par le vaincu. La vie doit continuer après une élection.

Nous sommes dans un pays qui a besoin de se construire. Nous avons une chance avec le Président Ouattara. Aujourd'hui, la Côte d'Ivoire est reconfigurée dans le bon sens. Les autres acteurs doivent l'accompagner en apaisant leur cœur. Faisons taire nos rancœurs. Cela n'empêchera pas aux opposants de jouer leur rôle. On peut dénoncer sans appeler au désordre.

J'engage tous les acteurs politiques y compris ceux qui sont rentrés récemment ou ceux qui vont rentrer bientôt à s'inscrire dans le processus de réconciliation. Chacun doit dire à ses militants que la démocratie n'est pas la guerre. Nous sommes tous frères. Nous allons aux élections, celui qui gagne gouvernera le pays, les autres doivent se mettre à ses côtés pour dénoncer ses travers sans détruire ou faire la politique de la terre brûlée.

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