Cote d'Ivoire: Dictature de l'inconscience

Abidjan, la capitale de la Côte d'Ivoire (image d'archive)
éditorial

Les mauvaises habitudes ont la peau dure, dit-on. Avec la nouvelle dynamique insufflée par le gouvernement ivoirien au système éducatif, à travers le ministère de l'Education nationale et de l'Alphabétisation, l'on pensait que ce phénomène ne se reproduirait plus, pas en tout cas au cours de cette année scolaire 2021-2022.

Surtout que la tutelle avait pris la précaution d'anticiper en initiant, avant le présent mois, une campagne de sensibilisation avec l'espoir de susciter une vraie prise de conscience chez les élèves et, par ricochet, chez leurs parents qui, il faut l'avouer, font preuve d'une indifférence ou d'indolence coupables.

Mais, qu'a-t-on constaté à quelques semaines des vacances scolaires ? Une volonté de départ anticipé et forcé des élèves en congé, comme c'est la mode depuis quelques années. Ils décident d'eux-mêmes, parfois avec une violence inouïe, de déserter les salles de classe, pour aller, selon certains d'entre eux, " se chercher " afin de faire la bamboula durant les fêtes de fin d'année. Pis, ils sèment parfois le chaos, avec destruction de biens matériels et, hélas, perte en vie humaine. Une attitude surréaliste qui choque l'entendement, et surtout jette l'opprobre sur l'école ivoirienne.

Dans le monde, ce phénomène des congés anticipés est un cas unique. Et c'est seulement - triste publicité- en Côte d'Ivoire qu'il se passe, et nulle part ailleurs. Cette attitude déplorable de nos élèves, même circonscrite à quelques établissements, est suffisamment symptomatique de l'état de déliquescence morale dans lequel la jeunesse du pays est plongée depuis plusieurs décennies. Ce n'est ni une question de régime politique, ni une question de compétence de ministre. L'école ivoirienne est malade de ses travers.

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Et le mal ne semble pas encore être sur la voie de la guérison, en dépit des énormes ressources sécuritaires et administratives mobilisées par l'Etat pour adresser la question. A première vue, on croit avoir à faire à des gamins insouciants. Certes, mais quel est le résultat ? Quelle image notre système éducatif donne-t-il aux partenaires extérieurs ? Celle d'une école en déliquescence, sans repère ni valeur morale, où l'élève commande le maître. Lui dicte sa volonté. Faut-il d'ailleurs s'en étonner ?

Assurément pas, quand on sait la démission totale des parents d'élèves qui conçoivent désormais l'école comme le seul lieu d'éducation des enfants. On les entend juste au moment du paiement des frais d'inscription. Et puis, plus rien durant toute l'année scolaire. Le comportement de l'enfant à l'école ? Ils n'ont en cure. L'essentiel, c'est que l'enfant se lève tous les matins et aille à l'école.

Et en revient le soir. C'est pourquoi, c'est à l'école que se développent beaucoup de comportements déviationnistes, qui frisent ni plus ni moins la " voyousie " voire la délinquance. Ainsi, dans ce pays, on a vu le " bôrô d'enjaillement", ce jeu suicidaire qui consiste à s'agripper à un autobus en circulation et à faire des acrobaties au péril de sa vie ; dans ce pays, on a vu des étudiants battre leur enseignant ; dans ce pays, on a vu des scènes ignominieuses de partie de sexe dans des salles de classe, filmées et mises sur les réseaux sociaux ; dans ce pays, on a vu des actes de torture et des assassinats d'étudiants sur les campus.

Depuis des décennies, la Fédération estudiantine et scolaire de Côte d'Ivoire (FESCI), avec la complicité passive des autorités, régente les résidences universitaires et leurs alentours, dresse des barrages, impose des redevances financières aux riverains, sans que le moindre doigt ne se lève. Pis, elle installe des commerces et des maquis dans les cités universitaires où elle sous-loue des chambres à des personnes qui sont dans la vie active.

Aujourd'hui, cette organisation- aux allures d'une milice qui dicte sa loi par la violence et l'intimidation- est installée dans certaines écoles primaires. Pour défendre quels intérêts ? Si ce n'est y créer la chienlit, sans que personne ne bronche et ne tape du poing sur la table. C'est une démission collective face à cette dictature effarante des mômes.

De toute évidence, dans un Etat qui se respecte, ce désordre ne doit plus prospérer. Il est donc temps que tout le monde prenne ses responsabilités, afin de remettre rapidement de l'ordre. Cela commence inévitablement par la cellule familiale. Dans un premier temps, il appartient aux parents d'assumer pleinement leurs responsabilités à la maison en inculquant à leurs enfants une bonne éducation de base, axée sur des valeurs de respect, de discipline et de rigueur.

Eduquer un enfant, ce n'est pas seulement lui offrir de beaux vêtements, des jouets de rêve et le nourrir. C'est aussi, et surtout, forger sa personnalité pour lui inculquer des valeurs importantes : le respect de l'autorité et des aînés, la discipline, la rigueur et le travail. Pour ne pas que l'école ivoirienne courbe encore plus l'échine face à l'inconscience et à l'égarement, l'Etat doit prendre des mesures sécuritaires et administratives très coercitives afin de punir sévèrement tous les fauteurs de troubles.

En Afrique, c'est connu, le message de la chicotte des sanctions passe, bien souvent, mieux que la carotte de la sensibilisation. Maintenant, si l'on trouve tout cela chimérique et qu'on attend que le ciel- que dis-je, les états généraux de l'éducation viennent nous redonner une école de discipline, il ne reste plus qu'à prier, ... et à croiser les doigts.

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