Archéologues et étudiants, réunis autour de Krish Seetah, "Associate professor" de Stanford University, sont de retour au vieux cimetière d'Albion. Même si ce cimetière "informel" ne figure sur aucune carte, chaque squelette est une mine d'informations sur les épidémies et les conditions de vie de ceux qui sont enterrés là. Cette seconde campagne de fouilles suit des travaux préliminaires effectués en décembre dernier. Pour le moment, les éléments disponibles ne permettent pas de dire avec certitude si ce sont les squelettes de personnes réduites en esclavage. Mais le dénuement de ces restes humains mis en terre parfois sans cercueil, donne des pistes. Visite des lieux hier, avec scientifiques et religieux.
C'est Vanessa Vincent, une habitante d'Albion, qui a donné l'alerte. Son terrain est voisin de celui de la famille Li Kwong Ken, où ont lieu les fouilles archéologiques. En 2019, des ouvriers trouvent des restes humains en creusant les fondations de sa villa. Elle alerte d'abord la police qui la réfère aux services sanitaires. Quand d'autres ossements sont à nouveau trouvés dans son terrain, elle se tourne vers Owen Griffiths, défenseur du patrimoine. Il explique : "Pendant 50 ans, quand des gens trouvaient des ossements en construisant leur maison à Albion, ils s'en débarrassaient. Vanessa Vincent est la première à en avoir parlé publiquement. J'ai mis Philippe La Hausse de Friends of the Environment au courant avant d'aller vers le National Heritage Fund". La couleur verte au milieu du squelette viendrait des restes d'un chapelet contenant du cuivre, entourant les mains.
"Ce n'est que le début. Il faudra établir des liens entre Albion et d'autres anciens cimetières, comme celui du Morne", explique l'Associate professor de Stanford University, Krish Seetah. "Les documents d'archives donnent une idée d'ensemble d'une période historique. L'archéologie donne les détails. Ces squelettes nous disent des choses sur les épidémies et les conditions de travail." Des échantillons permettront, dans le futur, de déterminer où sont nés ces gens, entre autres. Des échantillons d'ADN pourront aussi établir avec certitude leur origine. Krish Seetah souligne que pour l'heure on ignore si ce sont des personnes réduites en esclavage.
Par ailleurs, la différence dans la couleur des couches de sable est une indication pour dater les squelettes. Dans certains cas, ils ont été mis en terre sans cercueil. "Peut-être que cela a été fait à la hâte." Owen Griffiths précise qu'une fois les recherches effectuées, les ossements seront de nouveau enterrés, cette fois au cimetière St-Martin. Un mémorial sera aussi érigé en mémoire de ces personnes, à Albion.