Afrique de l'Ouest: Procès d'opposants sénégalais - Le juge Sambe face à un verdict cornélien

Palais de justice de Dakar

C'est le énième épisode d'un interminable feuilleton politico-judiciaire aux multiples rebondissements.

Hier lundi 27 juin 2022, en effet, quatre-vingt-quatre opposants sénégalais étaient de nouveau à la barre du tribunal de grande instance de Dakar, dont le président est le juge Ibrahima Sambe.

Parmi eux, deux députés de la coalition Yewwi Askan Wi, Déthié Fall et Mame Diarra Fam, attraits en justice pour un procès en flagrant délit.

On leur reproche notamment d'avoir participé à la manifestation interdite du 17 juin par la préfecture de la capitale au cours de laquelle trois personnes ont été tuées.

Ce jour-là, l'opposition avait bravé la mesure d'interdiction pour protester contre l'annulation de la liste nationale de Yewwi Askan Wi conduite par Ousmane Sonko. Une décision prise par le ministère de l'Intérieur, en raison d'erreurs factuelles qui se sont glissées dans ledit document, et confirmée par le Conseil constitutionnel, devant lequel les recalés s'étaient pourvus.

L'opposition, qui a toujours crié à l'instrumentalisation de la justice par le président Macky Sall, ne pouvait que voir une fois de plus dans ce jugement un procès politique. Ses leaders, à l'image d'Ousmane Sonko et de Khalifa Sall, tous des habitués du prétoire, ont d'ailleurs été applaudis dès leur arrivée dans la salle d'audience par le " V " de la victoire, nonobstant les appels à la retenue, à la sérénité et au calme du président du tribunal.

Cela fait longtemps que pouvoir et opposition ne se parlent que par procès interposés, quand le débat ne déborde pas tout simplement dans la rue.

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Hier s'était Karim Wade, Khalifa Sall, Barthélémy Dias et Ousmane Sonko, le dernier cité étant poursuivi dans une affaire de mœurs.

Aujourd'hui, c'est au tour de Déthié Fall et de Mame Diarra Fam de répondre devant le juge.

Le moins qu'on puisse affirmer, c'est qu'il s'agit là d'un procès qui, à l'évidence, ne va pas contribuer à apaiser un climat sociopolitique en constant avis de tempête depuis un certain temps.

C'est dire donc que le président du tribunal se retrouve face à un choix cornélien, pour ne pas dire un verdict cornélien. Quel que soit là où il fera pencher la balance de la justice, les conséquences seront à redouter.

En effet si les accusés sont condamnés, leurs partisans, chauffés à blanc, ne s'en laisseront pas conter. Ousmane Sonko n'a-t-il pas sommé le président Macky Sall de libérer les membres de l'opposition sinon leurs supporteurs viendront " chercher ces otages politiques, coûte ce que cela devra coûter " ?

Toutefois si la relaxe est prononcée, cela pourrait sonner comme une bravade à l'autorité de l'Etat et, pourquoi pas, faire des émules aussi bien au sein de la classe politique que dans le milieu des OSC.

On se demande bien comment, dans ces conditions, les législatives pourraient se tenir sereinement le 31 juillet prochain.

A moins que par un sursaut salutaire, le premier magistrat du pays, qui est avant tout le principal garant de l'ordre et de la cohésion sociale, ne consente, par le fait du prince, à un report du scrutin pour permettre à tous de participer aux élections à venir.

On ne peut que se désoler face à un tel spectacle dont nous gratifie le Sénégal depuis quelques années, pays pourtant considéré comme le phare de la démocratie et un îlot de stabilité du fait qu'il est l'un des rares Etats d'Afrique francophone, si ce n'est de toute l'Afrique, à n'avoir jamais connu de coup de force militaire.

Un précieux capital que, hélas, les successeurs de Léopold Sédar Senghor et d'Abdou Diouf sont en train de vendanger depuis deux bonnes décennies.

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