Cote d'Ivoire: Affaire "Prisonniers politiques" - De quoi parle le PPA-CI ?

En fin de semaine dernière, une plate-forme du Parti des peuples africains Côte d'Ivoire (PPA-CI) publiait une liste de 104 personnes, présentées comme des prisonniers politiques en détention dans les différentes prisons de la Côte d'Ivoire. Pour être plus précis, selon le PPA-CI, il s'agirait de 14 personnes jugées et condamnées et de 90 prévenus, non encore jugés. La plupart des prévenus ont été déférés dans les différentes prisons en 2020 et 2021. Ceux qui ont été jugés et condamnés ont été arrêtés, toujours selon les informations fournies par le PPA-CI, en 2011.

Toute personne qui suit l'actualité politique ivoirienne sait que 2011 a été marquée par la crise électorale née du refus de Laurent Gbagbo de céder le pouvoir après avoir perdu au second tour de l'élection présidentielle. Plus de 3000 personnes ont perdu la vie à cause de l'entêtement de l'ex-chef d'Etat à s'accrocher au fauteuil présidentiel. Par ailleurs, en 2020 l'opposition s'est négativement illustrée par son appel à la désobéissance civile et son boycott actif qui a causé d'autres morts.

Les personnes mises en cause et qui sont encore en détention sont des militaires. Il s'agit entre autres de Dogbo Blé Bruno, de Vagba Faussignaux et d'Abehi Jean-Noël.

La lecture de ces noms appelle la question suivante : " Que viennent faire des militaires sur une liste de prisonniers dits politiques ? ". La question mérite d'être posée pour la simple raison que les militaires ne font pas la politique. Il leur interdit en tout cas de s'aventurer sur ce chemin. Surtout qu'ils sont considérés comme étant d'un corps qu'on appelle " la grande muette ". C'est une formule souvent associée au devoir de réserve qui interdit aux militaires d'exprimer publiquement leurs opinions politiques. En plus de ne pas exprimer leurs opinions, les militaires ont pour vocation de protéger la nation, de veiller à son intégrité et aux biens de ceux qui y vivent. Aucun militaire ne peut être pris à défaut s'il reste dans ce canevas.

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Malheureusement, Dogbo Blé Bruno, Vagba Faussignaux, Abehi Jean-Noël à la tête de différentes unités de l'armée en 2010, ont, selon la justice ivoirienne, causé du tort à des personnes vivant sur le territoire ivoirien au moment des faits. Ces derniers ont perdu la vie. Yves Lambelin, patron de SIFCA, et ses trois compagnons ont disparu durant cette période. Les enquêtes ont révélé qu'ils ont été assassinés au Palais présidentiel du Plateau, le 4 avril 2011, une semaine avant la chute de Laurent Gbagbo. La Cour d'assises d'Abidjan avait condamné, le jeudi 13 avril 2017, à de lourdes peines allant de 6 à 20 ans de prison, les principaux accusés dans l'affaire des " Disparus du Novotel ", dont le général Dogbo Blé, ancien chef de la Garde républicaine ivoirienne.

Pour rappel, le 4 avril 2011, au plus fort de la crise postélectorale en Côte d'Ivoire, un commando venu de la Présidence, alors aux mains des partisans de Laurent Gbagbo, avait fait irruption à l'hôtel Novotel d'Abidjan, s'emparant de quatre personnes dont deux Français. Ce commando avait emmené le directeur de l'hôtel, le Français Stéphane Frantz Di Rippel, son compatriote Yves Lambelin, directeur général de SIFCA, le plus grand groupe agro-industriel ivoirien, l'assistant béninois de celui-ci, Raoul Adeossi, et le Malaisien Chelliah Pandian, directeur général d'une filiale de SIFCA.

Selon l'accusation, il s'agissait " d'actes de barbarie ". Les quatre hommes avaient été conduits au palais présidentiel pour y être " torturés, sauvagement battus avant d'être tués ". Deux corps ont été retrouvés fin mai 2011 dans la lagune près d'Abidjan mais seul le cadavre d'Yves Lambelin a pu être formellement identifié. " Le rapport médico-légal a mis en évidence des fractures multiples aux membres inférieurs et supérieurs ", avait rappelé l'avocat général. Après six heures de délibération, la Cour, qui a requalifié l'assassinat en meurtre, a infligé 18 ans de prison au général Dogbo Blé et à ses deux adjoints, les colonels Jean Aby et Leopold Okou Mody.

Ce seul cas suffit pour dire que les personnes qui sont sur cette liste ne peuvent aucunement être des prisonniers politiques. Au sens où, le prisonnier politique est un individu emprisonné pour des motifs politiques, c'est-à-dire pour délit d'opinion ou de croyance. Les autres prisonniers, bien qu'étant des civils, n'ont pas été arrêtés et mis en prison pour leur opinion. Ils sont été arrêtés pour plusieurs autres délits, dont le meurtre d'un gendarme à Yamoussoukro.

Le PPA-CI a sur sa liste des personnes en prison au Libéria qu'il présente comme des prisonniers politiques. Ici encore, le parti de Laurent Gbagbo n'est pas dans le vrai. Il devrait avoir l'honnêteté de dire aux Ivoiriens et aux parents de ces prisonniers que ces derniers ont été impliqués dans des actes de déstabilisations. Il est bon de rappeler que dès l'accession au pouvoir d'Alassane Ouattara en 2011, plusieurs miliciens de l'ouest de la Côte d'Ivoire qui avaient trouvé refuge au Libéria voulaient faire de ce pays, une base pour déstabiliser le pouvoir d'Abidjan. Ils ont été pris la main dans le sac par les autorités du Libéria. Ces prisonniers ne peuvent donc, tout comme ceux cités plus haut, être considérés comme des prisonniers politiques. Ils sont des prisonniers de droit commun. Que le PPA-CI arrête de tomber dans la manipulation des masses.

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