Afrique: Inflation, Subventions, Dette... Les recettes du Directeur Afrique du FMI

2 Juillet 2022

Le Fmi, qui a consacré environ 54 milliards de dollars à l'Afrique depuis mars 2020, est prêt à renforcer son soutien au continent pour l'aider à faire face à la conjonction de chocs exogènes. C'est la promesse faite par Abebe Aemro Selassie, Directeur Afrique du Fmi, qui séjourne actuellement à Dakar dans le cadre de sa tournée africaine.

Dans un contexte difficile pour l'Afrique, marqué par la crise économique et une inflation galopante, le Directeur Afrique du Fmi, Abebe Aemro Selassie, a entrepris une tournée sur le continent afin de tâter le pouls de la situation. Après le Tchad, il séjourne actuellement au Sénégal avant de se rendre en Éthiopie et au Mozambique. " L'objectif est de discuter des enjeux régionaux, d'écouter les dirigeants africains afin de comprendre les difficultés auxquelles ils sont confrontés pour mieux apporter une réponse ", a expliqué M. Selassie lors d'une rencontre avec la presse hier à Dakar.

Il estime que la guerre en Ukraine a exacerbé les pressions inflationnistes en Afrique de l'Ouest. Parce que c'est une région où l'épargne est faible, il est normal que les gouvernements essayent de protéger le pouvoir d'achat des ménages les plus vulnérables à travers des subventions bien ciblées. La position du Fmi sur ce point est connue de longue date. Elle peut se résumer ainsi : oui aux subventions ciblées en faveur des couches les plus vulnérables de la population, non à des subventions généralisées. " Il faut traiter séparément les produits alimentaires et pétroliers ", a répété Abebe Aemro Selassie. Pour aider l'Afrique à faire face à cette conjonction de chocs exogènes (Covid-19, guerre en Ukraine), le Fmi a soutenu le continent à hauteur de 54 milliards de dollars depuis mars 2020. Un soutien qui va se renforcer grâce à la nouvelle facilité du Fmi pour la résilience et la durabilité, a promis M. Selassie. Toutefois, le seul levier du financement ne suffit pas pour surmonter ce choc. Il faut aussi des réformes pour stimuler la croissance.

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"Le FMI n'a jamais été aussi engagé pour l'Afrique"

À ceux qui pensent que le Fonds monétaire international ne prend pas suffisamment en compte les " réalités du continent " dans ses " injonctions " depuis Washington, le Directeur Afrique répond sans ambages : " Je suis un fils de l'Afrique ! " Il se dit " fier " de l'action du Fmi qui " n'a jamais été aussi engagée " dans son soutien au continent. Abebe Aemro Selassie a rappelé que le Fmi a, par exemple, été " à l'avant-garde " pour réclamer une justice climatique pour l'Afrique. À ce propos, il s'inquiète que l'agenda du changement climatique ne soit éclipsé par d'autres priorités à la suite du conflit russo-ukrainien. " La conjonction de chocs exogènes causés par le multilatéralisme milite pour un soutien accru à l'Afrique ", a-t-il ainsi plaidé. Si le Fmi a joué sa partition avec l'allocation la plus importante de Droits de tirage spéciaux (Dts) de son histoire (650 milliards de dollars, dont 23 milliards pour l'Afrique), M. Selassie reconnaît qu'on est encore " loin " des 100 milliards de dollars que réclame l'Afrique à travers une réallocation de Dts des pays riches en faveur des plus pauvres. À cet effet, il félicite le Président Macky Sall d'être " en avant-garde " dans ce combat qui reste " au cœur de l'agenda du Fmi ".

L'accès aux marchés financiers constitue une autre préoccupation pour les pays africains. Seulement, le contexte actuel est moins favorable. C'est pourquoi le Directeur Afrique du Fmi conseille aux pays africains de se tourner vers la mobilisation de ressources domestiques, notamment à travers l'élargissement de l'assiette fiscale. Il invite aussi à faire attention pour éviter d'augmenter le fardeau de la dette. " La situation de la dette en Afrique est inquiétante ", a jugé M. Selassie, même si c'est moins le stock de cette dette qui pose problème que la faible mobilisation des ressources fiscales.

En dépit des tensions géopolitiques dont on ignore l'issue finale, Abebe Aemro Selassie se dit " fortement optimiste sur l'avenir de l'Afrique à long terme ". " Les 30 prochaines années seront meilleures ", espère-t-il, citant comme principaux atouts du continent le capital humain et le potentiel des énergies renouvelables.

Abebe Aemro Selassie, directeur Afrique du FMI

" Le potentiel du Sénégal est énorme "

En visite au Sénégal, dans le cadre de sa tournée africaine, le Directeur Afrique du Fmi a salué les progrès économiques du Sénégal. " Le potentiel du Sénégal est énorme ", dit-il, citant notamment le dynamisme de la jeunesse, un potentiel qu'il convient de libérer grâce à une bonne gestion macroéconomique. Toutefois, les défis ne manquent pas. De l'avis d'Abebe Aemro Selassie, le défi qui se pose au Gouvernement sénégalais, c'est de trouver l'équilibre entre les investissements dans les secteurs prioritaires, la maîtrise de la dette et l'élargissement de l'assiette fiscale. S. KA

Une masse salariale dans la norme communautaire

L'État a récemment procédé à la revalorisation des salaires de certains fonctionnaires, tels que les enseignants. Un effort qui va coûter aux finances publiques plus de 100 milliards de FCfa (loi de finances rectificative), dans un contexte de rareté des ressources. À en croire Mesmin Koulet-Vickot, Représentant-résident du Fmi à Dakar, le Sénégal reste dans la norme communautaire. En effet, dit-il, le ratio de la masse salariale/recettes est actuellement de 34 %, contre une norme communautaire de 35 %. Il devrait même descendre à 33 % l'année prochaine. M. Koulet-Vickot a rappelé que le Fmi a récemment accordé un important appui budgétaire au Sénégal (130 milliards de FCfa au lieu des 80 milliards initialement prévus), pour aider le Sénégal à faire face aux chocs. Plus de la moitié de tout l'appui budgétaire reçu par le Sénégal de ses partenaires extérieurs provient du Fmi.

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