Maroc: Vers une gouvernance de santé décentralisée

Avec des soins de santé intégrés et axés sur le patient... (II)

Comment mieux comprendre les besoins des patients et des aidants et y répondre?

Cet article est le second d'une série d'articles que les auteurs planifient de publier pour appuyer l'initiative de la réforme du système de santé au Maroc en mettant le patient au centre. Dans le premier article, nous avons énuméré les quatre pratiques essentielles pour une bonne mise en œuvre d'une transformation d'un système de santé (voir journal libération : www.libe.ma No du 4-5 juin 2022).

Nous sommes heureux de constater que ces derniers jours le chef du gouvernement a présenté une ébauche de haut niveau de la vision du gouvernement du nouveau système de santé préconisé par l'État marocain. Nous sommes ravis aussi de constater que les propositions que nous énumérons s'emboitent parfaitement avec cette nouvelle vision et permettront de la mettre en œuvre adéquatement.

Comme vous le savez les soins de santé sont complexes et comprennent les soins médicaux et professionnels (comme des soins infirmiers, médicaux et d'ergothérapie, dans une clinique, hôpital ou à domicile), et sont interdépendants des services sociaux qui englobent à la fois les activités de la vie quotidienne (aide aux travaux ménagers, aux repas et à la gestion des médicaments) et les déterminants sociaux de la santé (logement, soutien financier, sécurité alimentaire, etc.).

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Pour mieux bâtir un système de santé centré sur le patient et sa famille, il faut tenir compte aussi bien des services médicaux que des services sociaux, et créer un environnement qui favorise d'abord l'éducation du patient quant à sa santé et à sa participation active à la prévention et aux plans de soins. Et surtout avec les coûts exorbitants de la santé actuellement, il serait très bénéfique pour notre Cher Royaume et à tous les niveaux de renforcer la prévention et les soins primaires, tout en répondant adéquatement aux besoins de chaque région en services secondaires et tertiaires.

Plusieurs systèmes de santé décentralisés et avancés partout au monde ont compris que pour mieux répondre aux besoins des patients, il faut d'abord saisir ces besoins et dans chaque région car ils peuvent être différents d'une région à l'autre. Cette approche est en entière symbiose avec celle présentée par le chef du gouvernement le 13 juillet 2022. Pour mieux lancer la réforme du système de santé de notre cher Royaume, il faut d'abord dresser un état des lieux de la santé des populations, des services de santé et sociaux existants. Il s'agit de mener des études détaillées et standards des besoins de la population par région tout en traçant des profils déterminants de santé (ex. démographie, taux de diabète, taux d'incidence de cancer, etc.), comprendre les déterminants socio-économiques ayant un impact direct sur la santé de la population de la région, créer des registres de cancer par région par exemple, etc. Ensuite faire une évaluation de l'association entre les modèles organisationnels de soins de première ligne de la région et l'expérience de soins de sa population.

(Par la suite comprendre le fonctionnement des modèles organisationnels de soins de première ligne de la région, leur efficacité, et leurs performances relatives et évaluer la capacité et l'efficacité du modèle de gouvernance et de gestion en place et comprendre comment il répond au besoin de la population de la région donnée.)

Ces études peuvent être sous forme d'enquêtes démographiques standards reliées et hiérarchiquement axées sur des besoins spécifiques d'une région ou sous-région. Ces enquêtes vont évaluer l'affiliation des patients aux organisations de première ligne aux soins publiques et privés, leur niveau d'utilisation des services, les divers attributs de leur expérience de soins, les services préventifs reçus et leur niveau de compréhension et d'instruction en matière de santé ainsi que la perception des besoins non comblés. Puis, une autre enquête auprès des organisations de première ligne de santé et des services sociaux qui évalue les aspects liés à leur vision, leur structure organisationnelle, leur niveau de ressources, compétences et les caractéristiques de la pratique clinique et des modèles de soins. Enfin, une troisième enquête consiste à apprécier le contexte organisationnel à l'intérieur duquel les différents modèles d'organisation de première ligne évoluent, les types de changements et apprentissages qu'elles subissent, leurs capacités à adopter de nouvelles pratiques cliniques ou de transformation comme la santé digitale par exemple, leurs programmes de formation continue s'il y en a, et le plus important l'efficacité du leadership, les résultats cliniques et les coûts des services. Cette proposition s'aligne très bien avec l'étude proposée par le chef du gouvernement et à laquelle notre groupe, riche par son expérience internationale peut contribuer efficacement.

Ces études vont nous permettre de saisir les modalités d'accès aux services publics et privés par la population, les transferts de services qui se font entre régions, leurs besoins non comblés et l'appréciation de l'expérience des soins par le patient et son aidant. Ces résultats seront présentés à l'ensemble des répondants et au niveau de chacune des régions, en comparant les valeurs obtenues et faire du benchmarking entre régions. Ce benchmarking doit devenir une norme et à reproduire chaque année pour créer un environnement de compétition entre régions et faire ressortir les meilleures pratiques de soins, made in Morocco, qui vont émerger. Cela va déterminer les priorités de la réforme pour chaque région ou sous-région, et cibler les priorités et les types de programmes de santé ou de services sociaux pour chaque région. Ce benchmarking va aussi aider le gouvernement central à mieux répartir les ressources financières, humaines, selon les indicateurs d'efficience et de performance du système régional et les besoins prioritaires de la région non encore satisfaits et créer ainsi des équations de nouvelles allocations budgétaires par région et selon des paramètres de performance et de qualité des soins.

Cette approche va renforcer la confiance et l'adhésion de la population à notre système de santé et son maintien, ce qui va encourager une participation et une collaboration étroite et efficace comme condition préalable à de bons soins. Il faut tenir compte des personnes qui ont des besoins complexes en matière de soins, les aidants (habituellement des membres de la famille et des amis non rémunérés), qui supportent un lourd fardeau et font souvent d'énormes sacrifices (personnels et professionnels) pour aider en soins. Ces personnes sont souvent confrontées à des difficultés financières (en raison des journées de travail perdues et du coût des équipements, des médicaments, des modifications domiciliaires et des services qui ne sont pas couverts par l'assurance-santé ou autres régimes d'assurance.

Dans un contexte de soins et d'après les résultats de plusieurs recherches scientifiques, les patients et les aidants veulent surtout: 1- Etre écoutés, autonomes et se sentir en sécurité; 2- Avoir quelqu'un sur qui compter; 3- Savoir comment gérer leur santé; 4- avoir un accès facile aux soins de santé et aux services sociaux.

Dans son allocution, le chef du gouvernement a parlé de la création de groupe régionaux de santé et la mise en œuvre d'une gouvernance efficace, cette démarche est la même que celle que nous proposons dans cet article et que nous allons étayer dans les prochains articles.

Ensemble pour un système de santé made in Morocco pour vous et avec vous!

A suivre!

Dr El Mostafa Bouattane (Canada), Mr Hachem Ben-Essalah (Canada), Pr Abderrahman Machraoui (Allemagne), Dr Samir Kaddar (Belgique), et Pr Ismail Rammouz (Maroc)

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