Burkina Faso: Transition - Après l'épreuve de la CEDEAO, reste l'épreuve du terrain

analyse

Ouf ! Le Burkina a échappé aux sanctions que menaçait de prendre la CEDEAO depuis que les forces vives de la nation ont arrêté à trente-six mois, début mars, la durée de la transition.

Certains y verront une petite victoire à l'issue des tractations menées par le facilitateur de l'organisation ouest-africaine, l'ancien président nigérien Mahamadou Issoufou.

Mais vu sous un autre angle, ça sonne comme une forme de reculade.

C'est que ce résultat a été obtenu au prix d'un rabotage qui a finalement ramené le deadline du retour à une vie constitutionnelle normale de trente-six à vingt-quatre mois.

Donc quelque part, le chef de l'Etat, Paul-Henri Sandaogo Damiba, a dû manger son chapeau, pour ne pas dire son béret.

D'abord on nous avait, en effet, expliqué doctement que les trois ans n'avaient pas été arrêtés au hasard et que c'était le temps nécessaire pour recouvrer une bonne partie du territoire sous contrôle terroriste avant d'aller aux urnes.

On nous avait ensuite dit que cette proposition portait le sceau des Assises nationales, ces Etats généraux des forces vives convoqués le 28 février 2022 pour les besoins de la cause.

On nous avait enfin convaincus après l'adoption de la Charte que ces trente-six mois étaient quasiment canoniques, donc insusceptibles de modification, car gravés dans le marbre de la loi.

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Et voilà qu'à l'issue du sommet de la CEDEAO tenu à Accra le 3 juillet dernier, Sandaogo, pour ainsi dire, a abjuré son dogme pour éviter que le couperet des sanctions ne s'abatte sur la tête de ses compatriotes, déjà laminés par la vie chère et surtout par l'insécurité grandissante.

D'avoir accepté et reculé est aussi une forme de pragmatisme et de sagesse, d'autres parleront de realpolitik qu'il faut saluer.

Maintenant donc que le lieutenant-colonel Damiba a vingt-quatre mois devant lui, il ne lui reste plus qu'à jeter toutes ses forces là où on l'attend : la mère de toutes les batailles, celle contre le terrorisme.

Mais force est de reconnaître que malgré l'arrivée des militaires au pouvoir, le fléau est loin d'avoir reculé.

Bien au contraire, les Burkinabè ont même le sentiment que la situation s'est aggravée avec les tueries quotidiennes de populations civiles qui ne savent plus à quelles FDS confier leur sécurité. Elles qui sont souvent obligées de vider les lieux qui les ont vues naître pour aller s'entasser dans des camps de déplacés.

Rien que depuis le début du mois de juillet, un décompte macabre fait état de plus soixante-dix vies injustement fauchées par les groupes armés terroristes qui ont juré notre perte.

Et on a bien peur qu'à l'heure du bilan promis " dans les cinq mois " par le locataire de Kosyam dans son discours du 1er avril, ce bilan-là ne soit pas vraiment positif.

Mais il n'est pas encore trop tard pour infléchir le cours de la lutte contre l'ennemi terroriste. Encore faut-il que le chef suprême des armées concentre toutes ses énergies sur ce qui doit être son seul combat et éviter de s'embarquer dans des intrigues politiciennes susceptibles de l'amener à se tromper de combat.

Autrement, que ce soit vingt-quatre ou trente-six mois, voire cinq ans, le pays ne sortira pas des tentacules de la pieuvre qui l'enserre chaque jour davantage.

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