Congo-Kinshasa: Ambassadeur de Chine au pays - Zhu Jing dresse le bilan à l'approche du 50ème anniversaire des relations sino-congolaises

interview

Ⅰ. Etat des relations sino-congolaises

  • Monsieur l'Ambassadeur, quel est aujourd'hui l'état de santé des relations sino-congolaises? Se sont-elles davantage améliorées avec la venue du président Tshisekedi qui, depuis son entrée en fonction, n'a pas encore visité la Chine qui est pourtant le principal partenaire bilatéral de la RDC. Dans quel secteur la RD. Congo pourrait-elle s'attendre à voir plus d'engagement de la Chine dans les prochaines années ?

Réponse: les relations sino-congolaises sont au beau fixe. Depuis l'entrée en fonction du Président Félix Tshisekedi, les échanges de haut niveau entre la Chine et la RDC se sont intensifiés avec la consolidation de la confiance politique mutuelle, malgré les difficultés causées par la pandémie Covid-19. L'année 2022 marque le 50ème anniversaire de la normalisation des relations diplomatiques entre la Chine et la RDC. Une série de manifestations seront organisées pour célébrer ce moment historique et donner une nouvelle impulsion au partenariat stratégique sino-congolais. Le Président Tshisekedi est bienvenu en Chine. Nous attendons la fin du Covid-19 pour que cette visite puisse avoir lieu, ainsi que d'autres visites de haut niveau.

Sur le plan de la coopération pragmatique, elle s'avère toujours très dynamique. Sous les circonstances d'aujourd'hui, la RDC est montée au rang du 5ème partenaire commercial et 3ème destination d'investissement de la Chine en Afrique. Avec l'adhésion, au ddébut 2021, de la RDC à l'initiative "la Ceinture et la Route", la coopération sino-congolaise fait partie désormais d'une grande famille de partenariat international, et bénéficie de plus d'opportunités dans les domaines comme l'infrastructure, l'industrie manufacturière, le numérique, le commerce et les mines.

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  • En 2021, vous aviez eu des échanges animés sur Twitter avec un ancien diplomate américain qui critiquait la présence chinoise en RD. Congo, craigniez-vous qu'il y ait eu une volonté manifeste de faire de la RDC un champ de bataille d'une rivalité géopolitique sino-américaine ou sino-occidentale? Et les relations sino-américaines en Afrique (en RDC en particulier) sont-elles condamnées à être antagonistes ou il existe des domaines dans lesquelles la coopération est possible voire souhaitable pour accompagner le processus de développement de la RDC?

Réponse: La RDC est un pays souverain qui a le droit de choisir son partenaire selon ses propres intérêts, sans ingérence ni coercition venant de l'extérieur. Pour la Chine, l'Afrique et la RDC en particulier ne doit jamais être un champ de bataille des grandes puissances, que ce soit géopolitique ou économique. Ce n'est ni conforme au désir de nos amis africains, ni dans l'intérêt de la communauté internationale. Il faut donc dire clairement non à toute tentative de créer affrontement sur le continent africain et de forcer les pays africains à choisir le camp. Aucun pays n'a le monopole de la coopération avec l'Afrique. Pourtant, l'Afrique, l'un des continents les plus dynamiques du monde, peut tout à fait devenir le terrain de coopération où les partenaires internationaux mettent en synergie leur point fort pour mieux accompagner les pays africains dans le développement. C'est pour ça que la Chine a créé avec des pays occidentaux des partenariats aux marchés tiers qui commencent déjà à porter ses fruits.

Si la Chine est aujourd'hui bien présente en RDC, c'est parce que le partenariat Chine-RDC apporte du bien-être concret à la RDC, et que la Chine n'a jamais abandonné la RDC. Malheureusement, comme le regrette un proverbe Bakongo, "on jette des pierres dans l'arbre s'il porte des fruits."Dans ce cas-là, c'est le jeteur de pierre qui doit s'arrêter et pas l'arbre. Au lieu de critiquer les autres, il vaut mieux faire bien son propre travail, par des résultats concrets, non par des promesses en l'air. La Chine est ouverte à mener des coopérations avec les Etats-Unis en Afrique et en RDC, tout en respectant la souveraineté et le désir des pays africains et congolais. Les opportunités ne manquent pas, que ce soit dans le cadre trilatéral ou multilatéral, sur le plan des infrastructures, de l'énergie propre, de la santé etc, à condition que les Américains sortent de leur mentalité obsolète de la guerre froide.

Ⅱ.Investissements miniers chinois

  • Monsieur l'Ambassadeur, l'année 2021 a été quelque peu chahutée pour les investissements miniers chinois en RDC. Une enquête a été ouverte sur le projet Sicomines, et une commission de révision mise en place sur le projet TFM. Craignez-vous aujourd'hui que les investissements miniers chinois soient en danger ou remis en question ?

Réponse: la coopération dans le secteur minier est l'un des piliers du partenariat statégique sino-congolais. Il s'agit d'une coopération gagnant-gagnant grâce à laquelle la RDC a connu un redressement spectaculaire de son industrie minière et redevenu le premier producteur de cuivre en Afrique, sans parler du transfert d'équipements sophistiqués et du savoir-faire chinois, et la création de plus de 100,000 emplois locaux. En 2021, les exportations congolaises à destination de la Chine ont apporté à la partie congolaise 8,8 milliards de dollars US en excédent commercial. Les nouveaux investissements des entreprises chinoises en RDC se sont élevés à plus de 300 millions de dollars américains, dont la majorité allant dans le secteur minier.

Comme rien n'est parfait dans le monde, on ne doit pas se contenter de maintenir le statu quo. Il est nécessaire de continuer, consolider et optimiser cette coopération, pour que la partie congolaise en profite davantage. C'est cela qui est le consensus entre la Chine et la RDC.

Le projet Sicomines est une belle création exemplaire qui permet à la RDC de mettre en valeur ses ressources naturelles pour construire des infrastructures dont elle a besoin. Les acquis sont palpables et hautement appréciés par les autorités et le peuple congolais. Il suffit de se promener un peu à Kinshasa pour les voir: le Boulevard Lumumba, l'Hôpital cinquantenaire, etc. Mais il y a aussi une campagne de stigmatisation contre ce projet avec des mensonges et de la manipulation médiatique qui consistent à semer la discorde entre les partenaires chinois et congolais, et à empêcher le redressement de la RDC. Nous devons rester hautement vigilants face à ce genre de démarches. Au bout d'une évaluation, les autorités congolaises souhaitent accélérer l'exécution du projet Sicomines notamment le volet infrastructure. Le consortium des entreprises chinoises est prêt à mobiliser toutes leurs forces pour satisfaire cette demande. Je suis convaincu que dans un avenir proche, le projet Sicomines sera plus fructueux.

  • La dispute entrelaCMOC et la Gécamines se poursuit, et les dirigeants de la Gécamines évoquent désormais la possibilité d'une dissolution du partenariat avec la CMOC. Vu l'importance du projet pour les deux pays, pensez-vous que l'implication des gouvernements congolais et chinois soit envisageable et souhaitable pour trouver une issue au problème ?

Réponse: leTFM constitue le plus grand projet d'investissement des entreprises chinoises en RDC et représente des enjeux économiques importants pour les deux pays. Le gouvernement chinois suit attentivement le dossier et veille à ce que les droits légitimes des entreprises chinoises soient bien respectés. La dissolution du partenariat n'est dans l'intérêt de personne. Et la population locale en sera la première victime. La dispute qui oppose la CMOC et la Gécamines n'est pas difficile à régler, à condition qu'on négocie dans un esprit raisonnable et constructif, tout en respectant les contrats signés et les règles internationaux. Il faut donc encourager les deux entreprises à maintenir le dialogue en allant l'un vers l'autre, sans utiliser les appareils étatiques ou recourir à des méthodes brutales. Les Congolais et Chinois sont intelligents et amis de longue date. Nous sommes capables de trouver une solution à l'amiable à tout différend.

Ⅲ.Sécurité

  • Dernièrement vous avez effectué une visite dans la région du Katanga. Région dans laquelle on enregistre une résurgence d'attaques contre les ressortissants chinois. Quelles sont les mesures spécifiques qui ont été prises de votre côté et/ou en collaboration avec les autorités congolaises pour améliorer les conditions de sécurité de vos compatriotes?

Réponse: Lors de mon séjour au Katanga, j'ai eu beaucoup d'échange avec les autorités provinciales, des hommes politiques et des représentants de la communauté locale. Ils apprécient tous la contribution des ressortissants chinois au développement de la région et sont satisfaits de leurs relations avec eux. Le gouvernement chinois attache une grande importance à la sécurité des ressortissants chinois à l'étranger et particulièrement en RDC. Le problème de l'insécurité dans la région du Katanga est préoccupante. Mais, les Chinois n'en sont pas les seules victimes. Toute la population locale en souffre. Il faut donc appuyer les efforts des autorités congolaises dans la lutte contre la criminalité et les aider à renforcer leur capacité de protection par la coopération sécuritaire. Au niveau de l'Ambassade de Chine en RDC, on est en dialogue permanent avec la police congolaise et d'autres services sécuritaires pour leur faire part de nos soucis, partager des informations et discuter des pistes de coopération concrète. Au fond, l'amélioration de la sécurité passe par le développement économique et social, par la sortie de la pauvreté. En tant que partenaire stratégique de la RDC, la Chine est prête à faire plus de contribution pour cela.

Ⅳ.International

  • Depuis quelques semaines déjà, le gouvernement congolais accuse les pays voisins de violer sa souveraineté en soutenant le mouvement rebelle du M23 dans le Nord-Kivu, quel est le soutien que la RDC peut-elle obtenir de la Chine afin de trouver une issue à cette situation?

Réponse: Nous sommes très préoccupés de la tension à l'Est de la RDC et consternés de voir un grand nombre de victimes civils et de déplacés. En tant que membre permanent du Conseil de Sécurité de l'ONU, la Chine est prête à jouer un rôle constructif dans la recherche d'une solution pacifique à la crise.

D'abord, nous soutenons fermement l'Etat congolais à défendre sa souveraineté, son intégrité territoriale et la sécurité nationale, condamnons tous les actes visant à déstabiliser et diviser la RDC.

Deuxièmement, la Chine ne ménagerait pas d'efforts pour faciliter les dialogues et la coopération entre la RDC et ses pays voisins, soutient la médiation menée par l'Angola, le Kenya et l'Envoyé spécial du secrétaire général de l'ONU pour la région des grands lacs. Nous appelons les groupes armés à participer au dialogue avec le gouvernement congolais et au programme DDRCS.

Troisièmement, nous sommes prêts à renforcer la coopération militaire avec la RDC et appelons la communauté internationale à répondre positivement aux préoccupations des autorités congolaises en matière du renforcement de leur propre capacité de défense.

Pour rétablir durablement la sécurité à l'Est de la RDC, il est essentiel que l'Etat congolais dispose d'une armée moderne, professionnelle, loyale et puissante.

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