Burkina Faso: Blaise Compaoré annoncé au bercail - Un retour, plusieurs interrogations

Au départ, certains avaient cru à un canular. Mais peu à peu, beaucoup se sont rendu compte qu'il fallait prendre l'information au sérieux. Blaise Compaoré est annoncé au bercail dans les prochains jours, après près de huit ans d'exil en Côte d'Ivoire.

Si la question du retour de l'exilé d'Abidjan n'est pas nouvelle en elle-même pour les Burkinabè, son imminence, en revanche, en a surpris plus d'un. D'où de nombreuses interrogations. Qu'est-ce qui a bien pu accélérer les choses pour que les Burkinabè se trouvent pratiquement pris de court par l'annonce de l'arrivée de l'ancien chef de l'Etat qui a perdu le pouvoir dans les conditions que l'on sait ? Quid de son dossier judiciaire, quand on sait qu'il est sous le coup d'une condamnation à perpète par la Justice militaire ? S'achemine-t-on vers une grâce ? Comment cela sera-t-il accueilli par l'opinion nationale ? Pour son retour et pour la symbolique, l'ex-locataire du palais de Kosyam va-t-il passer par la case prison, comme son ex-Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, à son retour d'exil ou bien comment les choses se passeront-elles pour l'enfant terrible de Ziniaré ?

Il ne serait pas inutile de penser à mettre la forme

Quelle forme prendra ce retour au bercail quand on sait que les Burkinabè restent encore divisés sur le sujet ? Sera-ce un retour en fanfare ou bien le voudra-t-on aussi sobre que possible, histoire de ménager certaines susceptibilités ? Toujours est-il que la question de la Justice reste en la matière, éminemment importante, si l'on ne veut pas créer de précédent dangereux. C'est pourquoi les autorités de la transition gagneraient à agir avec tact, pour que ce retour au bercail de Blaise Compaoré que l'on peut aisément situer dans le cadre de la réconciliation nationale, contribue plus à rapprocher les Burkinabè qu'à les diviser. En tout cas, la concomitance de l'annonce de ce retour avec la sortie du ministre de la réconciliation nationale, Yéro Boly annonçant l'indemnisation prochaine des victimes des violences en politique, n'est certainement pas un fait du hasard. Quoi qu'il en soit, tout porte à présent à croire qu'il ne serait pas inutile de penser à mettre la forme.

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Autrement, cela pourrait apporter de l'eau au moulin de ceux qui pensent que contrairement à ce qui a été officiellement dit, le Mouvement pour la sauvegarde et la restauration (MPSR) est dans une logique de restauration de l'ancien régime. D'autant qu'ils ne sont pas peu, les Burkinabè à voir la main plus ou moins cachée de l'exilé de Cocody, derrière les événements du 24 janvier dernier. Cela dit, humainement, il est toujours heureux de voir un fils du pays rompre son exil pour un retour sur la terre de ses ancêtres. Qui plus est, quand il s'agit d'une haute personnalité qui a occupé les plus hautes fonctions du pays. Reste maintenant à savoir comment Blaise Compaoré lui-même voit les choses et dans quel sens se situera son action.

C'est un retour qui fera des heureux dans le camp de ses partisans, mais aussi des grincheux

Quel rôle compte-t-il jouer dans la situation actuelle où au-delà de la réconciliation nationale, les Burkinabè restent fortement préoccupés par la situation sécuritaire du pays, qui se dégrade de jour en jour ? Choisira-t-il de se mettre au-dessus de la mêlée pour s'employer à apporter sa contribution à la lutte contre le terrorisme au moment où le pays est à la croisée des chemins ? Ou bien choisira-t-il de mettre son activisme politique au profit de son parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), en vue de la reconquête du pouvoir ? Il est peut-être trop tôt pour répondre à ces questions. Mais tout porte à croire que de l'une ou l'autre de ces options, dépendra fortement l'opinion que nombre de ses compatriotes se feront de ce retour à l'improviste, de l'ex-chef de l'Etat burkinabè.

En tout état de cause, autant sa perte inattendue du pouvoir, en 2014, a marqué un tournant dans la vie sociopolitique du Burkina, autant ce retour-surprise qui s'est manifestement préparé dans le plus grand secret, pourrait marquer une étape dans la vie de la Nation. Pour sûr, c'est un retour qui fera des heureux dans le camp de ses partisans, mais aussi des grincheux qui attendent certainement de voir le traitement qui lui sera réservé. Entre les deux, pourraient se situer les partisans d'un autre exilé politique, Yacouba Isaac Zida, qui a fait la jonction entre les présidents Blaise Compaoré et Roch Marc Christian Kaboré en passant par Michel Kafando. La transition a du pain sur la planche.

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