Le Président Saïed est en position de force depuis le 25 juillet. Mais une position sûrement affaiblie et un peu usée du fait d'être seul contre tous et seul aux commandes. Face à lui, cependant, l'alternative et les divers mouvements d'opposition sont si effrités et non crédibles. Et en politique, celui qui se trouve en force dicte sa loi et impose le fait accompli.
C'est ce que le Président Saïed est en train de faire comme tout politique averti. Le projet de constitution rentre lui aussi dans ce contexte politique. Le Chef de l'Etat a mis ses idées dans le texte qui va être soumis au vote. Mais qu'est-ce qu'on lui reproche au juste ?
À entendre ses détracteurs, on déduit vite que ce n'est pas très consistant. A commencer par Sadok Belaïd et Amine Mahfoudh, qui ne manquent pas de reproches eux aussi. Ils savaient dès le départ que leur travail était consultatif et non décisionnaire. En plus, à les entendre parler, en premier lieu Belaïd, il y a de la prétention et une appropriation du travail de la commission avec une phrase qui revient à plusieurs reprises : "Mon projet de constitution" et non celui de la commission. Mieux encore, certains membres de ladite commission n'ont pas hésité à approuver le projet de Saïed et désavouer celui de Sadok Belaïd qui, selon eux, les a ignorés au moment de la rédaction du projet soumis au Président.
A ce jeu, Saïed a été plus subtil en brouillant les cartes et en imposant un fait accompli : celui de ce projet de constitution où il y a du bon comme du moins bon. C'est aux Tunisiens d'en juger en toute liberté : ceux qui approuvent, ceux qui s'opposent et la troisième voie du boycott.
Et rien ne peut nous dire à cet instant combien pèse le mouvement du boycott, et si on risque de voir ce projet rejeté. Toutefois, les indices convergent vers une consolidation de la position du Président qui sait très bien ce qu'il fait. La démarche qu'il a adoptée jusque-là n'est pas fortuite : elle est réfléchie et exploite jusqu'au bout les ratages de la classe politique de la dernière décennie et le sentiment de frustration, voire de haine, de plusieurs Tunisiens envers ce modèle brisé depuis le 25 juillet dernier. Plus qu'un fait accompli, c'est une doctrine politique nouvelle qui s'installe doucement. Le référendum n'est que le début d'une profonde mutation du système politique tunisien.