Congo-Kinshasa: Qui va réparer les dégâts normaux et collatéraux de l'embargo ?

Pour d'aucuns, l'embargo sur l'achat de l'armement remonte à une vingtaine d'années. Pour d'autres, plutôt à une trentaine.

A dire vrai, c'est depuis 1991, lors de la suspension de la coopération structurelle décidée des suites des tristes événements survenus la nuit du 11 au 12 mai 1990 sur le campus de l'université de Lubumbashi, une vingtaine de jours seulement après la proclamation par le maréchal Mobutu de la libéralisation politique, connue sous le vocable "processus démocratique". Exactement le 24 avril.

33 ans après ce faux massacre inspiré du "Syndrome de Timisoara", les Congolais continuent d'en faire les frais en ce que les 6 dernières de Mobutu entre 1991 et 1997, les 4 ans de Laurent-Désiré Kabila entre 1997 et 2001, les 18 ans de Joseph Kabila entre 2001 et 2019 et les 3 ans de Félix Tshisekedi de 2019 à ce jour sont marqués par l'embargo.

Durci à un moment, allégé à un autre, voire levé, l'embargo le reste dans la mesure où il restreint la liberté d'un Etat souverain d'acheter ce dont il a besoin simplement parce qu'il ne le fabrique pas. N'étant pas fabriquant d'armes ni de munitions, la RDC n'a de choix que de les importer.

La sécurité étant une question de souveraineté, l'importation ne peut s'opérer qu'auprès des producteurs ou des revendeurs de confiance ayant pignon sur rue, peu importe le continent ou le pays.

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Or, depuis 1991 - année de suspension de la coopération structurelle notamment militaire - Kinshasa peine à exercer son devoir constitutionnel en la matière à cause justement de l'embargo.

Alors que dans toutes les résolutions du Conseil de sécurité, il lui est reconnu ce devoir, curieusement, le libre choix des armes lui est interdit à cause, par exemple, de la certification de la traçabilité.

Conséquence : lors de la guerre de l'Afdl en 1996-1997, sept mois avaient suffi pour défaire les Faz.

A la base : l'incapacité matérielle dans laquelle s'était retrouvé le Zaïre de se procurer des armes. On se souvient de l'épisode risible des mercenaires kosovards et ukrainiens qui avaient obtenu des trafiquants, auxquels le gouvernement zaïrois s'était adressé, un matériel de guerre incompatible.

Après Mobutu, Laurent-Désiré Kabila vit l'embargo non seulement maintenu, mais en plus durci dès la rébellion (en réalité agression) du 2 août 1998 revendiquée après coup par le Rcd.

A l'avènement de Joseph Kabila en janvier 2001, l'embargo fut légèrement allégé, mais pour un court temps. Car, à partir de la mutinerie Mutebusi-Nkunda en 2004 qui va culminer avec l'apparition du Cndp en 2009 et trois ans plus tard du M23, il sera davantage renforcé.

Depuis 2019 qu'il est à la tête du pays, Félix Tshisekedi continue d'attendre la levée totale de l'embargo, c'est-à-dire l'accès sans condition de son pays au marché des armes.

Qu'on en vienne aujourd'hui à faire croire aux Congolais - dont la naïveté est franchement désespérante - que par la résolution onusienne du 30 juin 2022, on est dans un processus de normalisation (!), il y a de quoi se demander si on a seulement conscience des effets normaux et collatéraux de l'embargo durci ou allégé.

En effet, quand on parle de 10 millions de morts à l'Est pour causes directes ou indirectes liées aux guerres cycliques qui se livrent en territoire congolais et non en territoire ougandais, rwandais ou burundais, ces morts sont aussi victimes de l'embargo.

Quand on déplore la destruction du tissu économique et social, en premier l'Environnement, c'est aussi à cause de l'embargo. Ou, quand on déplore l'islamisation de la guerre de l'Est, c'est aussi à cause de l'embargo.

Demain, lorsqu'on dansera et on chantera (heureux le peuple qui chante et qui danse) parce que l'embargo sera entièrement levé, ça se fera à un prix facile à deviner : les voisins de la RDC - principalement ceux de l'Est - seront déjà des " puissances militaires régionales" pendant que la RDC sera ce qui a été planifié ailleurs : un géant peut-être économique, mais en réalité un nain militaire parce que chaque mortier, chaque obus qu'elle aura acquis sera connu des services de sécurité des pays qui l'environnent en lions rugissants et dévorants.

Déjà, des échos en provenance de New York signalent que le M23 disposerait d'un armement performant que ne détiendraient ni les éléments des Fardc, ni ceux de la Monusco.

D'où provient-il alors ?

En attendant une réponse ayant peu de chance de venir, la question qui va demeurer s'exprime en ces mots "Qui va réparer les dégâts normaux et collatéraux de l'embargo ?".

Evidemment, et malheureusement la RDC seule, la RDC esseulée !

 

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