Burkina Faso: Saison agricole humide 2022-2023 - Quand la hausse des prix des intrants menace la production agricole

La campagne agricole humide 2022-2023 bat sont plein. Malheureusement, les prix certains intrants agricoles ont plus que doublé. Le sac de l'engrais de 50 kg qui se vendait à 16 000 F CFA n'est pas passé à plus de 30 000, les herbicides de 2 000 à plus de 5 000 F CFA.

A cela s'ajoutes la hausse du prix des denrées alimentaires, et du carburant ont des effets directs pour ceux qui utilisent des tracteurs pour le labour de leurs espaces à emblaver. Nous sommes allés à la rencontre des paysans à Kouka dans la province Banwa et ceux de Koumbadougou dans la commune de Karangasso Sambla du 8 au 10 juin 2022. Cette situation risque de compromettre la production céréalière selon les acteurs que nous y avons rencontrés.

Comment produire suffisamment de céréales pour la consommation de leurs familles? Cette question taraude l'esprit de bien nombre de producteurs burkinabè en ce début de saison agricole humide tant les prix des différents intrants agricoles ont augmenté. Une situation qui avoir des impacts négatifs sur la production selon les paysans des localités que nous avons sillonné du 8 au 10 juin dernier.

Nous sommes allées à la rencontre des producteurs de Kouka dans la province des Banwa et à ceux la commune de Karangasso Sambla dans la province du Houét. Notre périple a commencé à Kouka. Dans cette partie du Burkina, la plupart des paysans labouraient leurs champs en attendant les grandes pluies pour semer. Pour se faire, certains ont recours aux tracteurs à conditions de débourser 30 000 F CFA par hectare. D'autres par contre, se rabattent sur les charrues des bœufs pour le même travail moyennant 25 000 F CFA.

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Les moins nantis quant à eux se contentent de leurs dabas pour labourer leurs espaces. Peu importe le temps que cela pourra prendre. Worobè Sanou est le premier producteur que nous avons rencontré. Il dispose d'un tracteur qu'il met à la disposition des autres producteurs lorsqu'il a fini de labourer tous ces champs. Pour la présente saison, il compte exploiter 20 hectares dont 5 hectares de maïs, 2 hectares de sorgho, 5 hectares de riz et le reste du coton. Sa préoccupation majeure actuelle est le coût élevé des intrants agricoles, notamment l'engrais.

" L'engrais coûte très cher actuellement. Le prix est passé du simple au double. Pire, il est difficile d'en trouver. Quand on en trouve, la qualité reste à désirer ", déplore-il. Tout comme lui, Guionou Sességué ne sait toujours pas comment trouver les moyens avoir la quantité nécessaire d'engrais pour exploiter ses 40 hectares de terre sur lesquelles il produit plusieurs spéculation telles que le maïs, le mil, le riz, le riz, pour ne citer que ceux-ci. " Nous voulons de l'engrais parce que les sols sont très pauvres et fatigués.

Il faut ces produits chimiques pour aider les sols si on veut avoir de bon rendements. Même si tu emblave une grande superficie et que sans engrais, le travail sera vain " déplore-t-il. A l'en croire, ses besoins d'engrais sont estimés à 100 sacs eu égards la superficie qu'il compte emblaver. Contrairement à Worobè Sanou, Guiomou Sességué a abandonné la production du coton. Il ne peut donc pas bénéficier de l'engrais subventionné par la Société burkinabè des fibres textiles (SOFITEX). Signalons que la nationale des fibres textiles soutient les producteurs de l'or blanc.

Ce qui n'est pas le cas pour les producteurs de céréale. En effet, elle met à leur disposition de l'engrais nécessaire pour la production du coton à travers la coopérative à 16 000 F CFA le sac. Mieux, elle accompagne la production de céréales des motoculteurs. Lorsque le producteur emblave 3 hectares de coton, il a droit à de l'engrais pour un hectare. Malgré tout, Guiomou Sességué a abandonné la production de cette culture de rente.

23 tonnes de semences cette saison contre 81 tonnes la saison écoulée

Et d'expliquer qu'il a pris cette décision parce qu'il n'arrivait pas rembourser ses dettes. Il lui arrivait même de vendre une partie de ses céréales pour rembourser les dette de la production du coton à la SOFITEX. Ce qui l'a contraint selon lui, à abonner la culture de rente qui est le coton. Après la visite de l'exploitation agricole de Wouribè Sanou et celle de Guiomou Sességué à quelques kilomètres de Kouka, nous sommes allés à la rencontre de Moussa Sanou. Il partage les mêmes soucis que les deux premiers.

Il s'agit des coûts élevés intrants agricoles. A cela s'ajoute, selon lui le manque d'encadrement pour la production et la conservation des produits maraichers tels que l'oignons. A l'en effet, Moussa Sanou produit du haricot, de l'arachide, du soja, du mil, du riz et surtout de l'oignons. C'est d'ailleurs grâce à la vente de ces produits qui finance une grande partie de sa production.

Pour avoir abonné la production du coton avec l'abondons de la culture OGM au profit du coton conventionnel, il est sûr qu'il ne peut pas bénéficier de l'engrais subventionné par la SOFITEX. Ce producteur estime ses besoins en engrais à plus de 10 tonnes pour cette saison. Mais jusque-là, il n'a pas encore obtenu le moindre sac. Il faut vendre ses oignons stocké pour faire face à ce besoin pressant. " Il faut aider les producteurs à obtenir les engrais à moindre coût afin de mieux produire ", soutient-il.

Notre journée marathon a pris fin dans l'exploitation du jeunes agriculteur Djo Sanou. A quelques jets de pierre des concessions, Il produit du maïs, du sorgho, du mil, des arachides, du riz, du coton mais surtout et la culture maraichère. Lui aussi connait les mêmes difficultés que ces ainées de Kouka. " Nous avons des difficultés à nous approvisionner en engrais et semences. Dans la province, il n'y a pas encore de semence. On se débrouille comme on peut pour avoir de quoi semer ", a-t- il confié.

Sur la question des semences améliorées, un encadreurs d'une autre localité nous a confié qu'il n'a reçu que 23 tonnes cette saison afin de les mettre à la disposition des producteurs. Et de préciser qu'il avait réceptionné 81 tonnes de semences l'année dernière pour les paysans. A plus de 140 KM là, précisément à Koumbadougou dans la commune de Karangasso Sambla, les producteurs partagent les mêmes inquiétudes que ceux de Kouka : La cherté des intrants agricoles. Là-bas, le sac d'engrais coûte au moment de notre passage à 32 000 de F CFA.

Les herbicides qui coutaient 2 000 F CFA sont passées à plus de 5 000 F CFA. Et les paysans ne savent plus à quel saint se vouer. Souvent, malgré ton argent il est difficile d'en avoir sur le marché. Selon le vieux Moussa Traoré, président de la coopérative du village, si rien n'est fait dans les brefs délais, il sera difficile d'avoir bonne saison. A l'en croire, si on applique pas l'engrais 18 jours après les semis cette spéculation ne peut produire convenables au regards de la pauvreté des sols. Pour l'instant, les paysan ne savent pas à quel saint se vouer.

Pourquoi les prix des intrants agricoles connus de telles augmentations ?

Sur le terrain, certains pointent du doigt la crise entre la Russie et l'Ukraine qui sont de grands producteurs d'engrais NPK et d'urée d'une part, et d'autre, la crise née la Covid-1. Il est à noter que pour approvisionner les producteurs en intrants, l'Etat a créé une Centrale d'approvisionnement en intrants et matériels agricoles (CAIMA).

Malheureusement, cette structure qui avait suscité beaucoup d'espoir pour le monde rural semble être dépassée par la situation. " Le corona virus et la crise entre la Russie et l'Ukraine font que nous sommes confrontés à une flambée des prix de l'engrais sur le marché international. Aussi, les questions de négociation des prix sont devenues très sensibles.

Le prix négocié d'aujourd'hui n'est pas forcément le prix de demain. Du coup, les transactions deviennent très compliquées. Nous avons lancé des commandes d'engrais qui ont été infructueuses ", explique Lamine Fofana, chargé d'études à la Centrale d'approvisionnement en intrants et matériels agricoles (CAIMA). Mais qu'à cela ne tienne des efforts sont faits pour approvisionner les paysans en engrais. Une première commande de 5000 tonnes est déjà en cour de route pour être livrée à la CAIMA.

Une autre commande de 5000 tonnes est en production dont la livraison se fera dans les jours à venir. D'autres commandes qui sont établies et d'ici la fin du mois de juin, il est attendu 50 000 tonne d'engrais au niveau de la CAIMA. Malgré ses assurances, les besoins des paysans ne sont pas couverts. A l'en croire, environs 300 000 tonnes d'engrais sont utilisés au Burkina Faso Chaque année. " Le besoin est estimé à au regards des superficies exploité, pour la céréale, nous sommes à un millions de tonnes d'engrais.

Mais il est utilisé annuellement 300 000 tonne d'engrais. Ce qui ne couvre pas les besoins. ", reconnait -il. Pour l'instant le prix de l'engrais fournis par la CAIMA n'est pas arrêté. Un comité a été mis en place et va bientôt statuer sur le prix. Mais, précise Lamine Fofana, si on tient compte des augmentations des prix sur les marchés internationaux et les frais de transports et autres, le sac peut être hors de portée pour les producteurs moyens. C'est d'ailleurs pour cette raison que la CAIMA plaide auprès du gouvernement pour une subvention afin revienne moins cher aux producteurs.

" Les taxes font que le prix de revient devient cher "

Ces propos sont confirmés par le président de l'Association des grossistes et détaillants des intrants agricoles du Burkina Faso (AGRODIA), Adama Ouédraogo. Il a indiqué que les membres de l'association dont il assure la présidence ont importé pour cette campagne agricole, plus de 17 000 tonnes d'engrais déjà disponible sur le marché. Des associations sœurs ont importé environs 11 000 tonnes d'engrais. Mais cette quantité est inférieure à celle importé l'année dernière qui était estimée à 250 000 tonnes.

La raison est selon lui, la flambée des prix qui a contraint les importateurs à observer une certaine prudence. Ils n'ont pas suffisamment importé parce qu'il y a risque la marchandise ne soit net pas écoulé à cause de la cherté. " La question était de savoir si les producteurs pourront acheter toute la quantité qui sera importée si le prix est élevé. ", a-t- il indiqué. Et de de confié que les grossistes vendent le sac entre 26 000 e 27 000 aux détaillants qui à leurs tours les vendent à 30 000 F CFA voire plus aux producteurs. " Il y a une crise au niveau des pays producteurs.

Par exemple l'urée qui était moins cher l'année dernière est passé du simple au double. Cette guerre au niveau de l'Ukraine et de la Russie, les pays producteurs. Au Burkina Faso, les taxes font que le prix de revient devient cher. En fait, au niveau de la douane, les taxes n'ont pas changé. Mais comme elles sont payées en fonction de la valeur de la marchandise, lorsqu'on l'applique, même si c'est le même taux sur la valeur, toute de suite, elles augmentent ", soutient-il. En plus de la réductions différentes taxes, le président de l'AGRODIA a plaident pour un soutien substantiel de la part de l'Etat, notamment en aidant les important à obtenir des garantit auprès des banques en leurs fournissant les garanties nécessaires.

Ce qui n'est pas le cas pour le moment. Pour sa part, le Président du conseil d'administration de l'Union Nationale des sociétés coopératives de Producteurs de Coton du Burkina (SCOOP- CA UNPCB), Nikiebo N'Kambi, estime que le gouvernement a fait suffisamment d'efforts pour soutenir les producteurs de coton en mobilisant plus de 72 milliards de F CFA pour cette saison agricole humide. Une première au Burkina selon lui. " Le DG de la SOFITEX avait dépêché une à Abidjan et San Pedro en république de Côte d'Ivoire.

A l'issue d'un séjour de plus d'une semaine, la délégation a pu avoir les quantités nécessaires. Environs les 98% de cette commande initiale est déjà sur le territoire burkinabè ", c'est t- il réjouit. A l'en croire, environ 700 000 hectares seront emblavés cette année pour la production du coton. Mais il faut attendre la fin des semis pour confirmer ces projections. Et le besoin d'engrais est estimé à 700 000 tonnes en raison d'une tonne d'engrais par hectare. En attendant, il dit prier pour une meilleure répartition de dame pluie dans le temps et l'espace. Des prières ont été initiées dans les mosquée à cet effet.

Les promesses du ministre de l'agriculture et les objectifs de production

A l'issue de la première session ordinaire de l'année 2022 du conseil d'administration du secteur ministériel (CASEM) du ministère de l'Agriculture, des ressources animales et halieutiques, le 19 mai 2022 à Ouagadougou, le ministre Innocent Kiba avait déclaré : " Il s'agira concrètement pour nous, de voir dans la situation, comment opérer des choix stratégiques, en terme de choix de cultures, de variétés, de bonnes pratiques agricoles et aussi d'encadrement pour produire assez de nourriture et faire face à la situation alimentaire et nutritionnelle difficile ".

Quelque jour plus tard, soit, le 27 mai 2022, il avait procédé au lancement de la campagne agricole humide 2022-2023 a Gourgou, commune de Tenkodogo, dans la région du Centre-est, avec des objectifs de production agricole, " 5 398 000 tonnes de céréales, 1 798 000 tonnes de cultures de rente et 897 000 tonnes d'autres cultures vivrières ". La grande question est de savoir comment atteindre ces objectifs si le pays a perdu environ 400 000 ha, de ses terres agricoles ?

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