Madagascar: La fuite dans le divertissement

Notre nature misérable peut très bien franchir les murs qui la séparent de ce grand miroir qui est la conscience. C'est parce que ces obstacles ont été franchis que Blaise Pascal a pu écrire dans ses Pensées (1670) que "l'homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la nature ; mais c'est un roseau pensant".

Mais toujours mus par une pulsion génétique de la résistance qui refuse l'annexion de notre conscience par cette certitude, on construit toutes sortes de barrières qui pourront entraver le trajet. et parmi ces écueils qu'on érige pour freiner cette montée de la conscience de la misère, figure, à une place honorable, le divertissement qui est la meilleure réponse aux différents visages de la détresse qui sème la terreur dans notre quotidien.

Selon toujours Pascal, " Les hommes, n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de n'y point songer [... ]. Nous courons sans souci dans le précipice après que nous avons mis quelque chose -devant nous pour nous empêcher de le voir. " Ce "quelque chose", c'est le divertissement qui est ce voile des illusions qui nous procurent des plaisirs éphémères qui ne peuvent cependant pas démolir l'édifice solide de la réalité, ce monde dont la propension à la cruauté a déjà tant inspiré les poètes et les artistes. et comme la caverne de la célèbre allégorie de Platon, le divertissement réduit en ombres l'insensible mais véritable corps de l'existence. et le contexte malgache, qui est tout sauf luisant, est propice au succès du divertissement.

%

Quand on constate que les différents paradis artificiels (pas seulement les drogues mais aussi ceux qui peuvent permettre une évasion depuis la vie réelle) sont pris d'assaut par les prisonniers de la misère que nous sommes, quand on voit que l'étudiant vide sa bourse, à peine perçue, dans des endroits particuliers à même de lui offrir l'euphorie ou l'extase qui lui mettront, pour un temps, les œillères qui masqueront la méchante réalité qui le martyrise, on ne peut fermer les yeux sur cette situation précaire qui rend attrayant le refuge qui est le divertissement. et c'est ce même contexte qui est exploité par la politique qui jette cette poudre mystificatrice qui aveugle ainsi les esprits malades.

Et c'est alors qu'on s'envole dans le ciel des plaisirs. Mais cette ascension annonce la chute à venir car la pesanteur de la réalité est plus intense que cette attraction céleste entretenue par le divertissement. Se divertir s'avère alors être comparable aux châtiments des Danaïdes qui ont été condamnées à remplir un tonneau percé: comme ce grand récipient de la mythologie, le royaume du divertissement finit toujours par être vidé par la lassitude ou le manque de ressources et on est alors toujours obligé de revenir sur terre.

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.