Burkina Faso: "Du caviar pour un lapin" de Sophie Heidi Kam - Dans la fabrique du théâtre

La dramaturge burkinabè Sophie Heidi Kam a fait paraître en 2021 aux Editions Sankofa et Gurli, sa dernière pièce de théâtre sur le théâtre. C'est une pièce en abîme qui aborde la précaire condition du créateur de fiction ainsi que de façon spéculaire, la vie du comédien.

Sophie Heidi Kam est une auteure prolixe qui a plusieurs publications dans la poésie, le roman de jeunesse et des pièces de théâtres. Du Caviar pour un lapin est la quatrième pièce théâtrale de l'auteure. Comme le titre de la pièce le laisse suggérer, c'est un texte qui s'inscrit dans le comique et la légèreté.

Mais le choix de la légèreté n'est pas un renoncement à la complexité. Du caviar pour un lapin est un texte de théâtre qui a fait le pari de la complexité de la forme et du fond sur un ton oscillant constamment entre le sérieux et la farce. Le texte hésite entre le vaudeville et le boulevard avec sa construction autour d'un triangle amoureux. Comment ne pas penser à l'Illusion comique, pièce dans laquelle Corneille au sommet de son art mélange les genres et se rit du théâtre en se moquant des acteurs.

Dans cette pièce en abyme, l'auteure nous introduit dans la fabrique du texte dramatique, on suit la dramaturge Victoire dans l'écriture d'une pièce, elle tâtonne pour trouver l'espace où camper ses personnages, elle lutte avec ceux-ci qui tentent de se déprendre de son emprise.

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Victoire écrit un texte sur une histoire d'amour improbable entre une comédienne trentenaire, Gloria I qui attend Tobie, son amoureux et rêve que celui-ci la demande en mariage pour qu'enfin, elle quitte l'étroite maison qu'elle partage avec sa grand-mère. Dans cette attente, surgit son double, Gloria II, disons sa conscience impertinente et Nestor, le maître d'hôtel. Entre attente vaine et rebondissements, le coup théâtral final laisse pantois.

On découvre que la vie d'écrivain n'est pas un long fleuve tranquille. En prise avec les personnages qu'elle crée et avec lesquels elle bataille pour les inscrire dans une histoire cohérente et avec l'urgence de livrer le texte final pour entrer en possession du chèque de l'éditeur, on voit que l'écrivain est comme l'ouvrier. Il vit de sa force... créatrice.

Ce texte de Heidi Kam aborde les thématiques telles que l'attente, les affres de la création, la précarité de la profession d'écrivain, la maternité dans le célibat, le mariage, la bisexualité. C'est aussi l'un des textes les plus personnels de l'auteure et peut être le plus jubilatoire tant celle-ci en bonne cuisinière de la langue, prépare une macédoine avec des mots doux, rares, épicés, salés, vulgaires, précieux, etc.

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