Ile Maurice: Faiblesses structurelles de la BoM et recommandations du FMI au centre du combat contre l'inflation

La lutte contre l'inflation, qui affecte chaque consommateur mauricien, devra passer par un ajustement et une modernisation de notre politique monétaire. Dans son dernier rapport, le FMI fait un diagnostic des entraves à une "normalisation" du taux inflation d'ici 2025, incluant l'absence d'un objectif fixé du taux d'inflation, les taux d'intérêt trop bas vis-à-vis du taux directeur et le capital de Rs 10 Mds trop faible de la BoM, qui nécessite un désengagement de la MIC.

Actuellement à 9,6 %, contre 11 % en avril dernier et 5,9 % en juin 2021, l'inflation en glissement annuel, que le FMI estime à 11,4 % sur l'année calendaire 2022, reste un problème prépondérant, impactant le quotidien de chaque Mauricien face à l'augmentation des prix de quasiment tous les produits.

Le Covid-19 et l'instabilité géopolitique causée par le conflit russoukrainien, continuent de faire pression sur la performance de l'économie à Maurice comme à travers le monde, faisant de l'inflation une priorité absolue pour éviter une crise sociale accrue. Si l'État intervient avec des mesures sociales pour soulager la population, la conjoncture inflationniste dictée par les aléas du marché mondial requiert une politique monétaire plus stricte pour limiter les dégâts. Or, si l'on en croit le récent Staff Report de l'Article IV Consultation du Fonds monétaire international (FMI), la situation s'annonce ardue, la Banque de Maurice (BoM) ayant pour l'instant une faible marge de manœuvre. Décryptage.

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Le taux directeur (repo rate) de la BoM est en effet passé de 1,85 % en 2021 à 2,25 % en juin dernier. Le hic, si le repo rate a légèrement augmenté, les taux d'intérêt sur le marché, à titre d'exemple, le taux d'épargne proposé par les banques commerciales qui est en moyenne moins d'un pourcent, restent en dessous du taux directeur avec pour résultat, très peu d'incidence sur la tendance inflationniste.

Le taux d'intérêt plus bas décourage l'épargne au profit de la dépense et donc de la demande, ce qui gonfle l'inflation. Pour remédier à la situation et "normaliser" l'inflation d'ici 2025, des actions peuvent être prises.

Pour ce faire, prévient le FMI, l'amélioration de l'efficacité de la politique monétaire et la sauvegarde de l'indépendance de la banque centrale, doivent être des priorités. Il faut donc mettre en œuvre un cadre de politique monétaire modernisé et évidemment améliorer la gouvernance.

Dans ce contexte, il faudrait dès le départ se fixer un objectif du taux d'inflation à atteindre afin de contrôler les attentes du marché. À titre d'exemple, en naviguant à vue avec une tendance d'inflation en hausse, la réaction des consommateurs et des entreprises peut conduire à augmenter davantage l'inflation.

Le consommateur qui réclame un salaire plus élevé et l'entreprise qui continue à dépendre de l'easy cash de l'État, ne peuvent qu'accentuer la pression inflationniste. Flashback, avoir un objectif inflationniste n'est pas une nouveauté. Selon le FMI, la BoM annonce l'introduction d'un ciblage de l'inflation depuis 2006 mais sa mise en œuvre pratique est restée incomplète.

Aucun objectif quantitatif officiel d'inflation n'a été annoncé depuis cette période et l'efficacité de la gestion de l'excès de liquidités sur le marché et les taux d'intérêt étaient déjà limités en 2006.

Justement, et on y vient, il faut s'attaquer évidemment à l'excès de liquidités sur le marché qui s'élevait à Rs 34 milliards à juin 2022. Cela devrait avoir dans la durée un impact sur les taux d'intérêt pratiqués sur le marché et donc au bout de la chaîne, l'inflation. Comment s'y prendre ? Selon le FMI, la BoM pourrait intervenir temporairement et éponger intégralement l'excès de liquidités sur le marché en émettant des BoM Bills à l'intention des banques commerciales à un taux d'intérêt qui conduirait à terme à un alignement des taux d'intérêt sur le marché au taux directeur. Pour intéresser les banques commerciales, la maturation des BoM Bills pourrait être réduite de trois mois à sept jours. Et c'est là que le bât blesse.

Le capital de la BoM est estimé trop fragile par le FMI. En effet, le dernier Bank of Mauritius Statement of Financial Position disponible en ligne démontre que le capital de la BoM s'élevait à environ Rs 10 milliards à mars 2022. Or, il faudra bien que la BoM puise de son capital pour payer les intérêts de ces fameux BoM Bills.

Le faible taux de capitalisation de la Banque centrale impacte donc sa capacité à aligner sa politique monétaire pour lutter efficacement contre l'inflation ; et pire, selon le FMI, si rien n'est fait pour remédier à la situation, l'inflation risque de rester hors de contrôle au-delà de 2025. Que faire ?

"L'État et la Banque centrale se doivent d'être transparents envers la population, expliquant clairement l'impact des actions à prendre et de leurs objectifs."

Pour commencer, et cela va de soi, les transferts de la BoM au Trésor public, c'est terminé. Ensuite, une autre solution est que ce soit l'État qui intervienne et injecte du cash dans les comptes de la Banque centrale, mais cette solution aurait probablement un impact sur la dette publique.

Encore une fois, la BoM devrait renoncer à son actionnariat dans la Mauritius Investment Corporation (MIC) afin de réduire les risques de crédits et les fonds non déboursés de la MIC devraient être rendus à la BoM. Le FMI suggère que l'État prenne le contrôle et la responsabilité de la MIC ou alors que la Development Bank of Mauritius (DBM) le fasse. Dans ce cas précis, c'est clair, une démarcation nette entre le régulateur et la MIC est plus que nécessaire.

Finalement on l'aura compris, la réduction de l'inflation ne se fera pas aussi vite que son augmentation et nécessitera bien des efforts et des compromis si nous voulons pouvoir espérer des jours meilleurs d'ici 2025. L'État et la Banque centrale se doivent d'être transparents envers la population, expliquant clairement l'impact des actions à prendre et de leurs objectifs.

On ne le dira jamais assez, ce poids doit être équitablement partagé : l'État doit réduire son train de vie et ses gaspillages de fonds publics ; nous devons revoir nos politiques et investir dans les secteurs productifs sans oublier de revoir la stratégie pour at- tirer des investissements étrangers ; et bien sûr, le secteur privé se doit de participer à l'effort national.

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