Mali: Appel à la mediation togolaise entre le Mali et la Cote d'Ivoire - Que cache la démarche de Bamako ?

19 Juillet 2022

Et de deux pour le président Faure Gnassingbé ! En effet, sollicité une première fois, début mai, pour jouer les facilitateurs entre la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) et le Mali alors sous embargo de l'institution sous-régionale, le chef de l'Etat togolais vient à nouveau d'être invité par les autorités maliennes, à jouer les médiateurs entre Bamako et Abidjan dans l'affaire des 49 militaires ivoiriens, qui pollue les relations entre les deux capitales. En rappel, le 10 juillet dernier, un contingent militaire ivoirien d'une cinquantaine de soldats, a été arrêté à son atterrissage à Bamako, par les autorités maliennes qui les ont présentés comme des " mercenaires " lourdement armés, animés de velléités de déstabilisation de la transition en cours sur les rives du fleuve Djoliba. Ce que dément catégoriquement Abidjan qui assure que c'est une mission de relève venue assurer sa mission de soutien logistique à la Minusma (Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation du Mali).

Le Mali et la Côte d'Ivoire ont plus à perdre qu'à gagner dans une situation de conflit au sommet entre les deux Etats

Mieux, du côté de la lagune Ebrié, l'on assure que la présence de ces soldats sur le sol malien, dans le cadre de cette mission, " était bien connue des autorités maliennes ". Toute chose qui a fondé Abidjan à demander la libération " sans délai " de ses soldats, alors que Bamako dit avoir choisi d'y donner une suite judiciaire. Certaines sources annoncent même la date du 22 juillet prochain, pour le jugement desdits militaires.

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C'est dans ce contexte que l'on apprend que les autorités maliennes ont appelé, en début de semaine, à une médiation du Togo qui l'a acceptée, pour tenter de les rabibocher avec leur voisin du Sud. Et le communiqué conjoint qui l'annonce, précise que le président de la Transition malienne, le colonel Assimi Goïta, " s'est dit ouvert au dialogue et disposé à œuvrer (... ) à un dénouement heureux de cette situation, y compris par la voie diplomatique, dans le strict respect de la souveraineté du Mali". Une disposition d'esprit à saluer à sa juste valeur si cela peut permettre de maintenir le dialogue à l'effet de faire retomber la vive tension entre les deux capitales.

Car, le Mali et la Côte d'Ivoire qui sont liés par l'histoire et la géographie, ont plus à perdre qu'à gagner dans une situation de conflit au sommet entre les deux Etats. Car, au-delà des relations économiques et des échanges bilatéraux, les deux pays comptent respectivement une diaspora importante des deux côtés de la frontière commune. C'est pourquoi l'on peut se réjouir de cette initiative d'appel à une médiation, qui pourrait traduire une volonté de jouer balle à terre. Car, la sagesse enseigne qu' " un mauvais arrangement vaut mieux qu'un bon procès ". Et il est aussi heureux que Lomé ait donné son quitus pour jouer les bons offices entre les deux voisins ouest-africains qui se regardent aujourd'hui en chiens de faïence.

Bamako aurait pu dédramatiser l'affaire dès le départ

Seulement, il aurait été plus logique que l'initiative de ce rapprochement vînt d'Abidjan qui se retrouve dans la peau de l'accusée. C'est dire si le mérite de Bamako est grand, de se retrouver à la fois dans la peau de " la victime" et de celle qui fait malgré tout le premier pas. A moins que cette démarche du locataire du palais de Koulouba ne recèle des non-dits. Et s'il en attend quelque chose en retour, que va-t-il poser sur la table des négociations ? La question est d'autant plus fondée qu'au-delà de la position, au sein de la CEDEAO, du chef de l'Etat ivoirien, jugée dure à l'encontre des tombeurs d'Ibrahim Boubacar Kéita, Bamako a aussi un exilé de luxe à Abidjan, en la personne de Karim Kéita, le fils du défunt président déchu, qui bénéficie du parapluie protecteur du locataire du palais de Cocody, au grand dam des autorités de la transition malienne. Ceci expliquerait-il cela ?

Autrement dit, à travers l'arrestation de militaires ivoiriens, Bamako cherche-t-elle à tenir quelque part Abidjan par la barbichette ou à se constituer un précieux colis d'échange au cas où ? Bien malin qui pourrait répondre à ces questions. En tout état de cause, Bamako aurait pu dédramatiser l'affaire dès le départ en libérant, après vérification, purement et simplement les militaires ivoiriens pour autant qu'elle n'ait rien à leur reprocher, ou encore à régler le problème dans le secret de la voie diplomatique qu'elle se dit à présent prête à envisager. Pourquoi ne l'avoir pas fait, ou avoir tenu à en faire une montagne sur fond de tapage médiatique, pour finalement venir solliciter une médiation ?

Faut-il y voir un lien de cause à effet, dans la démarche de l'ex-président de l'Assemblée nationale ivoirienne aujourd'hui en exil, Guillaume Soro, qui a milité pour cette médiation togolaise ? Autant de questions auxquelles les bons offices du président Faure Gnassingbé devraient permettre de trouver des réponses. Tout le mal qu'on lui souhaite, c'est de réussir à rapapilloter les deux capitales dans l'intérêt supérieur de leurs peuples respectifs. Car, dans ce contexte de crise sécuritaire aiguë, le Mali ne gagne rien à empoisonner ses relations avec la Côte d'Ivoire, ni avec aucun de ses voisins. Il y a plus urgent à traiter.

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