Ile Maurice: FMI - Des pistes pour rendre le système de retraite soutenable

Considéré par des spécialistes comme une bombe à retardement, le système de pension est revenu au centre de l'actualité dans le sillage de la publication de l'Article IV Consultations 2022 du Fonds monétaire international (FMI), le 15 juillet, en posant la problématique de son financement et de la capacité des autorités à le soutenir financièrement dans le temps face au vieillissement grandissant de la population.

Les interrogations du FMI interviennent alors que la pension universelle fait l'objet de nouvelles pressions avec l'annonce budgétaire du 7 juin de la faire passer de Rs 9 000 à Rs 10 000 mensuellement pour ceux âgés de 60 ans et de l'augmenter de Rs 2 000 à partir de 65 ans. Des annonces qui sont devenues une réalité depuis le 1er juillet et qui concernent 300 000 bénéficiaires, selon les chiffres du ministère des Finances, dont 238 000 touchant Rs 9 000 par mois. L'État devra débourser environ Rs 28 milliards par an.

Or, le FMI est catégorique. Le système de retraite, tel qu'il est appliqué, n'est pas soutenable financièrement en se basant sur les deux régimes : la pension de base non contributive qui est versée dès l'âge de 60 ans et plus, et la Contribution sociale généralisée (CSG) qui est un plan de pension contributif, introduit en 2020-21 et dont les bénéfices seront payés à partir de juillet 2023 à ceux âgés de 65 ou plus, en plus de la pension universelle pour arriver à un total de Rs 13 500. "À Rs 9 000 mensuellement comme retraite de base, Maurice se trouve parmi les pays ayant la plus forte pension universelle par rapport au salaire moyen", soutient le FMI, citant une étude de la Banque mondiale réalisée en 2021.

%

Le rapport souligne qu'avec le paiement de la GSG en 2023-24, les dépenses combinées relatives à la pension passeront à 8,4 % du Produit intérieur brut (PIB) alors que les contributions engrangées sous la CSG ne représenteront que 1,5 % du PIB. Pire : cet écart sera appelé à se creuser avec une population vieillissante, ce qui alourdira le ratio de dépendance des personnes âgées tout en augmentant les finances publiques. Car, si, selon les spécialistes, en 2014 on comptait 4,6 personnes actives pour contribuer à la pension d'un retraité, ce taux passerait à 2,4 personnes en 2034 et à 1,6 personne en 2054.

Comment arriver à équilibrer le système de pension pour qu'il ne soit pas déficitaire et lourd pour les finances de l'État, tout en étant en ligne avec les normes mondiales ? À cette question, le FMI estime que les pistes apportées peuvent être politiquement dommageables, mais ont le mérite d'apporter des options qui réduisent à terme les dépenses pour les pensions tout en dopant les contributions. Une des pistes privilégiées est l'extension de l'âge de la retraite de 60 à 65 ans, un chantier déjà enclenché par phase par le gouvernement.

Une autre option serait le maintien de la pension de base à Rs 9 000 jusqu'à ce qu'elle soit l'équivalent de 20 % du salaire moyen, ce qui devrait être en réalité Rs 3 200 aujourd'hui (sur la base d'un salaire moyen de Rs 16 000 dans le privé). Et de l'indexer par la suite sur le salaire. Autre solution : une approche ciblée appliquée aux bénéficiaires qui sont les économiquement faibles de la société. Enfin, il y a nécessité, selon le FMI, de réformer la CSG pour que les contributions collectées pour le compte des travailleurs leur soient spécifiquement réservées, soit une démarche qui réduirait les charges financières de l'État.

Pour Bernard Yen, actuaire de profession, Managing Director d'Aon Hewitt (Mauritius) et un de nos meilleurs spécialistes sur la place, les options proposées par le FMI pour sortir de cette situation ne sont pas différentes de ce qu'on propose depuis plusieurs années. "Il faut que les gouvernements successifs tiennent ferme et ne cèdent plus à la tentation d'augmenter la pension de vieillesse pendant les prochains 20 ans au moins. Certains s'étonnaient jusqu'à récemment que la retraite ne soit pas réajustée avec la compensation salariale. La dure réalité, c'est qu'en augmentant la pension de vieillesse d'environ Rs 3 700 à Rs 5 000 en 2014, et de Rs 6 200 à Rs 9 000 en 2019, l'État a déjà donné plus de 20 ans d'augmentations en avance."

Certes, la question de pension de vieillesse est largement politisée, trop souvent utilisée pour attirer et séduire les votants en période électorale. "Il faut dépassionner ce sujet et résister aux contraintes syndicales et autres forces vives pour engager un débat national sérieux sur toute la problématique de la pension avec toutes ses implications sur l'âge de la retraite, le pouvoir d'achat des retraités et le financement du système de pension, entre autres.

Cela afin de dégager un consensus national à la satisfaction de tous les stakeholders", explique Bernard Yen, qui ajoute qu'il faut arriver à désarmer cette bombe à retardement qu'est l'actuel système des pensions. "Si notre PIB augmente de 6 % par an entre 2020 et 2038, la pension de vieillesse de Rs 9 000 en 2038 coûterait alors 3 % du PIB, ce qui serait beaucoup plus soutenable à long terme."

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.