Ile Maurice: Malbouffe - Quand la cherté des aliments accélère cette pratique

Tout Mauricien s'en plaint : la vie coûte de plus en plus cher, en particulier la nourriture. Mais quel en est l'impact sur notre tendance à la malbouffe due aux longues heures de travail, au manque de temps et au changement du mode de vie ? Pour la plupart des spécialistes en santé, cette consommation se poursuit ou passe même à la vitesse supérieure. Pourquoi ? Quelles solutions concrètes ?

Dur dur de se défaire de BRIEF nos tenaces habitudes alimentaires. Car bien que leurs prix aient flambé, les gato délwil, mines et riz frits ainsi que d'autres plats riches font partie de notre quotidien. Ce n'est pas la cherté de la vie qui en viendra à bout visiblement, indiquent les acteurs de la santé. "La majoration des prix des aliments, comme l'augmentation des tarifs des carburants, n'ont pas atténué la consommation. Le nombre de gens fréquentant les restaurants, même en milieu de mois, est en hausse", constate le Dr Mike Sooknundun, directeur de la Clinique du Nord. Pour Lavanya Sunassy-Pather, diététicienne, ces coûts plus élevés pour la nourriture limitent le choix des consommateurs. Par extension, la cherté des aliments accélère la malbouffe, affirme-t-elle.

Une observation confirmée par le Dr Isshaq Jowahir, viceprésident de l'association des médecins privés. "Cela accélère plutôt la malbouffe car on ne mange que des hydrates de carbone et non des protéines", confie-t-il. Pourquoi un tel paradoxe alors que le fastfood, plats préparés entre autres aliments riches en graisse, accuse des hausses depuis ces derniers mois ? "On ne mange que des pommes de terre, du riz, des pâtes, soit des féculents principalement, vu que d'autres produits à l'instar des protéines comme la viande, le poulet etc. affichent des prix plus élevés. On a aussi tendance à consommer moins de légumes. Tout ceci va donc accentuer la malbouffe", explique-t-il.

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Choix limités

Pour le Dr Mike Sooknundun, les raisons derrière cette accélération de la malbouffe relèvent des moments de détresse, des émotions difficiles à gérer ainsi que du stress ou de la dépression. Aussi, "l'homme commence à manger sans réfléchir", souligne-t-il.

Quant à la diététicienne Lavanya Sunassy-Pather, elle avance que la hausse des prix affecte tout aliment composant le repas quotidien. Rien n'a été épargné, y compris les aliments de base tels que le riz, la farine, les pâtes, les grains, le lait ou encore les œufs. Une diminution du pouvoir d'achat limite nos choix lors des provisions.

"Certains aliments que nous pouvions acheter auparavant deviennent aujourd'hui moins accessibles à cause de la majoration des prix. De ce fait, il devient de plus en plus difficile pour bon nombre de Mauriciens de manger trois repas équilibrés par jour. Face à cette situation, nombreux sont ceux qui ont tendance à opter pour des aliments moins chers, malheureusement moins nutritifs, tels que les nouilles instantanées, les viandes en boîte, les saucisses industrielles, des légumes en conserve etc.", déclare-t-elle. Parallèlement, elle note une baisse de la consommation de fruits et de légumes frais, de produits laitiers, de noix car cela requiert un budget additionnel.

Pour sa part, Ramesh Purrunsingh, porte-parole du Comité Amélioration de la Santé, soutient que les Mauriciens limitent les repas à emporter pour privi- légier les plats faits maison. "Les citoyens deviennent plus consciencieux des coûts car tout aliment est en hausse. Ils essaient de ne pas manger à gauche et à droite et de limiter les ruées vers les fast-foods et restaurants. Les chefs de famille doivent aussi mieux gérer leur budget, surtout s'ils ont des enfants", indique-t-il. Néanmoins, comme souligné par d'autres professionnels de santé, même si on privilégie les repas préparés chez soi, les frais onéreux poussent à acheter les aliments les plus rassasiants.

Quelles sont les solutions pour limiter cette accentuation de la malbouffe ? "Les autorités doivent vraiment s'engager dans une conscientisation des Mauriciens. Ils sont perdus et ne savent pas comment manger. On doit le leur montrer. Manger ne veut pas dire se remplir le ventre mais il faut varier les groupes alimentaires pour se maintenir en bonne santé", suggère Ramesh Purrunsingh.

Pour le Dr Isshaq Jowahir, le problème se pose surtout pour les personnes au bas de l'échelle. Comment leur dire de manger des légumes et de la viande ou du poisson alors que ceux-ci coûtent cher ? "Tout va dépendre de leur bourse. Même si ces citoyens ne peuvent pas manger de la viande tous les jours, il faut essayer de varier leur alimentation et d'intégrer des légumes et protéines tous les jours autant que possible."

Quant au Dr Mike Sooknundun, il évoque diverses pistes comme proscrire le grignotage entre les repas, maximiser la consommation de salades, légumes et fruits, d'ailleurs faibles en calories, et éviter la conservation d'aliments sucrés, salés et gras à la maison afin de décourager ces envies. "Il faut prendre pleinement conscience des méfaits de trop de sucre, de sel ou de gras sur notre système cardiovasculaire et réaliser que cela peut nous éviter l'hypertension, le diabète entre autres maladies. Pour les cas difficiles, quand les gens ont envie de grignoter, ils peuvent préparer une boîte remplie de produits, à l'exemple d'une crème pour les mains dont on aime le parfum, une pierre lisse qu'on aime toucher, l'album de vos photos préférées entre autres. Ainsi, une positivité se développera chez eux et ils oublieront l'envie de grignoter", avance-t-il.

Il suggère également que prendre le repas en famille autour d'une table régulièrement crée une atmosphère détendue et cordiale. De plus, le fait de prendre le temps de manger permet aux enfants de reconnaître la sensation de satiété et à combattre l'obésité, ajoute le médecin.

Afin de contrer l'accélération de la malbouffe, Lavanya Sunassy-Pather appelle à faire un budget mensuel uniquement pour les aliments ainsi qu'une liste avant d'aller au supermarché et d'acheter les aliments essentiels en priorité. "Il faut aussi avoir un meilleur contrôle des prix en ce qui concerne les fruits et légumes produits locale- ment, apprendre à réduire le gaspillage alimentaire en éduquant et responsabilisant tous les membres de la famille et réduire la consommation à l'extérieur", conseille-t-elle.

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