Ile Maurice: Sniffing, le Watergate mauricien

Il y a quelques similitudes entre le Watergate, qui a éclaté il y a 50 ans à Washington, DC, et le scandale du "sniffing" à Baie-Jacotet, qui nous surprend, tous les jours, un peu plus. D'abord sur le fond, il s'agit, dans les deux cas, d'une histoire d'espionnage. Surveillance d'ordre politique dans le premier et géopolitique dans celui qui nous concerne. Certes, les technologies d'écoute ont bien évolué en un demi-siècle. Le matériel utilisé, en 1972, était des micros, qu'on avait à dissimuler. En 2022, il y a des logiciels pour infiltrer les serveurs.

La postérité du Watergate, enquête journalistique, tient au fait qu'il a été le premier scandale politique à faire tomber un président des États-Unis. Du reste, les autres affaires à travers le monde portent depuis le suffixe "gate" : Rubygate pour le scandale impliquant Silvio Berlusconi ou Fillongate en France, ou Partygate au Royaume-Uni. Chez nous, nous avons eu, ces dernières années, le Yerrigadoogate et le Platinumcardgate, deux enquêtes journalistiques, qui ont fait tomber un Attorney General et une présidente de la République.

Pravind Jugnauth nous rappelle Richard Nixon quand il essaie de mentir pour s'en sortir. Dans sa toute première déclaration de presse après la démission de Sherry Singh, il avait dit, avec assurance, qu'il n'avait pas parlé avec Sherry Singh depuis bien longtemps. Or, quand, au Parlement, le leader de l'opposition lui a donné la date et l'heure de l'appel entre l'ancien CEO de Mauritius Telecom et lui (Pravind Jugnauth), le speaker est venu à sa rescousse en inventant des Standing Orders.

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Accusé d'avoir entravé l'action de la justice, Nixon sera contraint de démissionner en août 1974, plus de deux ans après l'éclatement de l'affaire. Nous n'en sommes pas encore là à Maurice. Mais la récente démission du Chief Tecnical Officer de Mauritius Telecom, le jour même où Pravind Jugnauth fait allusion à lui pour se dédouaner à l'Assemblée nationale, vient démontrer que le Sniffing-gate est bien plus complexe qu'on le croyait. Comme dans le Watergate, la conspiration de l'État vient empirer les choses.

Le scandale du Watergate a changé la relation entre le peuple et ses élus. "Les Américains sont passés d'une période où ils faisaient généralement confiance au gouvernement et aux élus, à une période où ils ne leur faisaient plus confiance. Cette dernière n'est jamais vraiment revenue à ce qu'elle était avant le Watergate", souligne le Washington Post. Chez nous, il se confirme que le présent scandale dépasse de loin notre imaginaire et notre compréhension. Le plus tôt l'ancien CTO dira sa vérité, le mieux ce sera pour nous tous.

En attendant, le Premier ministre a intérêt à ne plus se cacher derrière le privilège de l'exécutif pour dire non au Select Committee ou toute autre enquête, autre que celle de sa police. Le Sniffing-gate est devenu bien trop grave pour que la presse et le public le laissent tranquillement mener sa barque, comme si de rien n'était. Nous avons besoin de toute la vérité, rien que la vérité.

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