Afrique de l'Ouest: Une Réponse Régionale Intégrée à la Crise du Sahel

Benoit Thierry, Représentant Régional du Fonds international pour le développement de l'agriculture (FIDA)
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Le conflit actuel entre l'Ukraine et la Russie domine les médias mondiaux au point d'éclipser des crises plus longues qui ne font plus les gros titres, mais qui sévissent toujours. C'est le cas de la crise sahélienne, l'une des plus négligées au monde, où l'extrême pauvreté, les effets dramatiques du changement climatique et la montée des conflits armés sont devenus la norme depuis plus d'une décennie. Une situation exacerbée par l'actuelle pandémie de COVID-19.

La région du Sahel, connue pour ses éleveurs nomades et ses systèmes agricoles résilients, s'étend sur 6000 km à travers une douzaine de pays au sud du désert du Sahara, qui comprennent la Mauritanie, le Burkina Faso, le Mali, le Niger et le Tchad pour une population d'environ 150 millions d'habitants. Ces pays ont en commun une géographie, un climat et un mode de vie similaires, mais ils font partie des pays les plus pauvres du monde, se classant au dernier rang de l'indice de développement humain. Selon l'Agence des Nations unies pour les réfugiés, la région compte aujourd'hui plus de 4,6 millions de personnes qui ont perdu leur foyer, dont 2,7 millions de personnes déplacées à l'intérieur du pays et fuyant les conflits et la sécheresse. Elles n'ont plus de moyens de subsistance et doivent compter sur l'aide humanitaire pour leur survie.

Toutefois, aussi vitale soit-elle, l'aide humanitaire ne peut fournir une solution à long terme. Des réponses plus coordonnées qui s'attaquent aux causes sous-jacentes de la crise sont nécessaires. C'est pourquoi les trois agences des Nations unies spécialisées dans l'alimentation et l'agriculture, à savoir le Fonds international de développement agricole (FIDA), l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) et le Programme alimentaire mondial (PAM), ont uni leurs forces à celles du G5 Sahel, l'organisation régionale créée en 2014 par les cinq pays du Sahel les plus touchés. Ensemble et avec la participation du Sénégal, ils ont lancé un programme de 180 millions de dollars US pour améliorer les moyens de subsistance et les moyens économiques des producteurs ruraux de la région et étendre les activités pilotes réussies. À travers ce dernier, c'est une approche commune qui est mise en œuvre, capitalisant sur le travail de développement rural des décennies passées, notamment dans le soutien aux associations d'agriculteurs et d'éleveurs.

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Au FIDA, nous avons une longue expérience de travail avec les producteurs ruraux de la région, mais jusqu'à présent, nous avions tendance à mettre en œuvre des programmes au niveau national. Actuellement, le FIDA finance 20 programmes et projets dans les pays du G5 Sahel plus le Sénégal pour un total de 1 milliard de dollars.

Avec l'existence des organisations régionales du Sahel, nous pouvons désormais concentrer nos efforts au niveau régional, sachant que de nombreuses questions dépassent les frontières nationales, et travailler en partenariat avec tous les gouvernements et agences internationales concernés et faire jouer les synergies entre les pays du Sahel.

Ceci au profit des plus pauvres, ce qui est l'objectif du programme conjoint Sahel, appelé Programme Régional Conjoint Sahel en réponse aux défis de la COVID-19, des conflits et du changement climatique (SD3C). Outre le financement, le FIDA apporte sa longue expérience dans la mise en œuvre de projets agricoles au niveau local, la FAO ses connaissances approfondies et ses recherches en matière d'agriculture, et le PAM son expertise dans les zones de conflits et les situations d'urgence.

On estime que 25 millions de personnes dans le Sahel sont des pasteurs nomades qui ont de plus en plus de mal à trouver des zones de pâturage pour leurs troupeaux de bétail en raison des effets du changement climatique. Comme ils étendent les zones de pâturage aux terres agricoles, les conflits avec les agriculteurs sédentaires se multiplient, entraînant une baisse de la production alimentaire, alors que dans le même temps la population augmente. Selon les prévisions des Nations unies, la population du Sahel devrait plus que doubler pour atteindre 330 millions de personnes d'ici 2050. Comment vont-ils se nourrir si la question de la production et de la productivité alimentaire n'est pas abordée aujourd'hui par des investissements agricoles et une planification adéquate ?

Le programme vise donc à augmenter la production alimentaire et les rendements grâce à des pratiques agricoles résilientes au climat, un aspect essentiel dans une région où l'on estime que 80 % de l'agriculture sera affectée par le changement climatique. Les experts climatiques prévoient que les températures dans la région, qui atteignent actuellement une moyenne de 35 degrés Celsius, augmenteront d'au moins 3 degrés d'ici 2025. Il est, ainsi, d'autant plus urgent de mettre en œuvre des mesures de résilience climatique.

Au-delà de la question clé de l'agriculture, le programme se concentre également sur la promotion du commerce et des transactions transfrontalières et sur la consolidation de la paix au niveau communautaire. Les femmes, qui ont généralement un accès limité à la terre et au financement, représentent jusqu'à 50 % des participants au programme. Environ 40 % sont des jeunes, qui sont confrontés à des taux de chômage élevés et reçoivent une aide pour lancer des activités productives afin de créer des emplois et de générer des revenus décents. Les personnes sans terre et les pasteurs transhumants en bénéficient également. La stratégie globale est conçue pour répondre aux défis de l'urgence, du développement et de la paix suivant une approche d'intervention rapide basée sur la mise à l'échelle de réponses et d'approches déjà testées. Mis en œuvre depuis 2021, le programme se poursuivra jusqu'en 2027 et s'étendra à d'autres pays.

 

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