Ile Maurice: Aliments - Ces pays qui peuvent nous approvisionner à moins cher

Des sacs de blé importés.

D'ici août, la State Trading Corporation (STC) fera partie d'une mission de prospection en Iran, organisée par l'Economic Development Board (EDB). Objectif : explorer les options pour l'importation des aliments. En effet, ceux agrémentant notre marché actuel sont des plus coûteux. Quels pays peuvent nous fournir en nourriture à moins cher ? Et pour quels produits ? Ces nouvelles options réduirontelles nos coûts d'importations ? Explications.

Maurice dépend foncièrement des importations alimentaires. Au premier trimestre de 2022, ces transactions pour la nourriture et les animaux ont augmenté de 27,3 % comparées à la même période en 2021. Et rien qu'en 2020, le coût des importations de nourriture et d'animaux se chiffrait à Rs 36 millions. Puisque les denrées alimentaires sont majorées depuis la pandémie, l'appréciation des devises étrangères, les hausses du fret et maintenant la crise alimentaire face à la guerre opposant l'Ukraine et la Russie, il est urgent de trouver des pays producteurs comme alternative pour nous approvisionner en aliments.

C'est donc dans cette lignée que la STC songe à prospecter l'Iran d'ici quelques semaines. "Pour le moment, nous nous focaliserons sur les produits que la STC recherche tels que le lait en poudre, l'huile comestible, éventuellement le blé ainsi que la farine. Ce sont des aliments que l'Iran exporte. Ces derniers ne tombent pas sous le coup de l'embargo sur l'Iran. Donc, nous allons nous restreindre à ces produits-là", déclare Rajiv Servansingh, directeur général de la STC. Cette instance fera partie de la délégation de l'EDB qui organise une mission de prospection en Iran très prochainement. Selon lui, la STC est dans un exercice de recherche de nouvelles sources pour déterminer si on peut s'approvisionner à meilleur marché. Outre l'Iran, cet organisme évoque d'autres options telles que Madagascar où des démarches sont déjà entamées pour l'importation de gros pois.

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Pays de la région

Récemment, rappellet- il, un employé de la STC s'est rendu en Tanzanie mais cela n'a pas été très "fructueux ". "Nous sommes donc à la recherche permanente d'autres sources d'approvisionnement. Dans la mesure du possible où cela peut se faire sur une base régionale, nous allons essayer de promouvoir ce commerce", ajoute-t-il.

Sur ces pays alternatifs, Mosadeq Sahebdin, président de la Consumer Advocacy Platform (CAP), appelle à considérer quelques pistes à explorer. A l'exemple des importateurs parallèles déjà en transaction d'Afrique du Sud, de la Grèce et la Turquie. Selon lui, le marché local est pourvu de beaucoup de produits turcs. Idem pour l'Egypte qui nous approvisionne en huile de soja et de tournesol. Quant à Madagascar, malgré la famine sévissant dans certaines régions, d'autres localités produisent des surplus. À ce titre, la Grande île a suffisamment de riz pour l'exportation sauf qu'il ne s'agit pas de basmati. "Bien sûr, ce sont les citoyens qui devront adapter leurs habitudes de consommation", confie-t-il.

Concédant le fait que ce serait une bonne idée de cibler les pays dont les produits seraient moins chers pour notre approvisionnement alimentaire, Claude Canabady, secrétaire général de la Consumers' Eye Association (CEA), estime qu'il doute de la faisabilité face à la forte augmentation du coût du fret. "L'Inde et la Chine restent les deux pays dont les produits coûtent moins cher mais ce qui monte inexorablement est le Cost, Insurance, Freight (CIF). Et ces frais sont couplés à des taxes d'entrée au pays et mènent à des coûts faramineux. Quand les prix augmentent, il y a très peu de chances qu'ils baissent par la suite. Comme exemple, le fameux dholl puri est arrivé à Rs 20", indique-t-il.

Néanmoins, il faut cibler les nations les plus proches de nous géographiquement, prenant en considération le prix moins cher du fret. "Je pense notamment à Madagascar pour les grains secs, les épices et l'huile. Pourquoi pas le Mozambique pour le manioc, le riz, le maïs, etc.?" précise Claude Canabady. Selon lui, la production locale doit être encouragée et non seulement en termes de petites et moyennes entreprises ou de plantation des fruits et légumes.

Pour sa part, Raj Ramrachia, homme d'affaires mauricien installé en Afrique du Sud, souligne que ce pays est une bonne alternative d'approvisionnement. En effet, dit-il, cette nation exporte déjà divers aliments vers Maurice tels que des fruits, des noix, du maïs, entre autres. "Mais il existe de nombreuses raisons pour lesquelles nous devrions d'abord penser à importer nos denrées alimentaires d'Afrique du Sud. Premièrement, le rand est bas en termes de taux de change. Deuxièmement, ce pays est très proche de Maurice. Troisièmement, ces pays ont ratifié un traité et font partie de la South African Development Community (SADC) et du Common Market for Eastern and Southern Africa (COMESA)", déclare-t-il.

Qualité

D'autres raisons impliquent le fait que l'Afrique du Sud est un vaste producteur de blé et possède un secteur de production alimentaire bien rodé. Ce pays est aussi un grand exportateur de préparations alimentaires. De plus, l'Afrique du Sud est diversifiée avec des productions variables de grains (excepté le riz), les fruits, le sucre, les agrumes, le vin et la majorité des légumes. Selon lui, la production animale comprend les bovins, porcs, moutons et une industrie de la volaille et des oeufs bien développée ainsi que des produits laitiers. Il mentionne aussi des activités à valeur ajoutée dans l'abattage, la transformation et la conservation de la viande, la transformation et conservation de fruits et légumes, le raffinage du sucre et le cacao, le chocolat et la confiserie entre autres produits alimentaires. Outre ce pays, Maurice a une relation bien établie avec l'Inde, un des plus gros producteurs alimentaires, poursuit Raj Ramrachia. La Grande péninsule reste donc incontournable.

Toutefois, il ne faut pas lésiner sur la qualité en considérant d'autres pays producteurs moins chers, insiste Veemarlaine Veerapen, directeur de J.MVeerapen. "La situation est critique dans plusieurs pays et tout est coûteux. Vers octobre/novembre prochain, nous essaierons de voir auprès de la Chine. Nous n'avons pas encore identifié les produits importables et procédons actuellement à des recherches. Il se peut que des aliments y soient disponibles mais la qualité ne sera pas la même. C'est ce qu'il faut déterminer en priorité. Évidemment, cela peut être moins cher mais si vous les placez dans la cocotte-minute pour six heures et que cela ne cuit pas, cela sera vraiment problématique", avance-t-il. Au final, dit-il, les meilleurs pays fournisseurs de grains secs sont le Canada, l'Australie et l'Inde mais les prix sont vraiment élevés actuellement surtout au niveau de l'expédition.

Un point renchéri par Jean-Marc Sik Yuen, directeur du supermarché Sik Yuen : "Sur l'Iran, ce sera très compliqué au niveau du fret. Tout comme pour l'Europe." Et plus près de nous, si Madagascar arrive à nous approvisionner, ce serait une option intéressante. "Même en Afrique du Sud, il n'y a pas de conteneurs. Depuis deux semaines, j'ai des produits déjà prêts mais nous n'arrivons pas à avoir de conteneurs", affirme-t-il.

Selon Bhavish Jugurnath, expert-comptable et économiste, l'Iran peut surtout nous approvisionner en carburant et gaz. Mais il est en compétition avec la Russie, notamment pour le marché chinois. Et face à la crise alimentaire, les pays producteurs comme l'Inde et l'Afrique imposent des interdictions d'exportations d'aliments. "Pour les grains secs, Maurice peut se tourner vers le Cameroun et le Congo, entre autres. Mais avec le Covid-19, l'Afrique était déjà en crise alimentaire et celle-ci s'est accentuée avec la guerre. On ne peut pas compter sur ces pays. Par contre, le marché asiatique comme l'Inde, la Thaïlande et la Chine peuvent être considérés. Cependant, certains d'entre eux instaurent des restrictions favorisant leur production pour la consommation domestique", déclare-t-il.

Quelle incidence de ces options moins onéreuses sur nos frais d'importations ? Le scepticisme est de mise chez nos interlocuteurs. "Mondialement, sur les six derniers mois, les prix des aliments à l'importation ont eux-mêmes augmenté de 20 à 25 %, et ce, excluant les tarifs de fret", explique l'économiste. Pour lui, on peut diversifier les fournisseurs mais le prix international étant plus élevé, Maurice n'est pas sorti de l'auberge. D'après le rapport de la World Trade Organisation, les trois prochaines années seront très difficiles. Tout comme les prédictions pour des baisses de prix qui semblent ardues.

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