Tunisie: Ezzedine Saïdane, expert économique, à la Presse - "Le rôle de la BCT pendant la crise Covid n'était pas suffisant "

25 Juillet 2022

L'expert économique estime qu'outre la maîtrise de l'inflation, la Banque centrale de Tunisie devrait contribuer au redressement de l'économie, particulièrement en ces temps de crise.

"Nous avons besoin d'une politique volontariste de sauvetage de l'économie avant de basculer dans une situation de défaut ou de rééchelonnement de la dette ", a déclaré, récemment, l'expert économique Ezzedine Saïdane. Intervenant lors d'un webinaire qui a été organisé par Atuge-UK Finance sous le thème " le rôle de la Banque Centrale en temps de crise ", l'économiste n'a pas mâché ses mots pour faire le bilan de la politique monétaire menée par la BCT afin de contenir les répercussions économiques de la pandémie.

Saïdane a, d'abord rappelé que, selon la loi 2016 sur l'indépendance de la Banque centrale, le rôle principal de l'institut d'émission est d'assurer la stabilité des prix. Il a, cependant, souligné que l'objectif de la politique monétaire devrait être non seulement d'assurer la stabilité des prix, mais également de contribuer au redressement d'une économie en crise.

" L'objectif de la politique monétaire n'est pas seulement d'assurer la stabilité des prix, mais aussi d'être au service de l'économie. On ne cherche pas à contrer l'inflation à n'importe quel prix. Si le contrôle de l'inflation va provoquer une crise économique et financière grave, ça ne sert à rien de contrôler l'inflation.

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Si on voit que l'économie va être en situation de surchauffe et que le taux de croissance est beaucoup trop élevé, la Banque centrale a un rôle important à jouer pour essayer de réduire un petit peu les tensions monétaires, particulièrement dans cette économie pour éviter des dérapages inflationnistes importants ", a-t-il indiqué. Et d'ajouter : " La notion d'indépendance de la Banque centrale est une notion très importante mais qui est parfois assez dangereuse ou parfois mal comprise parce que ce qui est visé c'est l'indépendance de la BCT par rapport au gouvernement puisqu'on veut que la BCT fait barrière aux dérapages qui pourraient avoir lieu pour des raisons politiques ou pour des raisons populistes.

Mais, en même temps, la Banque centrale doit être au service de l'économie parce que si la Banque centrale est indépendante de l'exécutif elle n'est pas indépendante de l'Etat. La Banque centrale fait partie de l'Etat, c'est le bras financier de l'Etat ".

Le rôle de conseiller financier du gouvernement

Saïdane a, en ce sens, rappelé qu'outre le contrôle de la politique monétaire, la loi 2016 sur l'indépendance de la BCT confère à la Banque centrale le rôle de conseiller financier du gouvernement. Il est alors du rôle de la BCT de conseiller le gouvernement dans le but d'obvier aux crises et essayer de faire fonctionner l'économie dans les meilleures conditions possibles, en évitant tout type de dérapage, affirme-t-il.

Revenant sur les mesures qui ont été prises par la BCT en guise de riposte à la pandémie du Covid-19, l'expert a estimé que le rôle qui a été joué par la Banque centrale n'était pas suffisant du tout, précisant que les conséquences d'une telle politique se font toujours sentir.

" Il y a eu quelques mesures qui ont été prises, des mesures très timides qui ont mis énormément de temps pour arriver à un stade d'application. Les conséquences aujourd'hui se traduisent par une économie en stagnation puisque si on regarde le taux de croissance réalisé entre 2011 et 2021 on est à un taux de croissance égal à 0. En même temps, on a perdu des entreprises à cause de la crise Covid.

Environ 140 mille entreprises ont fait faillite et plus de 11 mille chefs d'entreprise ont fui le pays pour diverses raisons de type chèques sans provision et autres ", a-t-il ajouté. Saïdane a fait remarquer que cette politique timide de gestion de la crise Covid n'a pas cependant empêché une reprise très importante de l'inflation qui se situe à un taux assez élevé de 8,3%.

Par ailleurs, l'expert a estimé que dans ce contexte difficile, où les agrégats de la Tunisie étaient largement affaiblis même avant la crise Covid, une augmentation du taux directeur va aggraver l'inflation et ne permet pas une reprise vigoureuse de l'économie.

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