Afrique de l'Est: Les embûches au dialogue de paix seront-elles bientôt levées ?

Près de dix-neuf mois après le début du conflit au Tigré, le régime et les rebelles tigréens ont réalisé que le différend qui les oppose ne peut nullement être réglé par les armes. Les deux parties conviennent dorénavant d'ouvrir publiquement la voie à des négociations sous l'égide de l'Union africaine (UA) ou du Kenya, convaincues que les contextes sécuritaire, économique et humanitaire dans le pays leur contraignent au dialogue.

Ayant tous compris qu'une victoire militaire est impossible et que le statu quo n'arrange pas les deux camps, le gouvernement et les rebelles du TPLF (Front de libération du peuple du Tigré) vont indubitablement s'asseoir sur une même table pour trouver une solution durable à la crise qui déchire l'Ethiopie.

En attendant, ni date, ni lieu, ni cadre n'ont été fixés pour ces futurs pourparlers, évoqués pour la première fois mi-juin par le Premier ministre Abiy Ahmed. Cela se justifie au fait que les protagonistes continuent de diverger sur l'identité du futur médiateur : Addis-Abeba ne veut discuter que sous les auspices de l'UA alors que les rebelles exigent une médiation du président kényan, Uhuru Kenyatta.

Malgré cela, les autorités rebelles de la région éthiopienne du Tigré qui, après le gouvernement, ont déjà mis sur pied une équipe de négociateurs pour discuter de la paix, assurent qu'ils sont favorables aux négociations. " Nous sommes prêts à envoyer une délégation à Nairobi (...) et avons formé une équipe composée de membres de haut rang ", a déclaré Getachew Reda, un porte-parole des rebelles, sans autre détail sur l'identité desdits membres. " Il serait totalement irresponsable pour nous de laisser tout le processus de négociations à l'UA ", a-t-il poursuivi, répétant que toute discussion devrait impliquer l'actuel chef de l'Etat kenyan qui est très actif ces derniers mois dans les efforts de paix.

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Le Premier ministre éthiopien, Abiy Ahmed veut que l'organisation panafricaine supervise seule les discussions inter éthiopiennes, une option écartée par les rebelles du TPLF, - parti qui dirigea l'Ethiopie durant près de trois décennies jusqu'en 2018 - qui dénoncent " la proximité " du médiateur de l'UA, le Nigérian Olusegun Obasanjo, avec le Premier ministre éthiopien et veulent que le chef de l'Etat kényan " héberge et facilite " les négociations.

Pékin disposé à fournir sa médiation

Hors d'Afrique, la Chine propose aussi sa médiation pour le règlement des " différends " dans la Corne de l'Afrique. " Je suis prêt à fournir une médiation aux règlements pacifiques des différends, sur la base de la volonté des pays de cette région ", a déclaré l'envoyé spécial pour la Corne de l'Afrique, Xue Bing, dont la nomination en février a montré la détermination de Pékin à s'impliquer diplomatiquement dans cette région en proie à divers conflits, en Ethiopie, Somalie et Soudan du Sud notamment. Il s'exprimait en juin dernier lors d'une conférence avec les pays de la Corne de l'Afrique.

Pour Ben Hunter, analyste Afrique de l'Est au cabinet d'analyses de risques Verisk Maplecroft, le processus de négociations qui va être enclenché est " le résultat de longs mois d'impasse n'ayant laissé aux deux parties aucune option satisfaisante ". En témoigne le fait que le pouvoir subit depuis quelque temps d'intenses pressions diplomatiques, notamment des États-Unis à l'heure où l'économie éthiopienne souffre et où une grave crise alimentaire, causée par l'une des pires sécheresses de l'histoire, rend vitale l'aide internationale. Notons aussi l'inflation qui persiste après avoir battu des records en mai dernier (37,2%, et 43,9% pour les seuls produits alimentaires), tandis que les réserves en devises fondent.

Au Tigré, la situation humanitaire catastrophique " rend à elle seule le statu quo non viable ", indique Awet Weldemichael, expert de la Corne de l'Afrique à la Queen's University (Canada), ajoutant que " la guerre est au cœur du désastre économique actuel ". Du fait de cette situation, signale-t-il, " beaucoup de partenaires internationaux (...) hésitent à injecter les devises, dont le pays a besoin, dans une économie ravagée par la guerre ".

Depuis une trêve fin mars, les combats ont quasiment cessé au Tigré, dont les rebelles ont repris courant 2021 le contrôle de l'essentiel du territoire. Mais la situation humanitaire est toujours catastrophique dans la région, enclavée et privée de nombreux services essentiels (électricité, télécommunications, banques, carburant). Le conflit a fait de nombreux morts et plongé le Tigré au bord de la famine.

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