Afrique: Tournée africaine de Sergei Lavrov - Quand les intérêts guident les pas des Russes

25 Juillet 2022
analyse

Du Caire, en Egypte, où il a entamé une tournée africaine le 24 juillet dernier, le chef de la diplomatie russe, Sergeï Lavrov, s'est rendu au Congo où il était, le 25 juillet dernier, l'hôte du président Denis Sassou Nguesso. Un choix qui est loin d'être un effet de hasard quand on sait que depuis le début du conflit russo-ukrainien, Brazzaville brille par une position de neutralité qui ne saurait laisser Moscou indifférente.

Ainsi en va-t-il de l'Ethiopie et de l'Ouganda, les prochaines étapes du missi dominici du puissant locataire du Kremlin. Des axes avec lesquels Moscou entend renforcer sa coopération après ce qui a été vécu par Addis-Abeba et Kampala, comme une mise en quarantaine par les Occidentaux.

En effet, après l'éclatement de la guerre du Tigré en Ethiopie, Addis-Abeba s'est vu suspendre son soutien budgétaire par l'Union européenne au moment où les Américains procédaient à un gel de leur accord commercial. La même frustration a été vécue par Kampala qui a été prise en grippe par les mêmes Occidentaux pour des raisons de violations présumées de droits de l'Homme.

Cette tournée africaine du chef de la diplomatie russe est une visite de raison

De là à voir dans l'offensive diplomatique de Moscou, une volonté d'occupation du terrain africain en cette période de confrontation politique et diplomatique avec l'Occident par Ukraine interposée, il y a un pas que d'aucuns n'auraient pas du mal à franchir.

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C'est dire si cette tournée africaine du chef de la diplomatie russe est une visite de raison, au moment où la rivalité semble plus que jamais engagée entre la Russie et certaines puissances occidentales sur le terrain. Mieux, on peut dire qu'à l'instar des autres grandes puissances, ce sont les intérêts qui guident les pas de l'Ours russe en Afrique.

Ce n'est certainement pas pour rien que dès l'entame de son périple au Pays des pharaons, le diplomate russe a tenu à rassurer ses partenaires africains quant aux risques d'insécurité alimentaire en lien avec la guerre en Ukraine et les difficultés d'exportation des céréales. Un accord ayant été trouvé la veille en Turquie, sous l'égide des Nations unies.

Quand on sait que l'Occident n'a jamais manqué l'occasion d'en rejeter la responsabilité sur la Russie, on peut se demander si, en plus de la recherche de soutiens, Sergei Lavrov ne tente pas de polir l'image de son pays à la face du continent africain qui subit durement les affres de cette guerre si loin mais si proche, et dont il a besoin d'en faire un partenaire de choix.

Mais si Lavrov a donné des gages, encore faudrait-il, pour lui, pouvoir joindre l'acte à la parole. Car, si l'accord d'Istanbul, en Turquie, " sur le transport sécurisé de céréales et de denrées alimentaires depuis les ports ukrainiens " où elles étaient bloquées depuis des mois, a fait naître l'espoir, reste que le bombardement par l'aviation russe, d'un des principaux ports ukrainiens d'exportation de ces marchandises, alors même que l'encre de signature n'avait pas encore séché sur le papier, n'a pas de quoi rassurer les Africains.

L'Afrique est aujourd'hui devenue un champ de compétition pour les grandes puissances

C'est pourquoi l'on peut se demander si, au-delà des questions de coopération bilatérale, Brazzaville sera l'occasion pour le président congolais, de réintroduire le plaidoyer de l'Afrique en faveur de facilités d'approvisionnement du continent et d'une solution négociée du conflit russo-ukrainien dont les conséquences pèsent lourdement sur les économies africaines en termes de renchérissement des coûts de produits de première nécessité comme les hydrocarbures et les céréales.

L'histoire le dira. En attendant, de Brazzaville à Kampala en passant par Addis-Abeba, l'on peut s'interroger sur les retombées de cette visite du diplomate russe, pour les populations des pays visités.

En effet, c'est de cela qu'il devrait s'agir en premier, dans le fond. Car, s'il est de notoriété publique que ce sont principalement les intérêts qui guident les pas des grandes puissances, il serait incompréhensible que plus de soixante ans après les indépendances, il continue d'en être autrement pour le continent noir que d'aucuns présentent comme le continent de l'avenir, en raison de ses nombreuses potentialités et de ses immenses richesses.

En tout état de cause, si l'Afrique est aujourd'hui devenue ce champ de compétition pour les grandes puissances, c'est qu'elle présente de véritables enjeux en termes d'intérêts géostratégiques. Mais encore faudrait-il que cette belle demoiselle au charme si attrayant, et qui attise tant de convoitises, soit consciente de ses atouts et puisse les mettre dans la balance en prenant les bonnes décisions qui fassent son bonheur et celui de ses populations. Cela est de la responsabilité des dirigeants africains.

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