Au Burundi, une nouvelle politique salariale dite équitable va être appliquée dès la fin de ce mois. Un montant de 60 milliards de dollars américains, étalé sur 10 ans, est prévu pour sa mise en œuvre. Très attendue, les concernés disent néanmoins qu'elle n'est pas consensuelle.
Au début de ce mois de juillet, une retraite a été organisée, à Gitega, capitale politique du Burundi, au centre du pays. Et ce, pour expliquer la mise en œuvre de la politique salariale « équitable » dans le secteur public burundais. « Cette réforme concerne tout le personnel rémunéré sur le budget général de l'État, y compris les paraétatiques », a bien précisé Dr Thaddée Ndikumana, ministre burundais de la fonction publique, du travail et de l'emploi.
"L'ancienneté et l'avancement de grades'', sont deux critères sur lesquels tiendra compte le déblocage administratif. Il a indiqué qu'il existe des notes de cotation conservées depuis 2016, année durant laquelle on a gelé les annales.
D'après M. Ndikumana, l'objectif de cette politique est de résoudre certaines disparités salariales liées à l'existence d'avantages indiciaires donnés à certaines catégories de fonctionnaires dès le recrutement, aux cas des administrations personnalisées de l'État, à une multiplicité de primes et indemnités accordées de façon catégorielle, etc.
Pour être mise en application, elle repose, selon le ministre, sur la politique de gestion des performances ( la part-performance) dans le secteur public et sur la classification des emplois, des fonctions et des métiers.
Une politique qui ne fait pas l'unanimité
Côté enseignants, cette nouvelle politique était très attendue. « Oui. C'est une bonne chose. Mais, on n'en connaît presque rien de son contenu », réagit Nestor Nyabenda, un enseignant au centre du pays. Il espère qu'il y aura un léger mieux sur leurs salaires jugés les plus bas par rapport aux autres fonctionnaires de l'État.
Insistant sur la part-performance instituée par cette nouvelle politique salariale, El Hadj Haruna Nkunduwiga, un autre enseignant dans la ville de Bujumbura, trouve que cette politique ne tient pas compte des classes pléthoriques dans le pays. « Nous avons dans nos classes jusqu'en terminales du secondaire plus de 100 élèves dans une classe. Comment espérer avoir la même note, le même rendement avec celui qui tient une classe de 30 élèves avec du matériel insuffisant ? »
Pour lui, cette politique cache quelque part un non-dit. Il estime que cette réforme devrait tenir compte de la cherté du coût de la vie. « Si vous progressez de 2 à 3% annuellement et que la dévaluation de la monnaie est à 8% ou alors que le coût d'1 kg de haricot qui était à 1500BIF coûte 3000BIF, vous comprenez que cette politique n'est pas pour rendre facile ou heureuse la vie d'un enseignant », décrypte-t-il.
M. Nkunduwiga trouve que cette nouvelle politique ignore les anciennes indemnités familiales, de déplacement, de logement … que recevaient les enseignants.
La COSYBU s'inquiète aussi
Censée être bien accueillie par tous les fonctionnaires de l'État, mais, ces derniers relèvent des manquements.
« Une politique salariale qui a été négociée par les enseignants, et aujourd'hui, on veut la coller sur l'ensemble des fonctionnaires et même au niveau du secteur parapublic qui n'en connaît rien. C'est incompréhensible », réagit Mélance Hakizimana, vice-président de la Confédération des syndicats du Burundi (Cosybu).
Selon lui, cette politique devait d'abord passer au niveau du Comité national du travail. « Le droit du travail est un droit conventionnel », rappelle-t-il, déplorant d'ailleurs qu'aucun membre, aucun travailleur ou employeur du secteur parapublic n'a participé dans l'élaboration de cette nouvelle politique.
Selon ce syndicaliste, à voir comment les cotations, les affectations sont faites surtout sur la base des critères politiques, ce texte ne colle pas avec le contexte burundais. « Je ne suis pas contre la mise en place d'une nouvelle politique salariale. Qu'elle soit bonne ou pas, on devait d'abord l'expliquer aux concernés avant sa mise en application. Les uns et les autres devaient émettre des observations », note-t-il, indiquant que sans ces séances d'explications, '' ça serait un forcing''.
La mise en application de cette nouvelle politique salariale implique la révision du statut général des fonctionnaires. Ce qui a été fait mi-juin par le conseil des ministres. Et là, Mélance Hakizimana revient surtout sur l'âge de la retraite qui a été revue désormais à 60 ans pour tous les fonctionnaires de l'État.
« C'est une décision unilatérale. Car, que ça soit dans la magistrature, que ça soit dans l'éducation ou la santé, l'âge de la retraite était fixé à 65 ans. Et ça a été négocié. Ça se trouve dans des accords. Et voilà, le gouvernement décide de le revoir en baisse sans le consensus des parties. C'est un forcing pur et simple », se désole-t-il, soulignant d'ailleurs que beaucoup de fonctionnaires vivaient de crédits bancaires : « Comment vont-ils s'arranger pour honorer leurs engagements auprès des banques ? »
En même temps président national du Syndicat national du personnel paramédical et d'appui et de la santé publique (Synapa), M.Hakizimana, vice-président de la COSYBU estime que cette politique devrait être renégociée dans l'intérêt de tous.
Selon un décompte réalisé par le gouvernement en 2020, l'effectif des fonctionnaires était de 129.287.
Pour rappel, en 2015 le gouvernement burundais a décidé d'octroyer une indemnité d'ajustement salarial pour les fonctionnaires qui avaient un revenu bas, notamment les enseignants pour une période de quatre ans, de 2016 à 2019.
Au cours de cette période, les annales étaient gelées. Et il avait promis qu'en 2020, la politique salariale sera mise en place et les annales débloquées. Un rendez-vous qui n'a pas été finalement respecté. Une 5ème tranche de l'indemnité d'ajustement salariale a été accordée. Mais, les annales ont continué à être gelées.
Dr Thaddée Ndikumana, ministre de la fonction publique, du travail et de l'emploi, de préciser que les annales ne reviendront pas avec cette nouvelle politique salariale.