Cameroun: La banalisation de l'exceptionnel à YAOUNDE

27 Juillet 2022

Entre les "casses Macron", le lifting de certains axes routiers de la capitale et les contraintes sécuritaires, les actes et actions des autorités ont rapidement trouvé matière à dérision. Du "Carrefour Tongolo" au lieu-dit "Montée Noah", l'artère présente fière allure. La chaussée a été refaite, les caniveaux curés, les accotements de la route débarrassés de quelques "encombrements" tels : étals de commerce, constructions en matériaux provisoires, immondices habituelles...etc. Avec, au passage, des larmes de citoyens habitant ce quartier de la capitale qui disent n'avoir pas été prévenues.

Et ce qu'on appelle désormais là-bas "les casses Macron", ne contribuera certainement pas à la chaleur de l'accueil de l'illustre hôte qui doit rencontrer ses compatriotes au "village Noah", un complexe touristique et culturel bâti par l'ancien vainqueur de Roland Garros.

En l'absence de toute communication officielle de la mairie de la ville de Yaoundé sur la question, une source indique informellement que ces travaux "étaient déjà prévus, la visite du président Macron a simplement accéléré le processus", comme pour se donner bonne conscience et dédouaner les adeptes du saupoudrage et de la précipitation.

Pourtant, dans quelques semaines, cet endroit retrouvera son visage habituel, à l'instar d'un axe routier au quartier Emombo rapidement bricolé à l'occasion du séjour du président italien Sergio Mattarella en mars 2016. L'itinéraire qu'empruntera Emmanuel Macron a donc été balisé depuis l'aéroport de Nsimalen.

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Peut-être à la satisfaction de nombreux automobiliste qui n'auront plus, momentanément, à zigzaguer pour éviter les nids de poule. Sûrement au bonheur visuel des officiels français qui emprunteront ces axes aux façades relookées à coups de chaux. Assurément pas pour tous ceux qui s'aventureront derrière l'écran qui fait illusion. Il n'est pas jusqu'au communiqué du maire de la ville pour en rajouter : Luc Messi Atangana appelle les populations de Yaoundé à une "mobilisation massive [qui] se fera le long des itinéraires présidentiels et des différentes étapes de la visite".

Comme pour conjurer le sentiment d'indifférence et la grogne de ses administrés qui auront mal à leur mobilité durant tout le séjour d'Emmanuel Macron à Yaoundé : des artères de la capitale seront fermées à la circulation et les services publics logés dans les immeubles jouxtant l'hôtel Hilton, lieu de résidence d'Emmanuel Macron, mis en congé pour 48 heures. Sécurité oblige.

Comme encore, pour créer un écran de fumée entre Macron et ceux des Camerounais qui ont encore en mémoire ses échanges publics avec deux activistes de la diaspora ; des échanges au cours desquels il a eu des propos ayant irrité plus d'un compatriote, et justifié la sortie ferme du porte-parole du gouvernement René Emmanuel Sadi. Ajouté à cela l'audace malienne qui donne des ailes d'impertinence à plus d'un Africain, et la russophilie contagieuse favorisée par la guerre en Ukraine, qui ne sont pas actuellement pour favoriser une empathie particulière pour la France.

Si la légendaire hospitalité camerounaise n'est plus à démontrer, certaines opérations ont du mal à être digérées. Dans la population de Yaoundé et les réseaux sociaux, nombreux sont ceux qui les tournent en dérision, et tout en ironie, en se disant que le président français devrait régulièrement séjourner dans la capitale camerounaise afin que celle-ci soit dans un make-up permanent.

Même sentiment dans le Rassemblement démocratique du Peuple camerounais, où "l'on danse plus qu'on ne pense" selon son président national Paul Biya en personne : 10 millions de francs CFA décaissés, selon une note interne du trésorier national du parti politique au pouvoir qui a "fuité", pour la mobilisation des militants.

Pourtant, une visite officielle, de travail ou d'Etat d'un signataire étranger de ce rang est toujours un moment exceptionnel qui n'est pas un fait banal dans les Relations internationales. Tout comme les rituels d'accueil des étrangers font partie de notre culture depuis nos cellules familiales et nos villages.

Mais la modernité, et sa tendance à l'universalisme des usages et pratiques diluent progressivement nos identités. De toute façon, Emmanuel Macron, à travers ses services spécialisés, s'est déjà imprégné de ces marqueurs. Et en se rendant à Cotonou et Bissau, il comprendra pourquoi le Cameroun c'est le Cameroun, et Yaoundé.

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