Presqu’une semaine après le lancement de la campagne de vaccination contre la fièvre de la vallée du Rift, le ministère de l’Intérieur a annoncé, ce mercredi, que la reprise de l’abattage du bétail est pour bientôt. Une bonne nouvelle pour la population et le responsable du principal abattoir du pays.
Une information très attendue est finalement tombée : « L’abattage des bovins et petits ruminants reprend mercredi de la semaine prochaine, le 3 août 2022, dans tout le pays », a déclaré Martin Niteretse, secrétaire permanent au ministère de l’Intérieur, de la sécurité publique et du développement communautaire, lors d’une réunion avec les gouverneurs de provinces, les commissaires provinciaux et les cadres du ministère de l’élevage.
Et pour éviter l’abattage des animaux atteints de la fièvre de la vallée du Rift, des précautions ont été prises. M.Niteretse a précisé que les vaches, les moutons et chèvres à abattre doivent passer sept jours en quarantaine et être examinés.
« C’est de là qu’ils seront acheminés au principal abattoir de Bujumbura ou autres secondaires sous escorte de la police et avec un document du gouverneur attestant qu’ils sont sains », a-t-il souligné, notant que les habituels marchés de vaches, chèvres et moutons restent fermés jusqu’à nouvel ordre. Mis à part cette escorte vers la ville de Bujumbura, il a interdit toute circulation de bétail d’une province ou d’une commune à une autre.
Ainsi, plusieurs sites de mise en quarantaine ont été identifiés. La liste a été rendue publique pour éviter des tricheries.
« Nous recommandons à l’administration tant provinciale que communale de collaborer avec les bouchers. Seuls les animaux issus de sites de quarantaine vont être abattus », a-t-il insisté, tout en l’invitant à veiller à ce que des animaux malades ou manifestant les signes de la fièvre de la vallée du Rift ne soient introduits dans les sites de quarantaine pour ne pas contaminer les autres.
Pour les animaux importés, les sites de quarantaine seront installés juste à la frontière, aux points d’entrée. « Et ce, avant d’être acheminés vers les abattoirs », a-t-il mentionné, mettant en garde contre tous les tricheurs : « Les animaux qui seront attrapés en dehors du circuit officiel seront brûlés et les propriétaires seront punis conformément à la loi. »
Au Burundi, beaucoup de vaches sont importés souvent de la Tanzanie pour satisfaire la demande intérieure en viande.
Un rendez-vous tant attendu
« C’est vraiment une bonne nouvelle, une bonne décision. Ces derniers temps, je suis toujours en conflit avec mes enfants. Ils me demandent souvent de la viande. Et les poissons coûtent chers. Je pense que d’ici mercredi, on émettra encore sur les mêmes ondes », confie Anita Kimana, une maman de Buyenzi, un quartier populaire de Bujumbura.
Et pour des raisons religieuses, elle et sa famille ne consomment pas la viande de porc qui s’est substitué aux vaches, chèvres et moutons dans cette période de fièvre de la vallée du Rift.
Cette mère de quatre enfants dit que le gouvernement avait pris un retard pour lever cette interdiction. « Lors de notre fête du mouton, nous avons eu une autorisation d’abattre. Et personne n’est tombé malade après. Qu’on nous laisse alors revoir la viande dans nos assiettes », plaide-t-elle, espérant que cette décision sera irréversible.
Issa, un homme du quartier Rohero ne cache pas aussi sa satisfaction. « Vraiment, c’était très difficile. Les gens avaient déjà déserté les bars, le soir. Car, pour se sentir à l’aise, il faut qu’une bouteille d’Amstel ou de Primus soit accompagnée d’une brochette. En tout, cette décision était très attendue », réagit-t-il.
Sourire aux lèvres, il espère reconstituer son équipe avec qui il partageait le verre le soir avant la venue de la fièvre de la vallée du Rift.
Prosper, un tenancier d’un bar à l’avenue Moso, zone Rohero, commune Mukaza, au centre de Bujumbura, abonde dans le même sens. « En tout cas, si on autorise l’abattage du bétail, sûrement que notre business va reprendre. On était au point de fermer », confie-t-il.
D’après lui, suite au manque des brochettes, et d’autres amuse-gueules à base de la viande et d’autres ingrédients, il n’y avait plus de clients. « Avant la fièvre de la vallée du Rift, je pouvais vendre dix caisses d’Amstel, 20 caisses de Primus, … par jour. Mais, aujourd’hui, c’était très difficile de terminer trois caisses. Les pertes sont énormes suite à cette maladie. »
Ce propriétaire d’un bar indique qu’il ne reste que quelques hommes à fréquenter son bar. « En fait, les femmes, les jeunes filles venaient souvent pour manger des brochettes, des ragouts, etc. Car, elles ne sont pas portées à l’alcool. »
D’ailleurs, les bouchers étaient déjà partis en chômages.
Aux abattoirs, on jubile aussi
« Cette annonce a été accueillie avec un sentiment de soulagement et de satisfaction. Il faut ici remercier le ministre de l’intérieur qui a pris la situation en main et qui va permettre la relance des activités car tout était paralysé dans ce secteur agroalimentaire de notre économie », réagit Hubert Mbabazi, directeur général du principal abattoir du pays, sis à Kigobe, au nord de Bujumbura. Il avoue que l’arrêt des activités avait affecté beaucoup de monde.
Il parle ici principalement des commerçants de bétail, les transporteurs, les bouchers détaillants sur les marchés, ceux qui font la restauration, les propriétaires des débits de boissons dans les différents quartiers de la ville et les tanneries.
« Il y a également et surtout les consommateurs au bout de la chaine qui vont sûrement être soulagés. Ils n’avaient d'autres choix que la viande de porc. Or, ce n’est pas tout le monde qui prend ce genre de viande pour différentes raisons », ajoute-t-il.
Avec cette décision du ministère de l’Intérieur, il pense déjà à rappeler le personnel qui avait été envoyé en chômage technique pour une durée indéterminée.
« Il y a 35 personnes qui sont employées directement par l’entreprise et 74 autres travaillant pour nos clients », précise-t-il, notant que les recettes sur les frais d’abattage avaient diminué déjà de plus de 80%.
Selon M.Mbabazi, avant cette maladie, au moins 50 bovins par jour et 150 petits ruminants étaient abattus à cet abattoir.
Avec l’arrêt des activités, il souligne que gouvernement enregistrait quotidiennement un manque à gagner important en termes de taxes, impôts non perçus, taxes communales, taxes sur les marchés, etc.
Pour rappel, la campagne de vaccination contre la fièvre de la vallée du Rift a débuté, le 21 juillet, à Ngozi, au nord du pays. Selon les données de la direction générale de l’élevage, jusqu’au 27 juillet, seuls 100 mille doses de vaccin étaient disponibles tandis que 195 mille doses sont attendus ce vendredi, 29 juillet.
Une autre quantité de 505 mille doses sont en cours d’importation d’après la même source, afin de pouvoir étendre cette campagne sur tout le pays.
En attendant, précise cette direction, seules les provinces plus affectées par cette maladie sont prioritaires. Il s’agit de Ngozi (Nord), Karusi (Centre-est), Muyinga (Nord-est), Kayanza (Nord), Kirundo (Nord), Cibitoke (Ouest) et Makamba ( Sud).
Et jusqu’au 25 juillet, 1131 vaches étaient déjà vaccinées à Ngozi et Karusi.
Au Burundi, le nombre des vaches est estimé à plus de 700 mille têtes.