Cameroun: Présidence de le République - Franck Biya davantage positionné pour 2025

29 Juillet 2022

A travers un mouvement idéologique qui créé de vifs débats, le fils du chef de l'Etat est présenté depuis de longs mois comme un des candidats potentiels à la succession à la présidence de la République. La rencontre n'a pas fait beaucoup d'échos au sein de l'opinion publique. Et pour cause, elle a eu lieu dans les coulisses du Palais présidentiel. Lors de sa visite officielle à Yaoundé, le président français a eu une entrevue inédite le 26 juillet 2022. Emmanuel Macron s'est entretenu quelques instants avec Franck Emmanuel Biya, le fils du président camerounais, avec qui il était en tête-à-tête quelques heures plutôt. C'est Paul Biya lui-même qui a fait les présentations.

Sur des images qui ont fuité de ce moment, on peut voir le président français serrer fermement la main à Franck Biya, de manière conviviale, sous le regard attentif du président camerounais. De toute évidence, cette rencontre n'est pas fortuite, au regard du contexte politique actuel au Cameroun qui est de plus en plus dominé par la préoccupation sur le départ de Paul Biya du pouvoir.

Le sujet a d'ailleurs été évoqué lors de la conférence de presse conjointe des deux présidents, après leur tête-à-tête à Etoudi. Répondant à une question de journaliste à ce propos, le chef d'Etat camerounais a dit attendre la fin de son mandat avant de se prononcer. " Comme vous le savez, le Cameroun est dirigé conformément à sa Constitution.

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D'après cette Constitution, le mandat que je mène, a une durée de sept ans. Essayez de faire la soustraction (... ) et vous saurez combien de temps il me reste à diriger le pays. Mais autrement, ce sera su. Quand ce mandat arrivera à expiration, vous serez informée si je reste ou si je m'en vais au village ", a déclaré Paul Biya. Une fois de plus, il a décidé de laisser dans l'expectative les Camerounais et les dirigeants des pays partenaires comme la France. Cela n'empêche que certains questionnements persistent, notamment celui de savoir " qui pour succéder à Biya ".

Des " Franckistes " déterminés

Alors que des observateurs de la scène politique nationale se perdent en conjectures, certains ont déjà une idée bien ancrée sur une personne. Et c'est sur Franck Biya qu'ils semblent avoir porté leur choix. Pour véhiculer cette idée, ceux qui la soutiennent s'appuient sur un courant idéologique dénommé " Mouvement des Franckistes pour la paix et l'unité du Cameroun ".

Lancé depuis quelques années, il est destiné à faire du fils du président son dauphin, ou tout du moins son successeur. Il est clairement question de soutenir l'idée d'une candidature de Franck Biya à la prochaine élection présidentielle prévue en 2025. Après avoir lancé le processus de légalisation du mouvement en février 2021, ses précurseurs sont à la manœuvre d'une vaste campagne pour susciter l'adhésion des Camerounais.

Bien entendu, cela suscite l'émoi au sein de l'opinion, d'autant plus que la succession du président semble tabou dans certains cercles politiques et de la haute administration. Les Franckistes ne sont pas bien vus pour bon nombre de personnalités et d'organisations socio-politiques. L'opposition, par exemple, fait feu de tout bois et condamne déjà l'idée d'une passation de pouvoir " de gré à gré ". Ici et là, les réactions négatives fusent, estimant que le Cameroun n'est pas une monarchie où la succession au pouvoir se fait par la lignée.

Malgré ces réticences et ces attaques auxquelles il fait face, le Mouvement des Franckistes n'en a que cure. Et même si l'on a observé en fin d'année dernière, une légère scission en son sein, le mouvement semble avoir bien lancé sa structuration et plus déterminé que jamais à atteindre son objectif. Pour preuve : les réunions se multiplient, aussi bien au Cameroun qu'à l'extérieur ; les communications dans les réseaux sociaux et les médias augmentent à un rythme exponentiel ; les actions publiques aussi font florès...

Mutisme, mais " testing "

Pourtant, le principal concerné refuse jusqu'à présent de se prononcer publiquement sur un éventuel désir d'avenir politique. L'homme de 51 ans semble plus préoccupé par les affaires que tout autre chose. Franck Biya refuse même de se prononcer sur ceux qui chantent son nom, en longueur de journée. Officiellement, il n'a jamais ni mandaté, ni désavoué les initiateurs du mouvement. Les Franckistes, de leur côté, affirment n'avoir jamais rencontré leur " leader ", ni même être approchés.

Pour certains, cette attitude est tout simplement la méthode bien connue du " testing ", une façon de tester l'opinion. L'idée globale est celle d'un ballon d'essai : quelqu'un veut se présenter à une élection, que ce soit au sein d'une organisation ou dans des affaires publiques, fait crier son nom par d'autres personnes pour prendre le pool de l'opinion et décider de la voie finale à emprunter.

Cette tactique se fait généralement par le concerné lui-même ou ses proches. Le cas de Franck Biya se rapprocherait d'ailleurs d'autres en Afrique, notamment au Gabon, au Togo, ou encore en Guinée Equatoriale... Des faits récents pourraient en tout cas soutenir cette hypothèse.

D'abord, selon des informations dignes de foi, une partie non négligeable de la presse camerounaise se serait mise aux bons offices de Franck Biya, ou tout du moins des Franckistes. Certains de ces médias bénéficieraient d'importants soutiens, notamment financiers, qui ne sauraient être assurés par les seuls leaders du mouvement, surtout que les opérations de levées des fonds engagées par ceuxci semblent n'avoir pas beaucoup prospéré. Difficile alors, pour certains, de ne pas faire un lien direct entre le fils du président et les actions menées par le mouvement - au Cameroun et en Occident - puisque celles-ci nécessitent des financements non négligeables.

Positionnement en puissance

Outre cet aspect, le déploiement des Franckistes lors de la visite officielle d'Emmanuel Macron à Yaoundé, concoure à l'idée que la machine du positionnement monte en puissance. A cette occasion, des banderoles ont été déployées dans la capitale camerounaise à la gloire de leur " candidat naturel ". Des effigies du fils du président de la République ont circulé, de nombreuses personnes se sont déplacées pour l'accueil à l'aéroport international de Yaoundé-Nsimalen, arborant des tshirts floqués dans le même sens...

Le message était clair : faire comprendre au président français que Franck Biya est le candidat idéal pour la succession. Une action savamment pensée. Ce d'autant plus que depuis son arrivée au pouvoir en 2017, M. Macron n'a eu de cesse de parler d'une transition générationnelle nécessaire et impérative à la tête de certains Etats africains, notamment ceux qui ont des liens historiques forts avec l'Hexagone comme le Cameroun.

L'intervention des forces de maintien de l'ordre, sur instructions du directeur du Cabinet civil de la présidence, Samuel Mvondo Ayolo, n'a rien changé. Ils ont interpellé plusieurs Franckistes et saisi toute leur armada communicationnelle. Le message a néanmoins été relayé largement.

Au sein du sérail, l'on soupçonne d'ailleurs que la campagne ait été menée avec le soutien de certains acteurs importants du pouvoir. Quoi qu'il en soit, la candidature de Franck Biya ne fait plus l'ombre d'un doute dans l'esprit de nombreux Camerounais. Les scénarios ne manquent pas. Le premier énoncé serait que Franck Biya rejoigne officiellement le Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais (RDPC), parti au pouvoir.

Après avoir manœuvré pour être candidat, il pourrait par la suite se servir de la grosse machine électorale de cette formation politique pour être élu au poste de président de la République.

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