Madagascar: Fidy Manantsoa Randrianarivelo - " La démocratie ne s'implante, ni se maintient, sans l'éducation de la population "

interview

Sélectionné pour le Leadership en matière d'Engagement Civique à Université du Delaware (DE, USA). Interprète et formateur en langue des signes et chercheur junior en sciences de l'éducation à l'Université d'Antananarivo, Fidy Manantsoa Randiranarivelo (F.M.R.) nous livre ses témoignages. Interview.

Midi Madagasikara (M.M.) : Quelles leçons avez-vous tiré de votre passage aux États-Unis sur le leadership dans l'engagement civique ?

F.M.R) : Il y avait tellement de bonnes pratiques et de valeurs partagées pendant la formation qu'il est difficile de n'en choisir que quelques unes. Toutefois, pour parler de ce qui m'a le plus marqué, je peux mentionner en premier lieu le respect de la diversité humaine et le dialogue des cultures (compréhension de l'autre, ses convictions, sa vision du monde, ses aspirations, etc. sans juger). Tout au long de mon cursus universitaire, j'ai eu à assister à différents séminaires portés sur la pluralité linguistique et culturelle, et je les ai vécus pleinement grâce à ce fellowship. Sans cet idéal du respect de l'autre, le statut même du leader est ébranlé. En second lieu, j'ai surtout apprécié leur concept de " hard work ", qui pousse l'individu à se dépasser. Toutes les réalisations des grands leaders dans l'engagement civique qui ont changé le monde se sont basées sur un travail acharné animé par une grande motivation. Vous comprendrez ce concept de travail acharné lorsque vous observerez les alumni de Yali dans leur projet respectif ; mais aussi chez les leaders de la plateforme de la société civile à Madagascar, toujours en quête de l'équité, travaillant sans relâche pour une justice sociale. Leur engagement n'est pas une activité spontanée. Il y a surtout la constance dans les convictions et la persévérance dans les actions. Et enfin, ce qui m'a personnellement marqué, c'est la nécessité de prendre connaissance de ses propres forces et qualités tout en développant un état d'esprit de croissance ou ce qu'il appelle le " growth mindset ". Par rapport à cela, nous avons eu à travailler suivant la grille de " Gallup Clifton Strengths " qui nous permettait de nous situer par rapport aux différents champs d'action en termes d'engagement civique.

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M.M. : Qu'est ce qui manque aux jeunes malgaches pour devenir le pilier du développement et pour pouvoir aider le pays à se relever ?

F.M.R. : Il faut d'abord souligner que les jeunes malgaches ont du potentiel, et ce, dans plusieurs domaines. Le problème est que, selon moi, ces jeunes ne sont pas suffisamment considérés par les diverses instances de décision et les dirigeants politiques. Prenons l'exemple des jeunes sportifs malgaches qui travaillent dur pour se qualifier à des compétitions internationales mais au final, la délégation ne peut pas rejoindre la compétition par manque d'argent ! À partir de la formation sur le leadership, j'ai personnellement constaté que le jeune malgache hésite souvent à se hisser et reste inhibé, le jeune malgache a besoin de croire en lui. Cela s'explique peut-être par notre culture qui nous enseigne à ne pas trop s'exhiber et à suivre le courant au risque de se voir corrigé ou même rejeté. Parfois, nous laissons l'individu se noyer dans le collectif qui n'assure pourtant pas son épanouissement.

M.M. : Pensez-vous qu'un jour Madagascar pourrait se comparer aux États-Unis, en matière de démocratie ?

F.M.R. : Madagascar est déjà sur cette voie, bien que nous ayons encore un long chemin à parcourir. Mais nous savons tous que la démocratie ne s'implante, ni se maintient, sans l'éducation de la population. Et l'éducation en générale à Madagascar reste un très grand enjeu. Plus la population est éduquée, plus nous ferons un vote réfléchi, et plus nous aurons des dirigeants responsables. Un citoyen éduqué est en mesure de revendiquer ses droits et dénoncer les injustices librement. Nous pourrons ainsi nous comparer à tout autre pays en termes de démocratie lorsque nous nous en donnerons les moyens.

M.M. : Une fois de retour au pays, quel serait votre projet ? À quoi va servir votre stage ?

F.M.R. : Premièrement, j'envisage de contribuer à la reconnaissance de la langue des signes malgache en tant que langue officielle, tel que j'ai toujours avancé dans mes travaux et écrits académiques. Le fellowship m'a permis de me connecter avec des personnes et des organismes internationaux qui m'appuieront certainement à travers cette vision. Tout cela, bien sûr, en étroite collaboration avec la Fédération des Sourds à Madagascar puisqu'il s'agit de leur langue ! Nous ne pouvons pas parler de handicap ni de surdité sans inclure les personnes les plus concernées. Je compte également apporter ma contribution dans la mise en place de notre association d'interprète en langue des signes, longtemps minorée. Savez-vous que la profession d'interprète en langue des signes est comparable à toute autre profession d'interprétation/traduction ? Et je parle bien de " profession " et non de " métier ", ce qui exige un effort plus d'ordre intellectuel que physique, et qui s'acquiert avant tout par la formation. Cependant, même auprès des organismes œuvrant dans le domaine du handicap, on hésite encore à considérer l'interprète en langue des signes à sa juste valeur. Moyennement, un interprète en langue des signes gagne presque quatre fois moins que tout autre interprète, pour une même durée de travail. Ce n'est pas acceptable. Pour ce qui est de la vision dans le long terme, je pense pouvoir (et devoir) contribuer à l'accès des sourds à l'enseignement supérieur public. Nous aurons assurément d'autres occasions pour en parler davantage.

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