Maroc: La femme honteusement discriminée

Les hôteliers sévissent en application d' une "loi" imaginaire mais bel et bien arbitraire

C' est une absurdité révoltante : les femmes marocaines sont tout bonnement interdites de séjour toutes seules dans les hôtels de leur pays. C'est une pratique discriminatoire qui perdure en dépit des avancées réalisées par le Maroc en matière de droits humains, notamment les droits des femmes.

Conscient de la nécessité de mettre fin à une telle aberration, le parlementaire Moulay Mehdi Al Fatmi a interpellé le ministre de l'Intérieur sur cette question, soulignant que les femmes mariées ou non s'étonnent du fait qu'on les empêche de séjourner dans un hôtel situé dans les villes de leur résidence, voire les villes où elles ont vécu et qu'elles ont quittées.

Le Groupe socialiste rappelle la pertinence de l'article 24 de la Constitution " Est garantie pour tous, la liberté de circuler et de s'établir sur le territoire national, d'en sortir et d'y retourner, conformément à la loi"

Dans sa question écrite présentée au nom du Groupe socialiste à la Chambre des représentants, Moulay Mehdi Al Fatmi a affirmé que cette interdiction est critiquée à bien des égards, car elle viole les droits des femmes, s'inscrit en faux contre la Constitution, affecte l'économie et porte atteinte au principe d'égalité.

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Ce qui laisse perplexe, c'est que d'un point de vue juridique, d'après le député de l'USFP, il n'existe aucun texte juridique sur lequel les hôteliers et les services de sécurité peuvent s'appuyer pour empêcher les femmes de réserver des chambres dans les hôtels, soulignant que les lois garantissent aux femmes le droit de circuler au Maroc, et s'il y a des restrictions à ce droit, elles concernent aussi bien les hommes que les femmes.

Ainsi l'article 24 de la Constitution 2011 dispose : " Est garantie pour tous, la liberté de circuler et de s'établir sur le territoire national, d'en sortir et d'y retourner, conformément à la loi ".

Selon Moulay Mehdi Al Fatmi, la Constitution marocaine est la loi la plus haute dans la hiérarchie des législations et, partant, aucune loi ou circulaire ne peuvent la contredire.

" Puisqu'aucune loi qui restreindrait la liberté de mouvement ou de séjour des femmes dans les hôtels n'a été adoptée, toute mesure dans ce contexte est considérée comme une violation de la Constitution, car cette dernière dispose que la restriction de la liberté de mouvement doit être prévue par la loi, et non par le truchement d'une circulaire ou de décisions individuelles des hôteliers ", a martelé le député ittihadi qui lance un appel au ministre de l'Intérieur à prendre des mesures pour mettre fin à cette pratique discriminatoire à l'égard des femmes, voire à adresser une circulaire à propos de ce sujet aux hôteliers et imposer des sanctions à l'encontre des propriétaires d'hôtels qui interdisent le séjour des femmes dans leurs établissements.

Il convient de rappeler que Mohamed Hassad (alors ministre de l'Intérieur) avait affirmé en 2014 qu'il n'existe aucune circulaire qui interdirait aux femmes de passer la nuit dans les hôtels situés dans les villes de leur résidence, tout en soulignant dans sa réponse à une question orale à la Chambre des représentants que les femmes et les hommes sont égaux devant la loi au Maroc.

Pour sa part, Zahra Ouardi, membre fondatrice de l'Union pour l'action féminine (UAF), a dénoncé les pratiques interdisant aux femmes de séjourner seules dans les hôtels sans la présence d'un père, d'un frère ou d'un mari pour les accompagner. " Ces pratiques sont contraires aux droits humains", a-t-elle martelé dans une déclaration à Libé.

" Ces pratiques individuelles isolées violent la loi et la législation en vigueur. Elles vont à l'encontre de la Constitution de 2011, des engagements internationaux du Maroc et des nombreuses conventions internationales ratifiées, en particulier la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDAW) ", a-t-elle expliqué.

Zahra Ouardi a ajouté que ces pratiques montrent clairement l'enracinement de la mentalité masculine hostile aux droits des femmes, soulignant que les droits humains sont " un tout indivisible ".

Par ailleurs, la membre du bureau exécutif de l'UAF a affirmé que l'Etat doit assumer ses responsabilités. " Il ne suffit pas que le Maroc ratifie les conventions internationales, présente des rapports périodiques et reçoive des rapporteurs des Nations unies, sachant que la mise en œuvre des droits humains bute sur les mentalités qui sapent les efforts du Maroc dans la promotion des droits humains notamment les droits des femmes ", a-t-elle mis en avant.

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