Gabon: A la découverte des orateurs traditionnels des mariages coutumiers

Ce sont des personnages incontournables. Il n'y a aucune règle écrite sur leur métier et pourtant, ils parlent avec aisance et efficacité, au nom des futurs mariés et leurs familles. L'orateur traditionnel est aussi appelé Nzonzi au Sud ou Togbe sangue à Lambaréné, au centre du Gabon.

Jacques Ikapi est de l'ethnie Punu. Il est Nzonzi, c'est-à-dire l'orateur pour la future mariée. Un Nzonzi, c'est aussi l'homme qui harangue et anime l'assistance : " Là, c'est la joie ". En face, Alain Michel Ogoula, l'orateur du futur marié. Il est de l'ethnie Myènè : " C'est pour dire "silence" et capter l'attention de l'auditoire. "

Les deux orateurs se lancent des joutes verbales. Alain Michel Ogoula entre dans le rôle le plus délicat, car il doit user de toute la finesse pour demander la main de la future épouse : " C'est de bonne guerre, parce que c'est lui qui tient le couteau du bon côté ".

La ruse, le langage imagé sont les atouts pour être un bon orateur traditionnel. Aucune école n'enseigne cet art. " Cela se transmet, explique Jacques Ikapi, c'est-à-dire qu'il a des vieux qui vous regardent lorsque vous grandissez et qui vous lèguent ce pouvoir. "

Le public qui assiste à un mariage coutumier vit avec passion le duel des orateurs. Djerine Bouanga Ngoma et Stéphane Ogoula, le couple dont le mariage a été célébré ce jour-là, n'a pas caché son émotion. " Vraiment, chapeau à mon parleur " déclare l'une, et l'autre : " C'était bien tout cela, pour la beauté de l'évènement ". Malgré les piques lancées, le tout se termine toujours très bien.

%

Faut-il craindre que cet art disparaisse un jour?

L'orateur traditionnel est généralement un homme d'un certain âge, parfait connaisseur des rites et traditions. Théophile Lié Moubassango, qui pratique ce métier, est convaincu que cette culture est suffisamment enracinée dans la société gabonaise pour qu'elle n'abandonne jamais ce patrimoine culturel.

" Il faut être à l'intérieur de la coutume, de nos traditions. Il faut connaître. Il faut connaître le déroulé d'un mariage. Il y a des principes et en plus, il faut avoir quand même avoir le verbe, parce que vous allez parler devant des gens qui sont issus de groupes sociaux linguistiques différents. Il faut également connaître la provenance des familles respectives. "

À ceux qui qualifient de désuète la théâtralité de la cérémonie, Théophile Lié Moubassango rétorque : " Dire que c'est devenu désuet aujourd'hui, c'est ne pas connaître la culture gabonaise, parce que c'est un élément important. Dire que c'est désuet, ce sont les progressistes qui le disent, mais à tort. Mais, nous, les traditionalistes, nous disons que ce n'est pas désuet, c'est une partie de notre patrimoine. "

L'orateur dit ne pas être inquiet pour l'avenir de son métier. " Dans toutes les sociétés, il y a une sorte d'initiation qui ne dit pas son mot dans cette affaire, parce que depuis la nuit des temps, ces parleurs existent. Nous n'allons pas dire que le mariage va se terminer avec notre génération. Non, ce n'est pas possible. Donc, les jeunes sont là, ils écoutent. Ils nous observent et lorsque nous allons partir de la scène, ils viendront nous remplacer, et ainsi de suite. "

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.