Afrique Centrale: Comment prévenir les conflits liés à l'eau ? le dr pape ndiye donne les pistes de solutions

Comment prévenir les conflits liés à l'eau ? Le Dr PAPE NDIAYE Coordonne du RAOB donne des pistes de solutions. En marge de l'atelier continental sur le renforcement des Plateformes des Utilisateurs des Services Climatologiques en Afrique, du 26-29 juillet 2022, présidé par le Ministre des Transports du Cameroun Jean Ernest NGALÈ BIBEHÈ MASSENA donc la thématique portait sur le " Renforcement des plateformes d'interface utilisateur des services climatologiques pour l'agriculture, la santé, la réduction des risques de catastrophes et l'eau dans le continent africain ",

en présence du Ministre Délégué auprès du Ministère des Transports du Cameroun, du Secrétaire général du Ministère des Transports ; Du Représentant de la commission de l'Union Africaine ; du Directeur Général du Centre Africain pour les Applications de la Météorologie au Développement ; du Représentant du Président de la Commission de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique Centrale (CEEAC) ; du représentant de la délégation de l'Union Européenne au Cameroun ; des Représentants des Agences du Système des Nations Unies ; les acteurs de la société civile représentant des agriculteurs, des éleveurs et pêcheurs.

Le Dr. PAPE NDIAYE, Coordonnateur du Réseau Africain des Organismes de Bassin s'est confié à la rédaction de la presse internationale en ligne camer.be pour donner sa vision globale et les solutions qu'il faut pour préserver le continent africain des conflits liés à l'eau, d'anticiper sur les conséquences des changements climatiques et de dégager des réponses pour l'urbanisme explosive dont l'Afrique fait face.

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Quel est le rôle du Réseau Africain des Organismes de Bassin dans le cadre de l'atelier continental qui vient de se tenir au Cameroun du 26 au 29 juillet 2022 dont le but est le " renforcement des plateformes d'interface utilisateur des services climatologiques pour l'agriculture, la santé, la réduction des risques de catastrophes et l'eau dans le continent africain " ?

Réponse Dr NDIAYE : Merci Monsieur, d'abord un mot, je voudrais brièvement présenter l'organisation " Réseau Africain des Organismes de Bassin " ou African Network of Basin Organizations. C'est parti d'une idée de l'Union Africaine en 2000 qui fait un appel pour fédérer les organisations liées à l'eau pour créer un cadre de coopération . Nous notre travail consiste essentiellement à renforcer les organismes de bassin qui sont les premiers interlocuteurs entre les populations et les acteurs de l'eau., pourquoi ?

Parce que nous les organismes de bassin transfrontalier, on s'est rendu compte qu'à partir des années 2000 déjà, la question de l'eau était une question cruciale, capitale pour le développement africain pour la réduction de la pauvreté et c'est sur cette base la qu'on a construit cette plateforme pour répondre aux objectifs du millénaire à l'époque. Les objectifs du millénaire c'étaient de permettre aux populations africaines d'avoir accès à l'eau potable entre autres et à l'assainissement.

Ensuite nous sommes passés aux objectifs de développement durable, on les appelle les ODD et ce qui s'est basé à l'ODD 6 qui concerne la question de l'eau. Nous avons pris l'initiative qu'à partir de 2002 de créer le Réseau Africain des Organismes de Bassin, ça s'est créé à Dakar. Et nous travaillons en étroitement avec l'Union Africaine à travers une autre plateforme appelée et le Conseil Africain des ministres de l'eau. C'est cette organisation là qui assure le leadership politique sur le plan continental des questions liées à la gouvernance en Afrique.

Donc le RAOB c'est un cadre de coopération des organismes de bassin. Nous sommes 19 organismes de bassin, repartis pour tout le Continent Africain. Et un organisme de bassin est un ensemble de pays. C'est des pays qui partagent un fleuve transfrontalier. Vous prenez un de nos membres qu'on appelle l'Initiative du Bassin du Nil c'est 10 pays qui partagent le Nil, ce n'est pas que l'Égypte et l'Éthiopie, il y'a d'autres pays le long. Vous prenez l'OMVS qui est un de nos membres c'est quatre pays, le Sénégal, la Mauritanie, le Mali et la Guinée qui partagent ça.

Donc il faut trouver un cadre de dialogue qui permettra à tous ces acteurs de pouvoir communiquer, de pouvoir échanger des expériences et nous travaillons dans ce cadre là et je coordonne cette initiative panafricaine. Et donc pour répondre c'était pour présenter un peu notre organisation. Et l'autre aspect quel intérêt pour nous de participer à cet atelier ?

Je signale que l'un des enjeux majeurs aujourd'hui en Afrique c'est l'accès à l'information et de la connaissance. Vous ne pouvez pas prendre une décision sur des affaires majeurs des citoyens sans en avoir l'information sur toute la ligne. Vous prenez la question de la météorologie, la question des changements climatiques ou l'eau, toutes ces questions sont des questions transversales, elles sont liées. Donc c'est la liaison que nous avons entre la météorologie dans la prévision des catastrophes, l'eau dans l'approvisionnement pour toute l'Afrique, l'agriculture pour la sécurité alimentaire et la santé, parce que l'eau, l'agriculture et la météorologie sont liées à la santé, pourquoi ? Parce que c'est des questions si vous voulez, à chacune de ces questions là, chaque conséquence négative, affecte négativement les populations.

On appelle ça une vision inclusive. La vision inclusive est qu'on ne regarde pas le monde de façon réductionnisme. On le regarde de façon holistique c'est-à-dire que ce qui touche ici aura des conséquences très lointaines vers d'autres populations. Vue que l'Afrique a le combat pour le développement.

Nous luttons pour le développement ce n'est pas que le climat dont on parle. Aujourd'hui les changements climatiques ont des conséquences sur notre santé, a des conséquences sur le déplacement des populations, a des conséquences sur la vulnérabilité des femmes, a des conséquences sur la vulnérabilité des enfants et l'éducation.

Donc toutes ces questions là sont liées. Donc si on ne traite pas ces questions adressées des réponses pertinentes, on se retrouve dans des situations où l'Afrique devient encore une victime. Je crois que ces initiatives là permettent de mobiliser tous les acteurs africains qui travaillent sur des questions climatiques, pour pouvoir proposer des services qui aident nos gouvernements à apprendre à avoir des outils de prise de décision pertinente. Donc cet atelier là répond à ces préoccupations.

Comment fonctionnez vous au quotidien ? Avez-vous des bailleurs de fonds qui soutiennent votre organisme ?

Réponse Dr NDIAYE : " Nous avons d'abord dans nos statuts de l'organisation votés en 2019 à Tunis, une base pratique de moyens, ce sont les cotisations directes. Les membres cotisent 3000$ par an, nous sommes 20 membres donc tous les membres cotisent mais pour le fonctionnement du secrétariat, nous avons des bailleurs de fonds. Ce qui explique par exemple que nous avons eu des financements de l'Union Européenne pour le renforcement des capacités. Et chaque étape se traduit sous forme de projet.

On a des projets qui durent 3 ou 4 ans financés par des bailleurs et dans la vie de ce projet, on enchaine pour trouver d'autres bailleurs pour continuer, là par exemple on vient de terminer un projet avec le fond mondial de l'environnement et le PNUD qui a duré 2 ou 3 ans et actuellement on enchaine en 2023 un projet financé à 3 millions d'euros par l'Union Européenne.

Et nous continuons nos négociations avec la banque mondiale et avec la coopération suisse qui est entrain de financer ce document que j'ai partagé avec vous qui est le plan d'action 2020-2024.

Il faut savoir que le RAOB a une stratégie de vision qui a été présentée en 2015 et qui finit en 2024. Et on a des plans d'actions pour dérouler cette stratégie et le premier plan d'action 2015-2019 est achevée, nous sommes sur la deuxième phase, ce plan d'action 2020-2024, on est entrain de le dérouler et il sera piloter en partie par la coopération suisse.

Comment est-ce qu'on devient coordonnateur du RAOB ?

Réponse Dr NDIAYE : " Un coordonnateur dure le temps d'un projet. Après on a des centres de gouvernance, avec un Président honorifique, c'est le Président du RAOB aujourd'hui c'est l'ingénieur Sylvestre Matelou qui dirige Nil Basin Initiative qu'on appelle NBI. On a un secrétariat technique permanent, ça c'est des outils de gouvernance permanents et nous par exemple le projet est logé au secrétariat technique permanent parce que nous gérons des questions techniques, des questions de leadership politique c'est le Président qui va gérer ça. Il va faire des représentations et faire du plaidoyer dans les rencontres internationales, donc c'est comme ça que nous fonctionnons.

Le Coordonnateur qui gère le projet le temps que ça finisse, après ils font des recrutements, après si le coordonnateur est intéressé parce qu'il a le background et l'expérience, il reste pour un autre projet, voilà il a le suivi, souvent le coordonnateur c'est lui qui va chercher l'argent, n'oublions pas par exemple aujourd'hui, nous sommes fiers de dire que nous avons ajouté trois millions d'euros sur le financement et nous continuons et on espère obtenir dix millions de dollars avec la coopération suisse que nous sommes entrain de travailler en ce moment.

Donc c'est ça en fait notre travail. Notre travail c'est la mobilisation des ressources financières, l'exécution du plan de travail technique sur lequel le projet a été conçu et veiller aux livrables dont les résultats qu'on doit obtenir. Ça par exemple c'est un livrable que nous avons obtenu, donc c'est pour cela que nous travaillons pour ça.

Quels sont vos résultats depuis que vous êtes coordonnateur du RAOB ?

Réponse Dr NDIAYE : " D'abord le travail de coopération c'est un travail constat, le résultat est que nous avons remobilisé le réseau pendant longtemps ce réseau était en léthargie parce que le réseau dépend beaucoup des projets, on s'est dit que le projet n'est pas durable il faut qu'on trouve une plateforme de portefeuille de projets pour permettre au réseau de revivre.

On a remobilisé les membres qui ne produisaient pas jusqu'à ce qu'on soit arrivé aujourd'hui, à avoir une ardoise financière parce que simplement les membres cotisent, on leur a convaincu à travers des plaidoyers, à travers des invitations sur des rencontres internationales à voir le travail que nous faisons.

Nous avons aussi dans le cadre stratégique, le travail sur le changement climatique, le travail sur le partage de la connaissance sur la gestion de l'information sur l'eau, ce qui nous a amené à cet atelier. Dans ce cadre là, nous avons une plateforme qu'on appelle le Système Africain de Documentation et d'Information sur l'Eau (SADIEau), ça s'est déjà mis en place.

On a aussi mis en place des outils de communication comme un site internet, on travaille beaucoup sur les réseaux sociaux à travers tweeter, LinkedIn et à travers notre page Facebook. On a donc remobilisé l'équipe, on a remobilisé les finances en trouvant de l'argent pour des projets futurs, c'est des résultats tangibles qui en un rien de temps, certains mettent 10 ans pour les avoir, nous on a eu la chance de les avoir assez rapidement.

Avez-vous une autre interpellation à l'endroit des africains ?

Réponse Dr NDIAYE : " Moi j'invite les africains à penser l'Afrique comme une globalité. Nous avons tous les mêmes problématiques, nous vivons tous les mêmes problèmes. L'Afrique est liée aux changements climatiques qui ont beaucoup changé notre géographie, nos modes de vie, et les fragilités et les vulnérabilités sont partout.

Vous prenez le lac Tchad qui a perdu plus de 50% de sa surface, ça a des conséquences sur le terrorisme aujourd'hui. Vous prenez le fleuve Niger, des fleuves sahéliens. Nous sommes ici aujourd'hui au Cameroun en Afrique centrale, nous avons besoin de mettre en valeur à travers l'énergie hydroélectrique et fournir ces pays-là l'électricité.

Les barrages que nous construisons ont une finalité pour le développement, ça apporte l'électricité, ça régule le niveau du fleuve, ça permet aussi à des populations d'avoir des revenus à travers des activités subsidiaires comme l'agriculture, la pêche et l'élevage par exemple.

On crée des surfaces de terres arables autour des fleuves pour permettre à nos populations à avoir de quoi vivre. Donc nous avons un certain nombre de choses qui doivent nous permettre de nous concentrer sur la nécessité de travailler pour le continent africain. Et cette nécessité là est quelque chose qui que nous avons besoin de renforcer. Notre plateforme vise à renforcer ça. La coopération aujourd'hui. Nous avons une nouvelle problématique qui se dégage aujourd'hui, c'est des questions liées à l'eau et aux changements climatiques, c'est ce qu'on appelle les conflits liés à l'eau, on appelle ça dans notre langage l'hydro-diplomatie.

C'est comment on prévient des conflits , on anticipe des conflits à travers les études que nous faisons. Nous travaillons beaucoup avec des Suisses qui réfléchissent sur l'hydro-diplomatie pour promouvoir la paix, anticiper les guerres futures liées à l'eau, parce que l'Afrique aura deux milliards d'habitants dont plus de quatre cent millions auront moins de 20 ans, ça veut dire que les questions d'urbanisme explosive, Yaoundé par exemple ne sera plus comme ça dans 10 ans. La population va doubler ou tripler peut-être, donc nous avons besoin d'anticiper ces problèmes.

Ça c'est des questions de leadership politique, nous avons besoin d'adresser des réponses pertinentes et je pense que ce genre de rencontre plus d'autres sur lesquelles nous nous avons besoin d'être là, de dire ce que nous pensons et de communiquer également de manière pertinente pour les populations.

Nous avons aussi besoin que les populations saisissent de façon permanente, l'importance de ce que nous faisons parce que tout leur est destinée, voilà en gros l'objectif de cette réunion et notre raison d'être et nous espérons pouvoir continuer cette mission là c'est une mission de développement pour l'Afrique et nous en sommes fiers ".

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