Madagascar: Les parcs ont connu plus de feux durant le confinement

3 Août 2022

Antananarivo — Les feux à l'intérieur des aires protégées de Madagascar ont connu une augmentation de 76-248 % durant le confinement lié à la COVID-19 en 2020.

C'est ce que révèle une récente étude publiée dans la revue Nature Systainability. Cette étude indique que l'augmentation des feux a été répertoriée entre les mois de mars et juillet ; ce qui coïncidait avec les restrictions imposées pour tenter d'endiguer la propagation de la maladie à coronavirus sur l'étendue du territoire.

" Notre étude s'est intéressée à la situation des 114 aires protégées de toutes les catégories de gestion. Notre démarche a ainsi porté sur celles gérées par Madagascar National Parks (MNP) et celles sous les différents types de contrat de gestion avec des organisations et associations malgaches ", précise Johanna Eklund de l'université d'Helsinki en Finlande, principale auteure de l'étude.

Les chercheurs expliquent que la croissance des feux durant le confinement était en majeure partie attribuée à l'absence sur le terrain des agents et des patrouilleurs qui avaient dû rester chez eux.

" Il semble que les programmes d'activités communautaires aient dû s'estomper durant ce temps. Le chevauchement entre l'excès de feux et la suspension des activités sur les sites suggère un mécanisme causal. La prévention du feu à l'intérieur des aires protégées dépend de ces activités ", souligne la chercheure. Chaque année, les feux causent d'importants dégâts sur la Grande Île, même si cette dernière ne connaît pas la canicule. Ces fléaux sont en partie responsables de la perte de la faune et de la flore du pays où entre 50 000 et 100 000 hectares de forêts sont perdus tous les ans.

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Feux précoces

En raison de difficultés diverses, dont le crucial problème d'accès, le système d'aires protégées du pays, vaste de plus de 6 millions d'hectares, forme le plus souvent un terrain propice au déclenchement et à la propagation des feux dévastateurs.

Le 10 juin 2022, la Fondation pour les aires protégées et la biodiversité de Madagascar (FAPBM) a organisé son premier webinaire focalisé sur la gestion des feux dans les aires protégées.

A en croire les explications de Brice Funk Lee Rakotozafy, chef de l'aire protégée Ibity, il existe des feux d'origine naturelle et anthropique.

" Les feux naturels prennent source à l'intérieur de l'aire protégée tandis que les feux anthropiques viennent de l'extérieur des aires protégées ", explique-t-il.

Il ajoute que les feux naturels sont généralement de faible surface, par exemple de 50 m² de diamètre, formant des mosaïques à l'intérieur de l'aire protégée, tandis que les feux anthropiques sont de grande surface.Pour ce site à forte densité de savane et de forêts de plantes pyrophytes (qui ont besoin du feu pour se renouveler) situé à 180 km au sud d'Antananarivo et géré par Missouri Botanical Garden, la meilleure protection contre les feux repose sur un suivi minutieux de l'historique d'images satellites et des cartographies du site.

Notamment à l'aide de cartes d'évolution des surfaces des bois, de cartes de la fréquence des feux, de cartes de localisation des zones de pénétration de feu dans l'aire protégée et de cartes des feux naturels.

Agents de parcs et population mobilisés pour combattre le feu. Crédit photo : ministère de l'Environnement et du développement durable.

Ainsi, durant les périodes de confinement, les patrouilles et la sensibilisation communautaire ont été fortement renforcées par rapport à la période précédente.

Le survol par drone de l'aire protégée a également été multiplié, à la fois pour des fins de surveillance et d'intimidation.

Suivi par satellite

Selon MNP, gestionnaire d'un réseau de 43 parcs nationaux, les principales causes du feu sont le défrichement et les feux de végétation.

Pour y faire face, un système d'information important a été mis en place pour prévoir et réagir rapidement à l'occurrence des feux.

Il comprend le suivi journalier par satellite et via les agents de terrain et la cartographie des risques de feux sur la base d'analyses multivariables (historique, climat, démographie, occupation du sol, etc.).

La surveillance fait partie du quotidien du personnel des aires protégées. Crédit photo : ministère de l'Environnement et du développement durable.

" Nous avons un plan de gestion de feux, qui catégorise les sites à feux. Chacun des sites dispose d'un plan stratégique de gestion de feu qui inclut la prévention (patrouille, sensibilisation, pare-feu, etc.) et la lutte active (brigade de feu, etc.) ", souligne Aroniaina Rajaonarivo, chargé des opérations auprès du MNP.

Pour Serge Ratsirahonana, responsable du suivi-évaluation au sein de la FAPBM, " l'expérience de MNP démontre que le suivi des images satellitaires puis les systèmes d'alertes précoces, la mobilisation communautaire et la lutte active sont des piliers de la gestion des feux dans les aires protégées à grande superficie ".L'expert recommande ainsi le géoportail promu par le ministère de l'Environnement et du Développement durable en ce qui concerne les images satellites. La source donne accès à des images satellitaires à jour sur toute la Grande Île.

D'après Johanna Eklund, le résultat de la recherche démontre clairement l'impact dramatique des interruptions de gestion et indique qu'il serait important pour les hommes politiques de considérer la gestion des aires protégées comme un service essentiel ayant besoin de se maintenir durant les confinements et les restrictions de voyage.

" Par-delà la pandémie, je crois que le résultat de notre étude pourrait fournir un éclairage supplémentaire sur les négociations en cours quant à l'après-cadre mondial de la biodiversité pour l'après-2020 ", conclut-elle.

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