Ile Maurice: Patrimoine maritime - La Victoire, l'épave qui sert à former des plongeurs du bureau du Premier ministre

Se former à l'archéologie sous-marine. C'est le but des sorties effectuées dans la semaine écoulée par des plongeurs du bureau du Plateau continental, du bureau du Premier ministre. Ils étaient encadrés par une mission conjointe de l'université de Stanford et de la "Mauritius Marine Conservation Society".

Coïncidence. Une épave qui repose par trois mètres de fond au large de Pointe-aux- Canonniers s'appelle La Victoire. Pendant la semaine écoulée, l'exploration de cette épave a servi à former des plongeurs du département du Plateau continental, du bureau du Premier ministre (PMO).

Sous l'eau, un membre de l'équipe a la particularité d'avoir été parmi ceux qui ont retrouvé l'épave de La Victoire en 1988. Il s'agit de Yann von Arnim, spécialiste en biologie marine et archéologie sous-marine, conseiller scientifique auprès de la Mauritius Marine Conservation Society (MMCS). "En 1988, on a d'abord trouvé l'épave de La Méduse. Comme elle était incomplète, on a cherché s'il n'y avait pas une autre partie du bateau plus près de la côte. Ce que l'on a trouvé, c'est une autre épave, celle de La Victoire."

Le passionné d'archéologie sous-marine poursuit : "La Victoire était poursuivie par des Anglais. Le bateau faisait le commerce de bétail avec Madagascar. Mais ce qui était plus lucratif à l'époque, c'était le commerce de personnes réduites en esclavage. Il y en avait à bord.". Arrivé au large de Maurice, La Victoire essaie de se mettre sous la protection de la batterie de Pointe-aux-Canonniers. "Mais le bateau heurte le récif, il perd son gouvernail." Le vent le pousse vers la côte et La Victoire s'échoué. "Les personnes réduites en esclavage et les membres d'équipage ont été débarqués à terre. Il n'y a pas eu de morts. Le bétail a été jeté par-dessus bord. Il y avait aussi une cargaison de verrerie à bord, dont une partie avait servi à acheter des personnes réduites en esclavage."

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Par la suite, on a mis le feu au bateau, pour empêcher les Anglais de le saisir. La Victoire a explosé avant de sombrer. "On ne sait pas exactement ce qui reste de l'épave. Elle est préservée sous les pierres de ballast et le sable comme l'épave du Coureur." Le conseiller scientifique précise que La Victoire avait pour nom d'origine L'Île-de-France. "On ne sait pas précisément à quel moment le bateau a été racheté et a changé de nom."

Yann von Arnim explique que les sorties en mer de la semaine dernière n'ont pas servi à des fouilles archéologiques, mais pour former des plongeurs du département du Plateau continental, du PMO. Cela, en collaboration avec l'université américaine de Stanford, comprenant notamment Krish Seetah du département d'anthropologie et la doctorante Stefania Manfio, qui prépare une thèse mettant à contribution une base de données recensant les épaves dans les eaux de la République de Maurice (voir hors-texte).

Le conseiller scientifique de la MMCS explique qu'une formation pour les plongeurs de ce département du PMO a déjà eu lieu sur l'épave du Sirius à Mahébourg, il y a environ un an. "C'est pour montrer aux plongeurs du département du Plateau continental les rudiments de l'archéologie sous-marine. Il n'y a pas eu de fouilles, mais on a pris des mesures et fait des photos de l'ensemble du site." Yann von Arnim précise que pour ces formations, ce n'est pas la profondeur de l'eau qui "pose problème", mais la visibilité. L'épave du Sirius est dans un milieu vaseux. "C'est un site à l'intérieur du lagon qui a été choisi. Même quand le temps n'est pas bon, on peut toujours travailler."

Le département du Plateau continental gère les eaux mauriciennes et les droits sur les zones que nous avons en commun avec les îles et archipels voisins de l'océan Indien. "Comme il n'y a pas eu de fouilles cette fois-ci, la prochaine étape serait de dégager les pierres de ballast pour faire un constat de ce qui reste de La Victoire. Cela se passe dans le cadre d'un Memorandum of Understanding avec l'université de Stanford en partenariat avec le MMCS."

Yann von Arnim rappelle qu'il fait aussi des missions d'évaluation d'épaves après qu'elles ont été étudiées en profondeur. "A priori, rien n'a bougé dans l'épave de La Victoire. Il n'y a pas de canon, un peu de ferraille, des pierres de ballast et de la verrerie cassée, suite à l'explosion, le naufrage et les cyclones."

Base de données : 1 700 épaves recensées autour de la république de Maurice

En une trentaine d'années d'exploration sous-marine, Yann von Arnim a compilé une impressionnante base de données sur les épaves se trouvant dans les eaux de la République de Maurice. Un travail qui prend une autre dimension avec l'apport de l'université de Stanford. La doctorante Stefania Manfio soutiendra une thèse basée sur ces données l'année prochaine. "De mon côté, la base de données est finalisée", indique Yann von Arnim. Reste l'étape des corrections entre "ce que j'ai trouvé et ce que j'ai ajouté. À un moment donné, il faut s'arrêter. Il y a deux ans, je voulais mettre un point final, mais en deux ans, 200 autres épaves ont été recensées grâce aux documents d'archives. À l'heure actuelle, avant correction, il y a 1 700 épaves."

Il affirme avoir eu accès aux archives de journaux britanniques à partir de 1750. Ce qui a permis de retrouver des rapports de naufrages, notamment ceux concernant l'assureur historique de Londres, Lloyd's. À terme, la base de données prendra la forme d'un site internet "accessible au public, qui sera hébergé par le département du Plateau continental du bureau du Premier ministre. Il y aura une carte avec la position approximative de l'épave, sa nationalité et quel est son intérêt historique". Cette somme d'informations, "ce n'est pas que les bateaux qui ont coulé sur les côtes, mais aussi en pleine mer, comme Le Trevessa qui a coulé entre Maurice et l'Australie".

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