Ile Maurice: Centres de désintoxication - Des solutions pour contrer l'engorgement

"C'est un fait que la drogue gagne du terrain mais un des problèmes sur lesquels on ne s'attarde pas assez demeure le manque de places dans les centres de désintoxication. C'est flagrant. Il y a des toxicomanes qui veulent adhérer à un programme de réhabilitation résidentiel mais, avec la restriction des capacités d'accueil, ils ne voient guère de chemin de sortie ", confie Percy Yip Tong, membre fondateur du Collectif Urgence Toxida.

Engagés dans ce combat depuis des années, divers responsables d'organisations non gouvernementales (ONG) abondent dans ce sens. À l'exemple de José Ah Choon, responsable du Centre d'Accueil de Terre-Rouge. "Maurice est de plus en plus malade. La drogue est une urgence nationale. Définitivement, les jeunes s'enfoncent davantage dans ce fléau. De ce fait, il y a un manque de places dans les centres", constate-t-il.

Il s'insurge que certains programmes, qui portaient leurs fruits, aient été supprimés en raison de restrictions financières. Selon lui, la réhabilitation comprend les phases sociale, familiale et professionnelle. "Mais on nous dame le pion pour faire les choses d'après le modèle des autorités qui nous allouent les finances. Ce n'est pas possible car le nôtre a déjà fait ses preuves."

D'après lui, il est urgent de créer de nouveaux centres résidentiels pour la désintoxication. "Nous allons entamer le 177e programme de réhabilitation et notre capacité est de 20 personnes en résidentiel. Malheureusement, nous avons une demande de 35 à 40 patients. Comment va-t-on les accommoder ? Pendant un mois, on les a formés, motivés, suivis. Le problème est qu'on ne peut tous les accueillir. Certains se retrouveront comme sur le banc de touche", déplore-t-il.

%

Donc, la capacité d'accueil du centre est de moitié par rapport à la demande grandissante. D'ailleurs, le nombre d'établissements qui y sont dédiés n'est que de trois, soit deux pour hommes et un pour femmes. "Beaucoup de Mauriciennes et de mineurs sont happés par la drogue ces temps-ci. Plusieurs élèves viennent chez moi et sont impliqués dans des affaires de drogue. C'est un enjeu majeur que l'État doit gérer au plus vite. Moi je suis las de demander en vain des rendez-vous avec les autorités concernées", indique-t-il.

En termes de désintoxication à l'héroïne, Imran Dhanoo, travailleur social et directeur du centre Idrice Goomany, souligne qu'il existe certains services de l'État et des centres. Par rapport à cette drogue en particulier, il cite le programme de la méthadone, suboxone et naltrexone. "Pour les adolescents, nous avons le programme du centre Nénuphar dans le nord et celui de Frangipanier à l'hôpital Brown Séquard. Toujours est-il qu'il subsiste cette problématique de liste d'attente des personnes voulant décrocher. Définitivement, il faut augmenter les "slots" ainsi que les capacités des organismes de l'État et des ONG pour répondre à l'appel. Davantage de Mauriciens tombent dans cette dépendance. Par exemple, pour les programmes résidentiels, le nombre de centres et de places est vraiment limité." Selon lui, Maurice doit être pourvu de médicaments appropriés pour mener le programme désintoxication à bon port. Car très souvent, il faut utiliser les produits sous la main à défaut d'autres devenus indisponibles.

Au cas par cas

Quid du manque de soutien financier ? D'après Imran Dhannoo, il faut comprendre la dimension économique et tenir en ligne de compte le besoin d'augmentation des capacités.

De son côté, Ajay Sowdagur, secrétaire général de la National Social Inclusion Foundation (NSIF), soutient que l'établissement finance des associations opérant des centres de désintoxication. "Mais certainement, s'il y a vraiment une demande et de la place et que l'ONG a ses ressources, nous sommes disposés à la soutenir. On doit bien voir quelle est l'organisation en question et sa situation en termes de performance. Il faut s'assurer que toutes ces associations aient les moyens de donner le service indiqué."

Ajay Sowdagur fait ressortir qu'un nouveau mécanisme d'opération a été établi pour regrouper les ONG sur une base thématique. Dans le cas de la drogue, cite-t-il, le travail se fait en collaboration avec le National Drugs Secretariat. Ceci vise à harmoniser les interventions des associations. "Il y a trop de fragmentations dans ce secteur. On réfléchit en ce sens. Dans l'immédiat, si une ONG reçoit une demande et veut scale up ses interventions, les ressources financières ne doivent pas être un obstacle. Il faut voir cela au cas par cas, la structure, l'opération et la capacité."

Pour sa part, Georgette Talary, directrice du centre Chrysalide, centre résidentiel pour femmes en détresse, indique que depuis 2021, un exercice de révision stratégique de leur service est en cours. "Nous revoyons cela par rapport à la qualité et aux besoins. C'est vrai qu'il y a une demande de beaucoup de femmes et de jeunes filles. Nos bénéficiaires tournent autour de la vingtaine en âge. Nous avons dû revoir notre service afin de l'adapter à ce besoin."

Quant au nombre de personnes et au fait que son centre accommode les femmes sur une base résidentielle, elle affirme qu'elle ne peut dire "qu'il n'y a pas de places". "Peut-être que pour les services de jour où les gens prennent des médicaments et partent, il y a une grosse demande. " Mais clairement, le service doit être assuré, ajoute-t-elle.

Quelles solutions s'imposent ? José Ah Choon évoque une réunion majeure entre l'État et les responsables de centres de désintoxication, étalée sur un ou deux jours, pour définir des stratégies. "Donner juste de la méthadone le matin ne suffit pas. Il faut mettre sur pied de vraies structures pour gérer ce problème comme il se doit." Pour Imran Dhanoo, il faut donner des médicaments appropriés pour la désintoxication dans la communauté. Tout le monde n'est pas intéressé à intégrer le programme de la méthadone. "Les ONG et l'État collaborent depuis des années. Et il faut que cela continue et que l'État mette à la disposition des centres dédiés tous les moyens pour faciliter la désintoxication."

De plus, il appelle à distinguer les coûts des centres de jour et résidentiels. Les établissements résidentiels génèrent plus de frais et nécessitent donc plus de ressources.

Ajay Sowdagur soutient que la NSIF se penche sur des programmes d'amélioration d'accès à ces services de désintoxication. "Par exemple, on a travaillé avec le ministère de l'Égalité du genre et des ONG dans le cadre des shelters. On est venu avec un programme national. Très souvent, les critiques sont que ces institutions ne sont pas aux normes avec les guidelines et conventions. On va lancer une expression of interest pour inviter les associations intéressées à fonder de nouvelles residential care institutions en ligne avec ces guidelines. Nous faisons cela pour plusieurs programmes, notamment pour le Sida. Nous travaillons dans cette direction et le ferons avec les associations dédiées à la réhabilitation."

Georgette Talary revient sur le fait qu'auparavant, l'État procurait un médecin et de la codéine aux centres de réhabilitation. Mais depuis quelques mois, déplore-t-elle, "les autorités auraient décidé de phase out ce produit". "Les toxicomanes ont le choix d'aller sur la méthadone ou alors ceux ayant les moyens peuvent aller chez un médecin privé, et se faire prescrire un médicament. Tout cela entre en jeu, ce qui suscite une réadaptation de notre service." Pour elle, des unités d'addictologie sont pourvues dans les hôpitaux. "Mais il faut s'assurer que les patients reviennent vers ces centres. Dans l'urgence, l'État devrait donner une alternative à la méthadone. On a enlevé la codéine mais il faut autre chose, vu que les toxicomanes ne veulent pas tous recourir à la méthadone."

AllAfrica publie environ 400 articles par jour provenant de plus de 100 organes de presse et plus de 500 autres institutions et particuliers, représentant une diversité de positions sur tous les sujets. Nous publions aussi bien les informations et opinions de l'opposition que celles du gouvernement et leurs porte-paroles. Les pourvoyeurs d'informations, identifiés sur chaque article, gardent l'entière responsabilité éditoriale de leur production. En effet AllAfrica n'a pas le droit de modifier ou de corriger leurs contenus.

Les articles et documents identifiant AllAfrica comme source sont produits ou commandés par AllAfrica. Pour tous vos commentaires ou questions, contactez-nous ici.