Cameroun: Cette diaspora camerounaise, parlons-en

Eparpillés à travers le monde, les Camerounais constituent l'une des plus importantes communautés africaines expatriées. Dans certains pays tels que la Belgique, la France, l'Angleterre, l'Italie etc. En Belgique par exemple, le Camerounais fait désormais partie du paysage local à tel point qu'il est très rare de faire trois pas à Bruxelles sans entendre des personnes converser en pidgin ( Mélange du français et de l'Anglais) ou en dialectes locales du Cameroun La définition commune du terme diaspora veut qu'elle s'applique à toute personne vivant en dehors de son territoire national. Mais ainsi considérée, elle ne rend que peu compte de la réalité plus complexe de la communauté camerounaise expatriée.

Il existe en effet des nuances au sein de la diaspora camerounaise, nuances que l'on ne peut saisir qu'avec certains critères d'approche. Nous retenons ceux qui nous paraissent comme les plus pertinents, notamment parce que les individus s'y identifient et parfois en excluent les autres, ceux qui n'y correspondent pas.

Certes la diaspora camerounaise est un monde fait de personnes vivant à l'étranger, pour diverses raisons, mais c'est aussi, un monde de clivages.

Le premier de ces clivages est lié à l'appartenance ethnique. Comme la population dont elle est issue, la diaspora camerounaise se retrouve dans ses composantes ethniques : Duala, Haousa,Eton,Bamileké, Bassa, Beti,Bamoun, Bakweri, Moundang etc..

Après l'appartenance ethnique, le deuxième clivage est politique. On est soit de l'opposition politique camerounaise dit des bas peuples; soit du parti au pouvoir parce qu'on espère être nommé au Cameroun ( Médecins, étudiants chercheurs.).

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A ces deux clivages s'ajoute un troisième, le clivage social élites/masses Au sein de ces élites, il existe une hiérarchisation et des clivages qui leur sont propres. Les anciens cadres de la fonction publique y compris les anciens grands dirigeants d'organismes parastataux, ensuite ceux qui, à différents échelons étaient les représentants de l'Etat (diplomates, préfets, bourgmestres,... ), les anciens cadres du secteur privé et, à ceux-là s'ajoutent enfin les gens des milieux d'affaires, grands commerçants, grands entrepreneurs

La diaspora camerounaise est donc un monde divisé. Divisé par ses clivages. Ethnique, régional, et enfin, social. Et, à ces trois clivages s'ajoutent d'autres critères d'identification: Les exilés, ... et les autres

Parmi les autres critères d'approche, nous pouvons citer la raison, les motifs pour lesquels ces personnes vivent à l'étranger. Beaucoup d'entre elles sont des réfugiés politiques ou des demandeurs d'asile, des exilés en somme.

S'y ajoutent des cas "exceptionnels" comme les personnes à l'étranger pour affaires, ou s'y étant installées par d'autres voies.

Enfin, pointons sur un troisième critère, la zone d'installation.

Ici on distingue trois grands groupes. D'abord la diaspora camerounaise installée en Europe. Ensuite, celle installée en Amérique (Canada et Etats-Unis) et, enfin, celle établie en Afrique.

En général d'un groupe à l'autre, ces personnes n'ont pas à affronter les mêmes problèmes (de même qu'à l'intérieur de ces grands groupes, les situations diffèrent d'un pays à un autre). Par ailleurs, le paysage ethnique et le poids relatif (notamment en termes de moyens économiques et d'influence politique) de chaque communauté dans ces lieux d'installation sont différents.

Historiquement, si les immigrés de la première heure (1959 et années 1980) s'étaient pour la plupart installés puis retournés au Cameroun, celle des années 90 s'installe pour ne plus y retourner. On y retrouve parmi ces derniers, des grands parents, des enfants etc.

Les diasporas Camerounaises. Quelle organisation ?

La première chose qu'on observe en étudiant les diasporas camerounaises est une grande dispersion. Il n'y a pas d'organe de représentation qui soit inclusif. Au contraire de cela, on a une multitude d'associations, de partis et de coalitions politiques .

Ce sont des associations sociales ou alors des associations à vocation culturelle.Poo Laa, Bana sawa, Haut-Nkam, Ndé, Mvila, Abakwa, Cercle Majeur Ndé, Bafang, Bamena, etc

Il existe aussi de nombreuses associations de défense des droits de l'Homme. Ligue Camerounaise des Droits de l'Homme du professeur Kapet de Bana de regrettée mémoire,le Cercle Belgo-Africain pour la Promotion Humaine, Action Solidaire Internationale, le Collectif National Contre l'Impunité au Cameroun, l'ACP-DH...

A ces associations s'ajoute une myriade de mouvements politiques à l'instar du Collectif des Organisations Démocratiques et Patriotiques des Camerounais de la diaspora, Diaspora solidaire, le Conseil des Camerounais de la Diaspora, la Cameroon Diaspora Coalition, la Fondation Moumié, Diaspora Pour la Modernité et le Changement, la CAMDIAC (Cameroon Diaspora for Change), Conscience du Cameroun...

Bien que toutes ces initiatives témoignent autant d'un effort de mobilisation que d'une volonté d'action, nous constatons que l'organisation des diasporas camerounaises reste encore relativement "dispersée". On peut émettre l'hypothèse que la méfiance et la suspicion qui subsistent sont pour beaucoup dans cette dispersion. Et cela est l'un des défis auxquels la communauté camerounaise expatriée est confrontée.

Les diasporas camerounaises face à leurs défis

Manque d'organisation, dispersion, éclatement sont autant de défis à relever pour les diasporas camerounaises. Elles restent emmurées dans de vieux clivages, dans de nouvelles contradictions et surtout dans une grande méfiance. Méfiance qui, avec une certaine désunion sont, en plus de la question des jeunes générations, deux des défis dont nous nous proposons de faire une brève analyse.

Méfiance par rapport à l'appartenance politique d'une part et, par rapport au niveau d'éducation

En Belgique par exemple, la quasi totalité des médecins camerounais ne fréquente pas les restaurants populaires. Ces médecins n'organisent des conférences qu'entre eux, ne vont pas vers la masse. Leur unique point de rencontre avec la masse c'est l'ambassade du Cameroun lors des grands festins.

Le trait le plus visible des diasporas camerounaises est sans doute leur "non organisation". On peut penser que cet éclatement et cette désorganisation ne favorisent pas le rapprochement entre les communautés. Mais aussi ils laissent les autorités locales des pays où les Camerounais sont installés, face à un manque d'interlocuteurs qui fait problème.

Ainsi, un agent du Ministère belge des Affaires étrangères nous faisait état de l'extrême complexité des relations entre son département et les diasporas camerounaises de Belgique liée surtout à la difficulté d'avoir des partenaires, des interlocuteurs véritablement représentatifs.

Bloquées dans leurs propres clivages, les diasporas se sont ainsi divisées en camps idéologiques qui n'ont que peu d'initiatives communes. Aucun "grand" événement, aucune initiative ne rassemble les diasporas au-delà de la ligne de clivage divers.

En Belgique comme ailleurs au sein de la diaspora camerounaise, les commémorations se tiennent séparément et sont devenues une source de tensions, les grandes conférences ou les colloques sont raillés par les uns ou les autres selon leurs organisateurs et deviennent également un sujet de polémiques.

On voit donc que la question de la diaspora camerounaise est loin d'être simple. Tant dans l'approche de la communauté camerounaise expatriée, que dans son organisation qui est extrêmement éclatée renforçant une méfiance et une suspicion déjà considérables sans parler d'autres défis auxquels la communauté camerounaise expatriée doit faire face.

A l'heure où le Cameroun traverse l'une des périodes les plus difficiles de son histoire avec des crises diverses, on peut se demander quel est finalement le rôle - ou le désir - de ces diasporas dans le développement socio économique du Cameroun ? Mais cela est, comme disait l'autre, " un autre débat"...

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