Cameroun: Arnaque - L'homonyme de Paul Biya à Kondengui pour escroquerie

Poursuivi pour escroquerie aggravée et faux en écritures publiques et authentiques, le jeune homme qui porte le nom du chef de l'Etat se passait pour un fonctionnaire du cabinet civil de la présidence de la République et faisait miroiter à ses supposées victimes des recrutements dans des structures d'Etat en contrepartie d'importantes sommes d'argent. Il a clamé son innocence en rejetant le tort sur un tiers.

Le jeune homme, qui comptait sur le prestigieux nom qu'il porte et sa proximité avec la présidence de la République, n'avait pas imaginé que ses actes le mèneraient devant la justice. Mal lui en a pris de faire une fausse promesse de recrutement à la Caisse nationale de prévoyance sociale (Cnps) à M. Sani Ndoumbe Moussinga Aldus Cyril en lui extorquant 550 mille francs. Après une longue et vaine attente, la famille de la victime présumée avait engagé des poursuites judiciaires contre le mis en cause devant le Tribunal de grande instance du Mfoundi.

Pour sauver sa tête devant le tribunal pendant les débats, Paul Biya, l'homonyme de l'autre, puisqu'il s'agit de lui, a nié ses déclarations faites lors de l'enquête préliminaire. Il a plutôt rejeté le tort sur un des plaignants, notamment Zoachim Ondoua qu'il accuse d'être le cerveau du forfait.

Ses nombreuses déclarations qualifiées de contradictoires par l'accusation n'ont pas pu convaincre le représentant du parquet qui a requis sa culpabilité pour les faits d'escroquerie aggravée et faux en écritures publiques et authentiques qui lui sont reprochés. Les juges en charge de l'examen du dossier à travers des questions sans réponse, semblent aussi être restés dubitatifs sur la sincérité de l'accusé qui sera fixé sur son sort le 13 septembre 2022 date de la prochaine audience.

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Faux document

Pour bien comprendre cette affaire, qui passe devant le TGI du Mfoundi, il faut se référer aux débats qui se sont tenus le 2 août 2022 en présence des parties au procès. Du côté de l'accusation, Mme Ekwalla Ebelle Margueritte la sœur de la supposée victime, était la première à prendre la parole.

Elle raconte que tout commence en septembre 2021 lorsque M. Ondoua Zoachim, un de ses collègues de service lui avait fait part des opportunités d'emploi qu'offre un facilitateur pour des recrutements dans les sociétés d'Etat, parmi lesquelles, la Cnps.

C'est ainsi qu'elle dit avoir été mise en contact avec Paul Biya à qui elle avait présenté le cas de son grand frère Aldus Cyril Sani Ndoumbe Moussinga qui était à la recherche d'un emploi après des études en France. "Il avait accepté de nous aider et nous avait non seulement donné les modalités à remplir pour un dossier de recrutement à la Cnps, mais aussi le circuit que celui-ci allait suivre. Il avait exigé pour cela la somme de 600 mille francs, a confié Mme Ekwalla Ebelle. Elle a ajouté que l'accusé avait perçu une première somme de 100 mille francs dans un commissariat.

Cette somme représentait les frais d'étude du dossier. Il avait été convenu, selon elle, que les 500 mille francs restants allaient être versés plus tard à M. Biya dans le cas où le dossier avait abouti. Elle a indiqué que ce dernier avait donné l'assurance que le résultat du dossier tombera au bout de trois mois.

Entretemps pendant que les choses traînaient, l'accusé avait exigé deux autres avances d'un montant global de 450 mille francs. Il prétendait, d'après la plaignante, donner cet argent aux membres du conseil d'administration de la Cnps qui s'étaient réuni le 14 avril 2021.

Devant les pressions auxquelles M. Paul Biya faisait déjà face, il avait envoyé par voie de téléphone une décision de recrutement de nombreuses personnes prétendument établi par les responsables de la Cnps. La décision litigieuse contenait des noms dont celui M. Sani Ndoumbe Moussinga. C'est ainsi ce dernier avait reçu un appel téléphonique le 31 mai 2021 lui confirmant son recrutement à l'agence Cnps de Buéa dans le Sud-Ouest.

Sauf qu'il avait été arrêté et gardé à vue au moment d'aller prendre le service parce que la décision de recrutement qu'il détenait, était fausse. Une procédure judiciaire avait alors été engagée contre l'accusé qui avait disparu dans la nature. La police avait finalement réussi à mettre la main sur lui en passant par son ami en service à la Garde présidentielle. Mme Ekwalla Ebelle a précisé que la famille avait porté contre l'accusé pour sauver la tête de Aldus Cyril Sani Ndoumbe Moussinga qui était détenu et suspecté d'avoir fabriqué la décision de recrutement querellé.

Groupe WhatsApp

M. Ondoua Zoachim l'autre témoin de l'accusation, cadre contractuel dans un service consulaire, a corroboré les déclarations de la dame qui l'a devancé devant la barre avant de préciser qu'il avait fait la connaisse de l'accusé en 2021 dans un groupe WhatsApp des ressortissants de la Lekié dans le Centre. Groupe dans lequel M. Biya présentait des opportunités d'emploi dans des sociétés d'Etat. C'est ainsi qu'au cours d'une rencontre dans son bureau ce dernier arborait un badge du cabinet civil de la présidence de la République où il prétendait travailler.

"Au cours de nos échanges, il m'avait persuadé qu'il y avait une liste des personnes devant bénéficier d'un recrutement à la Cnps qui était en cours de confection au cabinet civil. Il m'avait rassuré qu'il avait la possibilité de joindre au dossier, en ce qui concerne cette entreprise, une lettre de recommandation du directeur du cabinet civil au Directeur général de la Cnps. Ces arguments m'ont déterminé à lui faire totalement confiance et lui confier le dossier de M. Sani Ndoumbe Moussinga", a déclaré M. Ondoua.

Dans la suite de son propos, le témoin a indiqué que la décision fabriquée par l'accusé a failli compromettre la carrière de certains responsables de l'entreprise de prévoyance sociale dont les noms et autres signatures figuraient dans le document querellé.

Pour convaincre les plaignants de ce que le dossier était en bonne voie, le mis en cause leur avait, d'après M. Ondoua, affiché via WhatsApp une enveloppe prétendant que c'était la correspondance que le patron du civil avait adressé à son homologue de la Cnps. " Devant de ces agissements de l'accusé, nous avons rejeté l'arrangement amiable qui avait proposé dès le déclenchement de l'affaire", a conclu M. Ondoua.

Pour sa défense, Paul Biya a déclaré qu'il est un agent immobilier et promoteur d'un groupe de préparation aux concours d'entrée dans les grandes écoles. Il a dit avoir partagé dans le groupe WhatsApp des ressortissants de la Lékié une histoire dans laquelle un parent d'élève l'avait abusé après avoir aidé son fils à braver le concours d'entrée à l'Ecole nationale d'administration et de magistrature (Enam). C'est ainsi qu'il dit avoir été invité par M. Ondoua, qui est membre dudit groupe whatsApp.

A cette époque, l'accusé a noté qu'il était stagiaire au cabinet civil de la présidence de la République, raison pour laquelle, il arborait le badge de cette institution. C'est à l'occasion de leur conversation, ajoute-t-il, que le cas de M. Sani Ndoumbe Moussinga lui avait été soumis. "En dépit de mes explications selon lesquelles le recrutement dans les entreprises d'Etat ne rentrait pas dans mes activités, M. Ondoua m'avait encouragé à l'aider en me disant que sa tante travaille à la Cnps et son grand père était l'ami du DG de cette entreprise.

Je n'ai jamais publié des photos à WhatsApp me présentant comme un facilitateur ou promis du travail aux plaignants", a-t-il clamé. Il était convenu que le dossier de recrutement qui fait problème aujourd'hui soit déposé à la Cnps pour qu'il suive le circuit normal en attendant la réaction du DG qui prendre 9 mois, a-t-il confié.

Poursuivant son récit, M. Biya a soutenu qu'il est la victime dans cette affaire au même titre que M. Sani Ndoumbe Moussinga. Le vrai coupable c'est M. Ondoua qui avait monté cette histoire pour escroquer de l'argent à sa collègue. Il en veut pour preuve le fait qu'ils se sont partagés les fonds querellés avec ce dernier qui lui aurait dit que cette famille était riche.

Il a martelé que c'est Zoachim Ondoua qui pilotait ce dossier en jouant au chat et à la souris. Au terme du témoignage de l'accusé, le tribunal a émis des réserves par rapport à ses déclarations compte tenu des informations compromettantes contenues dans le dossier de procédure à l'encontre de ce dernier.

A titre d'exemple, les juges ont présenté une pièce dans laquelle il se passait pour un secrétaire d'administration et un slogan affiché dans son profil whatsApp le présentant comme étant "au service des autres". Ce que vous venez de raconter, relève de l'extraordinaire, a déclaré la présidente du collège des juges en charge de l'examen du dossier.

Le représentant du parquet a, dans ses réquisitions, dit que M. Biya a promis monts et merveilles aux plaignants pour finalement leur servir une fausse décision de recrutement après leur avoir extorqué 450 mille francs. "Ses déclarations faites devant la barre ne peuvent pas prospérer alors que celles faites à l'enquête préliminaire correspondent parfaitement avec la réalité des faits au centre du procès", a soutenu le ministère public avant de requérir la culpabilité de l'accusé. Le verdict du tribunal est attendu le 22 septembre 2022.

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