Afrique: Suisse - Près de 80% des déchets de construction sont valorisés

13 Août 2022

En Suisse, seuls 20% des déchets de construction sont envoyés dans les décharges. Le reste est transformé en béton recyclé, en pierre, en sable, entre autres, pour la construction des bâtiments, dans les 26 cantons que compte l'État fédéral de la Suisse. Focus sur la gestion de ces déchets dans ce reportage réalisé avec le soutien d'Enquête d'ailleurs, un programme d'échange de journalistes avec la Suisse.

Genève ! Cette ville suisse est l'une des plus belles d'Europe. Elle se caractérise par ses gratte-ciels, ses espaces verts et son lac. Les petits bars et restaurants sont aussi visibles partout. Ces lieux sont pris d'assaut du matin au soir par des touristes et des personnes qui, autour d'un verre, échangent sur des sujets les concernant. En se promenant au centre-ville, on a l'impression d'être dans un " paradis ".

En plus de la beauté de Genève, tout est aux normes. Des espaces verts, des mini forêts sont créés dans tous les coins du canton de Genève. À l'image des grandes villes comme Lausanne, Berne, Genève ne connait ni pollution de l'air ni pollution sonore. Toutes les normes environnementales sont respectées dans cette ville, tout comme dans les campagnes du canton que nous avons traversé en allant vers Berne, la capitale.

Au cours d'un voyage de 2 heures en train, nous avons admiré la beauté des champs de vigne, de légumes et ceux d'autres fruits. Ces champs permettent d'assurer la nourriture de toute la ville. En campagne comme en ville, aucune ordure ne dérange les habitants et les visiteurs. Pas de déchets plastiques en milieu urbain, tout comme en campagne.

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Il n'était pas aisé, pour le journaliste africain que je suis, de faire un reportage sur les déchets, de surcroit, ceux dits de construction, parce qu'ils sont invisibles dans les chantiers où poussent de grands immeubles. En effet, les responsables enlèvent tous les déchets avant leur descente.

Pourtant, les déchets de construction représentent le plus gros volume de déchets produits chaque année en Suisse. Selon les statistiques de l'Office fédéral de l'environnement (Ofev), dont le siège se trouve au cœur de Berne, la capitale suisse, plus de 50 millions de tonnes de déchets de construction sont produites par an, dans les différents cantons de la Suisse. Cela représente, d'après Mme Clara-Marine Pellet, collaboratrice scientifique à l'Ofev, 2,2 millions de tonnes de déchets produits par habitant chaque année.

" Ce qui constitue une quantité énorme de déchets de construction. Parmi ces déchets, certains sont issus des chantiers, mais aussi de vieux immeubles en reconstruction. Cependant, ils n'ont pas trop d'impact négatif sur l'environnement ", détaille Mme Clara-Marine Pellet. D'ailleurs, le Conseiller d'État (rang de ministre de l'Environnement) du canton de Genève, Antonio Hodgers, confirme : " Ces déchets ne sont pas nuisibles à l'environnement. Il faut juste trouver une place pour les mettre en valeur. C'est cela l'enjeu dans notre canton ".

Pour Clara-Marine Pellet, collaboratrice scientifique à l'Ofev, plus de 80% des déchets de construction sont valorisés en Suisse. Après leur transformation, ces tonnes de déchets servent de matériaux de base pour la construction (béton recyclé). Ce béton est réutilisé pour la construction des immeubles. D'après Mme Pellet, une partie des déchets constitués de sable est utilisée pour le remblaiement des maisons en construction. Une bonne partie sert aussi à la construction des routes, notamment la préparation des sols. Les 20% qui restent sont envoyés dans les décharges.

En Suisse, chaque canton organise son mode de ramassage des ordures et déchets urbains. C'est ainsi que chaque décharge est chargée de collecter un déchet bien déterminé. " Nous ne mélangeons pas des déchets ici ", a précisé Mme Clara-Marine Pellet.

Selon elle, il existe des décharges où sont versés des déchets non polluants, celles qui reçoivent des minéraux, des décharges pour des déchets de construction, entre autres. Le canton de Genève ne dispose pas de décharges pour les déchets de construction. D'après M. Antonio Hodgers, ces derniers sont envoyés dans des pays voisins comme la France. " Je ne suis pas d'accord que nos déchets de construction soient déversés ailleurs. Nous devons avoir nos propres décharges ", a estimé M. Hodgers.

Malheureusement, a-t-il ajouté : " Nos déchets sont traités ailleurs et reviennent pour nous être vendus. Il s'agit particulièrement du béton recyclé ". Pourtant, les va-et-vient de camions créent de la pollution. " C'est une mauvaise idée de fermer les espaces de gravières de Genève qui permettaient de convertir les déchets de chantiers en matériaux, en bétons, sables, pierres, entre autres ", a expliqué le conseiller d'État du parti vert.

Dans le reste de la Suisse, chaque canton a sa propre politique de gestion des déchets de construction. À Berne, les déchets sont déversés à la charge du canton où ils sont valorisés. Cependant, c'est au propriétaire de maison en démolition de mettre la main à la poche pour payer les camions qui transportent les déchets des lieux de construction à la décharge. " Il paye aussi les autorités municipales chargées de les stocker avant la valorisation ", a-t-elle ajouté.

Absence d'espace pour traiter les déchets de construction

Les déchets de construction produits à Genève sont déversés ailleurs, parce que la ville n'a pas d'espace.

Située à la pointe sud du lac Léman, Genève est une ville des grandes institutions onusiennes. Elle abrite de grands bâtiments et tous les espaces sont occupés, soit par des immeubles, soit par des routes, des arbres, sans compter le lac qui a pris une grande partie. Par conséquent, aucun espace n'est disponible en dehors des montagnes, car Genève est aussi entourée des montagnes du Jura et des Alpes.

Selon un document retraçant l'histoire du Lac, que nous avons exploité, la ville offre des vues exceptionnelles sur le majestueux Mont-Blanc. Pour garder ce caractère d'une ville belle, propre où les touristes se sentent à l'aise, le peuple avait voté pour la fermeture des décharges. "

Dans un petit canton comme le nôtre, nous n'avons pas de décharge de déchets de construction. Nous n'avons pas alors où stocker ces déchets. Par conséquent, nous sommes obligés d'exporter ces déchets en France et dans d'autres pays voisins en utilisant des camions qui polluent l'environnement ", a expliqué Antonio Rodgers, le Conseiller d'État du parti vert.

Ce dernier a un rang de ministre de l'Environnement, pour le compte du canton de Genève. Même si ces déchets ne constituent pas un problème aux yeux de M. Antonio Rodgers, Genève, qui est une petite ville, ne dispose pas de décharges. " Nous n'avons pas où garder ces tonnes de déchets ", a-t-il expliqué.

Selon lui, le droit fédéral suisse n'a pas facilité les choses en ce qui concerne l'utilisation des déchets de construction et de décharge. Pour lui, les déchets de construction sont composés, en majorité, de terres qui peuvent être déversées dans les champs pour l'agriculture. Ils n'ont pas d'impact sur le paysage. " Mais techniquement, ça s'appelle déchets. Malheureusement, en tonnes, ils sont lourds ", a-t-il soutenu. C'est pour cette raison, a-t-il justifié, que le peuple avait voté pour la fermeture d'une décharge de déchets.

" À Genève, personne ne veut voir de gros tas de sable ou de gravats dans les rues ou devant les immeubles. Nous n'avons plus de décharge où mettre ces gravats. Nous sommes obligés de les envoyer chez nos voisins. Je ne suis pas d'accord, parce que ce n'est pas vertueux ", a souligné Antonio Rodgers, le Conseiller d'État du parti vert du Canton.

La Suisse dispose des normes environnementales parmi les plus élevées du monde

En Suisse, les normes environnementales sont respectées sur tous les plans. En parcourant les grandes villes, comme Genève, Lausanne ou la capitale Berne, vous constatez que tout est aux nomes. Pas de pollution, les villes sont propres. Les villages où l'on perçoit beaucoup de cultures de vigne, de fruits et légumes, entre autres, sont beaux.

Pour le Conseiller d'État du canton de Genève, Antonio Hodgers, du parti vert, la Suisse a les normes environnementales parmi les plus élevées du monde. " Ça fait 20 ans que nous avons interdit, en Suisse, la décharge de déchets urbains. Dans les pays comme la France, c'est encore permis. Il y a des endroits en France où l'on stocke des déchets. En Suisse, c'est interdit, du coup, les déchets urbains sont incinérés ", a expliqué Antonio Hodgers.

Poursuivant, il a indiqué qu'il se " bat pour que les déchets urbains produits soient brûlés à Genève pour éviter de les envoyer, à nouveau, chez les autres. Ce n'est pas porteur pour un politicien. Nous sommes en train de construire une usine d'incinération ", a souligné M. Hodgers. En Suisse, les gens ne badinent pas avec la protection de l'environnement. C'est pour cette raison que les espaces verts sont visibles dans tous les coins des grandes villes.

En Afrique, les villes grandissent vite, parce qu'une bonne partie de la campagne rentre dans la zone urbaine. " Mais en Suisse, ce n'est pas le cas. Nous n'avons pas assez d'espaces. Nous construisons en hauteur. Les espaces verts que nous créons nous permettent d'avoir de la nature. Nous réfléchissons sur l'organisation de la ville de manière que chaque quartier ait son petit bout de forêt et un accès à la rivière ", a expliqué le conseiller d'État du canton de Genève.

LAC DE GENÈVE

La bataille des déchets plastiques n'est pas encore gagnée

Le Léman est l'un des plus grands lacs de l'Europe. Il est situé entre la France et la Suisse. Dominé par les Alpes, il est au cœur de Genève. Chaque jour, le lac est noir de monde. Des touristes viennent de tous les horizons pour respirer de l'air pur, profiter de la beauté des lieux, de la plage et des restaurants. " Malgré ce beau cadre de vie, la bataille pour faire du zéro déchet plastique n'est pas encore gagnée ", s'est exprimé le Conseiller d'État du canton de Genève, Antonio Hodgers dans un entretien.

Le canton de Genève a mis en place des programmes pour éviter que les sacs plastiques soient jetés n'importe comment. " Dans le lac, nous constatons des microplastiques qui ne sont pas visibles à l'œil nu, mais qui polluent. Ces microplastiques sont issus du frottement des pneus avec le goudron puisque le lac est ceinturé d'autoroutes ", a expliqué l'autorité.

Pour réduire ce phénomène, le canton de Genève fabrique des pneus de meilleure qualité. La Deuxième Guerre mondiale a eu aussi des impacts négatifs sur le lac. " Des militaires ont jeté, durant cette période, des munitions dans le lac. Malgré tout, l'eau du lac est utilisée pour la consommation après un travail de traitement de plusieurs années ", a informé Antonio Hodgers. Selon lui, cette eau, une fois traitée, est de bonne qualité.

MICHEL BÜHRER, CHARGÉ DE PARTENARIAT AVEC LES MÉDIAS D'ENQUÊTE D'AILLEURS

" Notre souhait est d'avoir des thématiques plus ouvertes "

Chargé du partenariat avec les médias, Michel Bührer, de " Enquête d'ailleurs ", un programme d'échange de journalistes avec la Suisse, est satisfait de la participation des journalistes africains à la 10e édition. Elle était organisée en Suisse du 12 au 18 juin 2022, sur la thématique des déchets. Durant cette semaine, des journalistes africains, avec le soutien et l'orientation de leurs collègues suisses, ont réalisé des reportages sur le terrain.

Huit journalistes africains et un confrère de l'Amérique centrale ont pris part à la 10e édition d'Enquête d'ailleurs, quel bilan tirez-vous de leur participation à ce travail en terre suisse ?

Mon sentiment est que cela a été une étude formidable. Nous avons reçu, cette année, des journalistes de qualité. Pour nous, il y a deux moments assez émouvants, le lundi matin (le premier jour), quand les gens se rencontrent pour la première fois. Ce sont des moments inoubliables. Le deuxième moment, c'est le dernier jour avec des binômes qui ont travaillé ensemble pendant plusieurs jours. Cette dernière rencontre nous permet de voir comment les liens et les amitiés se sont développés, ce que les participants ont vécu ensemble. L'un des principaux objectifs du programme Enquête d'ailleurs, c'est vraiment cet échange entre journalistes de différentes cultures, de différents milieux professionnels pour que chacun apprenne de l'autre. Ce ne sont pas seulement les journalistes d'ailleurs qui viennent apprendre en Suisse. Les journalistes suisses qui, pour la plupart n'ont jamais travaillé à l'étranger, apprennent également de leurs collègues venus d'ailleurs. Ce voyage leur ouvre aussi des perspectives de voir comment les autres travaillent et dans quelles conditions ? C'est cet enrichissement mutuel qui nous intéresse.

Cette année, le thème central d'Enquête d'ailleurs a porté sur les déchets. Pourquoi cette thématique ?

Exactement ! " Les déchets, une responsabilité collective ". Le choix du thème sur les déchets s'explique par le fait que, ces dernières années, nous avons travaillé sur les thématiques liées à la ville, aux enfants, à la santé, à l'agriculture, bref sur les thématiques du développement. Lesquelles ont permis à chaque partie d'avoir des choses à dire et à découvrir. Cette année, nous avons travaillé sur les déchets, l'année prochaine un autre thème sera proposé. Notre souhait est d'avoir des thématiques plus ouvertes sur la musique, la culture, mais du fait que le programme est financé par la coopération suisse, il nous faut des thématiques qui intègrent ce que la coopération fait, cela peut être de la gouvernance, la protection de l'enfant ou des questions de genre qui sont partagées partout.

Qu'est-ce que vous attendez des journalistes qui ont participé à cette édition ?

Personnellement, qu'ils nous disent qu'ils ont appris beaucoup de choses à l'intérieur et à l'extérieur avec leurs binômes à travers des échanges et partages d'expériences. Ils forment un réseau de journalistes africains et suisses. Cette année, nous avons reçu des journalistes du Bénin, du Togo, du Sénégal, de la Côte d'Ivoire, du Burkina Faso, du Kenya. Il y aura sûrement des connexions qui se feront entre eux. Cet aspect est important pour le programme Enquête d'ailleurs.

Est-ce que ce programme sera élargi aux autres continents ?

Nous avons des moyens limités. C'est pourquoi Enquête d'ailleurs est principalement centrée sur l'Afrique de l'Ouest. Néanmoins, nous avons reçu des journalistes des autres continents. Mais, ça reste compliqué pour nous parce qu'il y a des questions de traduction, mais aussi les prix des billets qui sont extrêmement chers. Nous avons élargi, à un moment, mais nous nous sommes rendu compte que c'est difficile à gérer. Nous avons resserré un peu en accueillant, cette année, plus de journalistes de l'Afrique de l'Ouest, en ajoutant le Kenya et le Guatemala, un pays de l'Amérique centrale. Cependant, la porte est ouverte pour sortir de l'Afrique de l'Ouest, même si elle reste prioritaire par la force des choses.

Est-ce que vous êtes satisfaits du niveau des médias africains qui ont pris part aux précédentes éditions ?

Nous sommes satisfaits. C'est vrai qu'il y a une culture locale, c'est-à-dire, une manière d'écrire, de présenter les choses qui ne correspond pas nécessairement à notre manière de faire. Et ça, il faut le respecter. Ce qui me frappe régulièrement, ce sont des journalistes professionnels. On peut venir de l'Afrique, du Guatemala ou d'un autre continent, on est journaliste. Nous nous retrouvons, malgré nos différences. Nous faisons le même métier avec les mêmes critères. Le cœur de métier est le même.

(Envoyé spécial)

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