Ce n'est sans doute pas celui de Mahatma Gandhi au Kingsley Hall à Londres en 1931, ni le fameux " Je vous ai compris " du Général De Gaulle le 4 juin 1958. Ce n'est pas non plus cette supplique aux Américains, restée légendaire, de John F. Kennedy invitant ses compatriotes à s'interroger non pas sur ce que l'état peut faire pour eux, mais plutôt sur ce qu'ils peuvent faire pour leur pays. Pas plus que ça ne saurait être le célèbre " I have a Dreams " de Martin Luther King. Ça n'est même pas, plus près de nous, en 2008, le "Yes we can " de Barack Obama. Mais le message à la Nation livré samedi dernier, à la veille du 62ème anniversaire de l'accession de la Côte d'Ivoire à l'indépendance, par le chef de l'Etat est sans doute à inscrire en lettres d'or dans les annales de notre histoire.
Alassane Ouattara, son illustre auteur, a fait preuve dans cette adresse d'une telle perspicacité, d'une si rare clairvoyance, doublée d'une sollicitude et d'une ouverture d'esprit la plus large possible, que les Ivoiriens auxquels il s'adressait n'ont pu que tomber d'admiration pour cet homme d'Etat, qui n'a jamais autant mérité à leurs yeux d'être le garant de leur destin.
Posément, clairement et de façon responsable, le descendant de l'empereur Sékou Oumar Ouattara, a mis le doigt sur les préoccupations de ses compatriotes, sur leurs aspirations, leurs espérances, mais aussi sur leurs questionnements sur divers sujets d'actualité. Avant, Il les a situé d'emblée sur la symbolique même de cette cérémonie, dont le choix du cadre, c'est-à-dire Yamoussoukro, terre natale du Président Félix Houphouët-Boigny, en disait long sur ses intentions. " Célébrer cette commémoration à Yamoussoukro, est un appel à la paix à tous nos compatriotes et à tous les habitants de notre beau pays. Oui, la Paix et la Cohésion sociale, depuis plus d'une décennie, demeurent notre acquis le plus précieux et soutiennent les progrès socio-économiques de notre pays. Elles sont notre œuvre commune et notre succès collectif ", assurera-t-il.
Comme un leitmotiv, la recherche constante de la paix n'en finira plus d'articuler son discours. Ainsi, il en déclinera les différents instruments que sont le dialogue politique, la " rencontre fraternelle " avec ses prédécesseurs, les Présidents Henri Konan Bédié et Laurent Gbagbo. Au plan sécuritaire, le renforcement de la formation et des capacités opérationnelles des Forces de Défense et de Sécurité ainsi que la lutte contre le terrorisme, l'orpaillage illégal et le trafic de drogue. Et de préciser que dans cette quête inlassable de la paix, certaines incompréhensions ont pu malheureusement surgir et, " depuis le 10 juillet 2022, 49 de nos vaillants soldats, en mission officielle de soutien à la paix au Mali, sont détenus injustement en terre malienne ", a-t-il exprimé son amertume. Et de marteler sans ambages : " Je veux dire à chacun d'eux et à leurs familles que la Côte d'Ivoire ne les abandonnera jamais. Nous mettons tout en œuvre afin qu'ils recouvrent leur liberté ".
Pour le reste, l'ancien DGA du FMI a déploré un certain nombre de faits graves aux conséquences dramatiques, suite notamment aux pluies diluviennes qui se sont abattues sur toute l'étendue du territoire national, en particulier à Abidjan. Il a déroulé le faisceau de mesures prises à cet effet par le gouvernement pour en venir à bout.
Mais c'est au plan social, notamment sur la question cruciale de la cherté de la vie, que l'orateur aura comblé bien des attentes. Notamment par la série de décisions (6 au total) arrêtées en faveur des fonctionnaires et l'Etat.
L'autre temps fort de ce discours magistral, qui restera dans la mémoire collective des Ivoiriens, se trouve sans conteste dans cette partie de l'adresse du chef de l'Etat : " dans le souci de renforcer la cohésion sociale, j'ai signé un décret accordant la grâce présidentielle à Monsieur Laurent GBAGBO, ancien Président de la République. J'ai également demandé qu'il soit procédé au dégel de ses comptes et au paiement de ses arriérés de rentes viagères. J'ai aussi signé un décret accordant la libération conditionnelle au vice-Amiral Vagba FAUSSIGNAUX et au Commandant Jean-Noël ABEHI, condamnés pour des infractions, liées à la crise postélectorale de 2010. Par ailleurs, j'ai procédé à la signature d'un décret accordant une grâce collective à environ 3000 de nos concitoyens condamnés pour des infractions mineures ".
Au total, un discours d'une trentaine de minutes, qui aura pris à bras-le-corps l'essentiel des préoccupations des Ivoiriens tout en leur donnant de sérieuses raisons d'espérer en un avenir meilleur pour leur pays. " Vivre sans espoir, c'est cesser de vivre ", disait l'écrivain russe Fiodor Dostoïevski. Il faut croire qu'après l'avoir ouvertement remis sur les rails du développement, en portant ce discours dans une Côte d'Ivoire qui a subi, ces dernières années, tant de soubresauts tragiques, Alassane Ouattara entre définitivement dans l'histoire de notre pays.
