''Tout est valorisable''. C'est ce qu'a compris Floribert Minani, un artiste burundais qui fait des ''miracles '' à base des os de la vache. Ce que les autres considèrent comme des déchets sont devenus pour lui un trésor. Reportage.
Musée vivant national de Bujumbura, non loin du lac Tanganyika. Là, plusieurs artistes fabriquent différents objets. Parmi eux, Floribert Minani. Son choix est spécial. Il valorise les os et cornes de la vache qu'il récupère dans les poubelles des restaurants, des boucheries, sur les décharges des abattoirs.
« Pour eux, ce sont des déchets jetables, inutiles. Mais, chez moi, c'est de l'or », confie-t-il, fièrement. De ces objets, il fabrique des colliers, des porte-clés, des gourmettes pour dames, des bracelets, des alliances, etc.
« Bref, tout ce qu'il faut pour les femmes, les jeunes filles », affirme-t-il, notant qu'il exerce ce métier, depuis plus 20 ans. Un métier qu'il a hérité d'ailleurs de ses ancêtres : « Quand j'étais petit, je voyais mon père, mes oncles bricoler. C'était comme une usine d'artiste dans mon quartier au nord de Bujumbura. Et j'ai commencé à m'y exercer tout petit. Et voilà, j'ai réussi », raconte-t-il.
Troisième d'une fratrie de sept enfants, c'est en 1966 qu'il a commencé à s'exercer à cet art. A cette époque, il était en 4ème année de l'école primaire. « Ce sont des Congolais, mon père et mes deux grands frères qui faisaient ce métier. Et je restais à côté d'eux pour apprendre tous les détails du métier. J'étais très étonné de voir que les os des vaches devenaient après des bijoux », ajoute-t-il, précisant que seulement après trois ans, il était capable de fabriquer certains objets.
« Le Sénégalais qui m'a réellement mis sur la piste »
Et très attaché à l'art et suite à la guerre, Minani ne va pas continuer les études et va se lancer dans l'art pour tenter sa chance : « C'est en 2000 que j'ai eu la chance de rencontrer l'ambassadeur du Sénégal au Burundi. Il a beaucoup apprécié mes œuvres et il m'a passé une commande de milliers de chapelets pour les musulmans du Sénégal. Je dois dire que c'est ce Sénégalais qui m'a mis réellement sur la piste ».
Et ça a été un déclic : « A partir de cette date, j'ai été connu et c'est en 2014 que j'ai décidé de devenir professionnel de l'art en installant mon atelier au Musée Vivant de Bujumbura », poursuit-il, notant qu'en une année, ses œuvres ont finalement franchi les frontières nationales vers la Tanzanie et il a participé à sa première exposition régionale dénommée Saba Saba.
Là, se réjouit-il, ses œuvres ont été très appréciées. C'est après cela qu'il va s'envoler vers la Chine dans la ville de Beijing à Sho Dong pour prendre part à une autre exposition cette fois-ci internationale. Là, aussi, Floribert Minani captive les visiteurs. De son stand, il marque des points.
Ce père de trois enfants affirme que grâce à son travail, et sans grand parcours scolaire, il a déjà visité une vingtaine de pays dont tous les pays de la Communauté est-africaine, la Chine, le Sénégal, le Mali, le Malawi, etc.
Pour faire la pub de ses œuvres, il se sert des nouvelles technologies de l'information et de la Communication (NTIC) surtout Instagram. Et grâce à son travail, il possède sa propre maison, son moyen de déplacement et ses enfants fréquentent les meilleures écoles de Bujumbura, la capitale économique, etc. « Bref, mon métier me fait vivre honorablement et m'a ouvert plusieurs horizons », dit-il, appelant les jeunes à ne pas sous-estimer un métier. « L'art fait vivre ». Pour lui, la matière première est à la portée des jeunes talentueux : « Ce qu'on appelle déchets n'en sont pas un. Ce sont des trésors une fois recyclés et valorisés ».
Un remède pour les plus allergiques
Des objets très appréciés et qui inspirent les jeunes générations. « On trouve ça bon aussi parce que franchement on n'aurait jamais pu croire que ç'était fait à la main. C'est juste incroyable de voir qu'il y a des gens qui fabriquent des choses avec leurs mains, ça nous fait plaisir, nous les jeunes générations. Si j'avais quelqu'un à qui offrir, oui, j'allais vraiment penser à revenir ici, pour acheter quelque-chose », confie Issa Idrissa Kaze, un jeune rencontré au Musée vivant de Bujumbura.
Guy Izere, un autre jeune abonde dans le même sens : « Je trouve ça incroyable de voir à quel point les mains des Burundais peuvent faire des choses incroyables, de voir à quel point on est capable de produire par nous-mêmes sans importations. »
Et pour les plus allergiques aux gourmettes en argent, en or, Floribert Minani a trouvé pour elles une alternative. " Normalement, je suis très allergique aux chaînettes en argent. Quand je portais ça, je me grattais la peau. Mais, avec ces objets en os ou corne de vache, il n'y a aucune conséquence », confie, à son tour, Bernice Nika, une cliente. Elle souligne d'ailleurs que quand elle porte ce genre de collier dans des fêtes, elle se distingue des autres.