Cote d'Ivoire: Les voix réclamant une loi d'amnistie seront-elles entendues ?

analyse

Après avoir rencontré séparément les anciens présidents, Henri Konan Bédié en novembre 2020 et Laurent Gbagbo en juillet 2021, un mois après son retour à Abidjan, l'actuel chef de l'Etat ivoirien, Alassane Ouattara, a multiplié ces derniers temps des signes d'apaisement dans son pays à l'histoire récente marquée par la violence politique. Un élan qui a été conforté par l'annonce, le 7 août dernier, de la grâce présidentielle accordée à son prédécesseur qui était condamné à 20 ans de prison, mais cette faveur est jugée insuffisante par sa formation politique et de nombreux Ivoiriens.

Au lieu de la grâce annoncée à l'occasion de la fête de l'indépendance, Laurent Gbagbo veut plus : l'amnistie dans la perspective de la présidentielle de 2025, parce qu'il espère être candidat à ce scrutin. C'est pour cette raison que le Parti des peuples africains-Côte d'Ivoire (PPA-CI), créé par lui-même l'an dernier, est monté au créneau pour appeler à une action plus conciliante de la part du pouvoir. Estimant que la grâce qui a été annoncée " ne correspond pas aux attentes légitimes " du peuple, le PPA-CI, qui veut que les autorités ivoiriennes prennent une loi d'amnistie qui efface la peine, contrairement à la grâce présidentielle.

La grâce permet au condamné de ne pas purger sa peine en prison, mais elle ne l'annule pas, contrairement à l'amnistie. Ce qui revient à dire qu'une épée de Damoclès reste toujours suspendue sur la tête de Laurent Gbagbo, au cas où il serait candidat à la prochaine élection présidentielle, puisqu'une une personne condamnée ne peut nullement se présenter.

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Au sujet de la loi d'amnistie, Justin Koné Katinan, porte-parole du PPA-CI, relève que Laurent Gbagbo " n'a jamais demandé de grâce présidentielle ", mais elle s'avère nécessaire, étant donné que la Côte d'Ivoire est dans un processus de dialogue politique " qui doit aller jusqu'au bout pour arriver à l'amnistie ". " La grâce présidentielle, telle qu'elle est donnée est déjà un pas, mais ce n'est pas ce que nous attendions (... ). Nous voulons l'amnistie ", a-t-il souligné. Et d'ajouter que la loi d'amnistie devrait également concerner " les prisonniers civils et militaires " de la crise post-électorale sanglante de 2010-2011, comme cela a été préconisé par le dialogue politique initié par le gouvernement ivoirien en vue de la réconciliation nationale.

L'amnistie créera des difficultés constitutionnelles à Laurent Gbagbo

De son côté, Jean Alabro, analyste politique indépendant à Abidjan, affirme que la décision d'accorder la grâce plutôt que l'amnistie a été mûrement réfléchie et " soupesée " par le chef de l'Etat qui sait mieux que quiconque que " cela créera des difficultés constitutionnelles à Gbagbo pour être candidat ".

Laurent Gbagbo a été acquitté en mars 2021 de crimes contre l'humanité par la Cour pénale internationale (CPI) qui a permis son retour en Côte d'Ivoire peu après. Malgré cela, il restait sous le coup d'une condamnation dans son pays à deux décennies de prison pour " le braquage " de la Banque centrale des Etats d'Afrique de l'Ouest (BCEAO) pendant la crise susmentionnée. Une condamnation qui, selon le PPA-CI, " ne repose sur aucun fait réel ". La BCEAO " n'a jamais porté plainte pour braquage et ne s'est pas constituée partie civile dans le procès qui a conduit à la condamnation ", fait remarquer ce parti, ajoutant qu'" il est temps de fermer la parenthèse " de la crise survenue en Côte d'Ivoire, " en suivant la voie ouverte par la Cour pénale internationale " qui a acquitté Laurent Gbagbo.

En dépit de la grâce présidentielle accordée à Laurent Gbagbo, ni lui, ni Henri Konan Bédié, n'ont pas répondu à l'invitation d'Alassane Ouattara à participer le 8 août dernier aux célébrations du 62e anniversaire de l'indépendance de la Côte d'Ivoire à Yamoussoukro.

Si pour de nombreux Ivoiriens les deux anciens présidents ont boudé la fête d'indépendance parce que le régime n'a pas pris en compte les doléances des opposants, les proches de Laurent Gbagbo justifient cette absence au fait que le gouvernement maintient en prison certains militaires ayant servi cet ancien chef d'Etat. " Il était difficile pour le président Gbagbo d'aller assister au défilé de l'armée nationale alors que des soldats qui ont servi sous ses ordres sont encore en prison ", a précisé le porte-parole du PPA-CI. Quant à Cyrielle Koné Obré, la porte-parole d'Henri Konan Bédié, elle a dit que l'ancien président n'a pas assisté aux festivités pour des " raisons personnelles ", mais il y avait mandaté une délégation de cinq dirigeants.

Hormis la question de l'amnistie qui fait couler beaucoup d'encre, le PPA-CI se félicite de l'annonce par le président Ouattara du dégel des comptes de Laurent Gbagbo et du paiement de ses arriérés de rentes viagères, ainsi que de la libération conditionnelle de deux anciennes figures de l'appareil militaire et sécuritaire de son régime, condamnées pour leur rôle dans la crise de 2010-2011.

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