Afrique du Sud: Démélés judiciaires de Jacob Zuma - Un avertissement sans frais pour les dirigeants africains

Jacob Zuma
analyse

Le feuilleton judiciaire qui se joue en Afrique du Sud avec Jacob Zuma comme acteur principal, semble encore bien loin de son épilogue avec les tentatives de ramener l'ex-président, bénéficiaire d'une liberté conditionnelle, derrière les barreaux.

Incarcéré en juillet 2021 pour outrage à la Justice pour 15 mois de prison, l'ancien chef de l'Etat est soupçonné d'avoir bénéficié des faveurs du directeur des services pénitentiaires que l'on dit proche de lui, pour recouvrer la liberté pour raison médicale.

C'est en raison de cela qu'une décision de Justice réclame son renvoi en prison. Mais l'homme ne compte pas se laisser amener comme un mouton de Tabaski. Et cela, on peut le comprendre.

D'abord, parce que la liberté est pour l'homme un penchant naturel et cela est particulièrement vrai pour la génération de Jacob Zuma dont l'histoire s'est en partie écrite sous le régime prédateur de libertés individuelles et collectives pour les Noirs, que fut l'apartheid. L'on comprend d'autant plus les tentatives de résistance de l'homme qu'il aimait la belle vie et la croquait à pleines dents.

La Justice sud-africaine est dans son rôle

La preuve de ce goût immodéré pour le luxe, est la villa de Nkandla dont les travaux additifs, composés d'un poulailler, d'un amphithéâtre et d'une piscine faits sous le couvert d'aménagements sécuritaires, avaient coûté indûment au contribuable sud-africain, la bagatelle de 20 millions d'euros. Et que dire des nombreuses autres frasques de l'homme ?

Mais l'argument massue qu'opposent Jacob Zuma et ses avocats à l'arrêt de renvoi en prison émis par la Justice sud-africaine, est que l'ancien chef de l'Etat souffre " d'une maladie terminale ou d'une condition chronique et progressive ".

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Il faut donc craindre que dans ces conditions, au regard de l'âge assez avancé de l'homme, le retour dans les geôles ne soit synonyme d'une condamnation à mort. Mais l'on peut tout aussi comprendre la Justice sud-africaine que d'aucuns peuvent accuser de harceler Jacob Zuma.

Elle est bien dans son rôle. Pour la Cour qui a prononcé le jugement, une décision de justice a été prise et doit être appliquée, quel que soit le statut du prévenu.

Les juges sont d'autant plus intransigeants qu'il y va du respect et de la crédibilité de l'institution judiciaire sud-africaine que Jacob Zuma a défiée en mobilisant ses partisans pour faire barrage à son autorité. L'on craint donc qu'en faisant une exception pour l'homme politique qui traverse, il faut le reconnaitre, une période humainement difficile, l'on crée des précédents qui confinent finalement à l'injustice.

En tout état de cause, chacune des parties est dans son rôle et c'est ce qui fait le charme de l'Etat de droit et de la démocratie où les citoyens sont tous égaux devant la loi mais disposent aussi de tous les recours légaux possibles pour défendre leur cause quand ils sont pris dans les rets de la Justice.

Et cela tranche très nettement avec les républiques bananières du continent où l'impunité pour les anciens dirigeants, est la règle, pour peu que ces derniers ne constituent pas une menace pour les princes régnants.

L'immunité accordée aux dirigeants dans l'exercice de leurs fonctions, n'est qu'un piège qui finit toujours par se refermer sur les imprudents

Cela dit, Jacob Zuma et ses avocats ne peuvent plus que compter sur la mansuétude de la Justice sud-africaine qui, sans se dédire, peut trouver les arguments pour se montrer sensible au sort du prévenu.

D'abord, les décisions judiciaires revêtent un caractère correctionnel, mais pour Jacob Zuma, âgé de 80 ans, il ne fait aucun doute que même s'il tirait leçon de ses ennuis judiciaires, il n'ait plus l'occasion de se racheter.

Ensuite, l'ancien chef de l'Etat, même s'il s'est éclaboussé par de nombreux scandales, a quand même rendu de grands services à la nation sud-africaine, ne serait-ce que par sa lutte très engagée au sein de l'African National Congress (ANC) contre l'apartheid aux cotés de Nelson Mandela.

Enfin, il ne faut pas l'oublier, nous sommes en Afrique où les valeurs traditionnelles réservent aux personnes âgées, le plus grand des respects.

Cela dit, en attendant de voir si le juge se montrera réceptif à tous ces arguments qui peuvent valoir à Jacob Zuma, des circonstances atténuantes, l'on peut dire que les démêlés judiciaires de l'ex-président constituent une leçon pour les dirigeants africains, en raison de leur forte teneur pédagogique.

Ces ennuis constituent, en effet, un avertissement sans frais pour les princes régnants qui doivent garder bien en tête qu'ils peuvent tôt ou tard être rattrapés par leurs turpitudes, conformément à l'avertissement de Norbert Zongo qui écrivait : " Les peuples, comme les hommes, finissent toujours par payer leurs compromissions politiques : avec des larmes parfois, du sang souvent, mais toujours dans la douleur ".

Ensuite, la seconde leçon que l'on peut tirer des déboires de Jacob Zuma est que l'immunité accordée aux dirigeants dans l'exercice de leurs fonctions, n'est qu'un piège qui peut encourager à la forfaiture mais qui finit toujours par se refermer sur les imprudents qui se laissent prendre.

Enfin, l'on retiendra de ce feuilleton judiciaire à rebondissements, que tout comme l'hôpital, l'on ne devrait pas narguer la prison. Car, tous les êtres humains sont des clients potentiels de ces deux enclaves. Et l'on peut déplorer qu'au sommet de son art, Jacob Zuma qui, plus que tout autre personne, a besoin de repos aujourd'hui en raison de son âge avancé et son état de santé, ne l'ait pas appris à temps.

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